Le bâtiment de la BCE inauguré hier, "offre à la BCE un nouveau siège impressionnant pour accomplir sa mission", selon les mots de Draghi devant un parterre réduit au strict minimum d'invités, dans une forteresse assiégée, protégée par des milliers de policiers.
Impressionnant, oui! Le prix de ce bâtiment: 1,3 milliard d'euros. L'obscénité de ces tours qui doivent dominer les villes comme autant de symboles du pouvoir économique et de l' éloignement des populations
Impressionnant, oui! Le siège: comme à Strasbourg, les ponts sont bloqués, l'espace est inaccessible, les barbelés, les troupes policières, les camions à eau rapatriés de toute l'Allemagne, les bus encerclés dès leur arrivée.
Mais,
Impressionnant oui! le blocage voulu par les militants et réalisé de fait par les flics. La BCE est en état de siège.
Impressionnant oui! l Le décalage absolu entre cette maigre cohorte d'invités surprotégés, cette inauguration en catimini et l'engagement déterminé de milliers de personnes. Sur les lieux de blocage d'abord, dans une manifestation, l'une des plus fortes vécues, ensuite.
Impressionnante oui, la manifestation qui nous réconcilierait avec toutes les manifestations, parce que dense, épaule contre épaule, menée à un rythme soutenu qui transmet en elle-même une force à chacun. Une multiplicité de banderoles accolées les unes autres qui longent la manif, tenues par des militants, livrant des analyses diverses mais solidaires.
Quelques flashs:
Dans le petit matin, les bus arrivent sur une des principales rues de Francfort. Dans la solitude de l'aube, les voitures de police entourent les cars. En fait, C'est un lieu de blocage. Le pont vers la BCE est totalement fermé par les forces de polices qui se multiplient encore après cette arrivée.
Plus tard d'autres militants arrivent. Groupés et déterminés, ils tentent de briser le cordon de police. Roulé boulé, des bottes qui enjambent ou carrément passent sur le corps. Position fœtus, tête protégée. Pas de blessures, mais beaucoup de bleus sur le corps.
Dans le petit matin, de loin, derrière le bâtiment flambant neuf tout en métal et en verre, des fumées noires. Peut-être les voitures de police brûlées. Il faut dire que l'Europe policière comme à Strasbourg a été la vedette de cette journée du côté pouvoir.
Plus tard dans la journée, contournement solitaire du bâtiment. Les forces de police sont toujours en position. C'est aussi un point presse. La police a là son car "communication" et des policiers se baladent avec la mention sur leur uniforme. Toujours aucune possibilité de s'approcher.
Pour arriver là, traversée d'un quartier populaire. La vie normale et cela se voit très pauvre, au pied de ce bâtiment indécent.
Plus tard encore, remontée de la manifestation. Le centre-ville est noir de monde, on devrait dire plutôt coloré par toutes les banderoles. Tout donne une impression de volonté claire de lutte: nous sommes tous épaule contre épaule, la manifestation est dense et rapide, de chaque côté comme deux longs rubans, les banderoles se succèdent tenus par les militants de toutes les convictions.
De Strasbourg, le sommet contre l'OTAN, à la BCE aujourd'hui, il est finalement peut-être important que le pouvoir ne puisse pas organiser tranquillement ses grandes manifestations de propagande. Important peut-être aussi, l'expérience de ces mobilisations qui nous montrent que nous pouvons aussi agir.
En partant, cependant, une image se grave, celle des milliers de personnes qui travaillent dans ce bâtiment pour une Europe d'exploitation. Que peuvent signifier alors ces luttes quand on sait qu'elles peuvent si tranquillement être digérées ...