I ère partie -
Actualité No 6, octobre 1978
Liban/Palestine
RA: Vers quelles années, les premiers Palestiniens s'installèrent-ils à Tel-Zaater?
Commandant Selman : les premiers groupes palestiniens chassés par Israel commencèrent à s'installer à Tel-zaater (T). en 1951. A cette époque, ilsn'étaient pas très nombreux. T est une région très basse, située tout près des usines de capitalistes libanais. On dirige donc les premiers réfugiés palestiniens vers cette zone industrielle attenante à ce camp. Le patronant libanais avait à sa disposition une main d'oeuvre fraîchement arrivée de Palestine et dont les habitations étaient situées à proximité, c'est-à-dire à T. La création de ce camp draîna par la suite une émigration massive des réfugiés palestiniens installés dans une première phase dans différents camps, et surtout dans le Sud-Liban. T. devient le lieu de refuge de centaines de Palestiniens chassés par les hordes sionistes, un beau matin, de leur patrie et qui franchissaient la ligne d'armistice libano-israélienne avec, en guise de bagages, un simple ballot sur le dos. Ces réfugiés arrivèrent dans ce pays dans un état moral des plus déprimants. Il fallait d'abord se nourrir et se faire loger. On improvisa ainsi les premiers baraquements construits en tôle.
Pour nos frères, T apparaissait à cette époque comme une bouée de sauvetage. Pour eux, en attendant des lendemains meilleurs - les pays arabes nous promettaient de libérer la Palestine - T était une sorte de "cadeau du ciel". On y habitait entre Palestiniens, parfois issus de la même région, et l'on travaillait juste à côté ...
par la suite, le gouvernement libanais tenta de freiner l'émigration vers ce camp, mais sans y réussir. Et le nombre de Palestiniens n'en diminua pas moins jusqu'à atteindre dans les dernières années 20 000 habitants.
RA: En 1976, ces vingt mille habitants allaient être les héros d'une bataille de 53 jours. Commandant Selman, pourriez-vous décrire la vie quotidienne de ces habitants durant le siège de T?
Commandant Selman: A vrai dire, le siège de T. commença bien avant l'été 1976. Les miliciens isolationnistes arrivèrent au lendemain du 13 avril 1975 pour ne repartir que le 13 août 1976. La bataille de T. n'a pas duré 53 jours seulement mais seize mois. Tout au long de cette période, les voies de communication n'avaient été ouvertes que trois ou quatre fois, cela a l'issue d'accords provisoirement intervenus entre les parties belligérantes. Des véhicules chargés de vivres et de médicaments furent autorisés à entrer dans T.
Quant à la vie quotidienne, c'etait celle que devaient mener mener des assiégés à la seule exception que ces assiégés militaient au sein d'une résistance armée depuis plus de dix ans.
Les tâches étaient réparties. Chaque habitant, enfant, homme ou femme, savait où et comment il devait servir. Dès que les bombardements s'intensifiaient, lesvieilles personnes, les femmes et les enfants de moins de douze ans, rejoignaient les abris souterrains qu'ils ne quittaient qu'à la fin des combats. La violence des bombardements contre le camp, faisaient que les civils étaient parfois plus exposés au danger ...
La guerre était entrée depuis plusieurs mois dans les moeurs quotidiennes de T. Le bruit des mitrailleuses, des explosions et des roquettes devint familier même aux enfants de six ans.
Sachant que la baille pouvait durer plusieurs semaines, nous décidâmes alors de prendre les devants. On s'organisa en fonction des moyens disponibles. De leur côté, les habitants prirent également leurs dispositions. Ils constituaient d'importants stocks alimentaires, de munitions et de médicaments. Le temps du rationnement commençait pour eux. Pour ce qui est des combattants, , les mesures étaient encore plus draconiennes. Ils étaient plusieurs centaines. Il y avait même des enfants parmi eux. Pour ce qui est de l'effectif des hommes armés, nous n'avions pas de statistiques précises. Toute personne qui souhaitait prendre un fusil pour combattre, était la bienvenue. Tous les civils qui nous avaient rejoints, l'avaient fait volontairement. Comme je le disais, l'effectif de nos combattants variaient. Les marturs laissaient aussitôt la place de combat sur le champ de bataille aux nouveaux volontaires qui parfois avaient à peine douze ans. Beaucoup de combattants étaient des jeunes filles.
Les combattants se scindèrent en plusieurs brigades. Il y avait ceux qui étaient aux premières lignes défensives, ceux des positions arrière et d'autres qui se reposaient après plusieurs heures de combat.
Les fedayines qui rejoignaient les abris pour "récupérer" avaient une autre tâche à accomplir. Ils devaient veiller à l'organisation dans le camp. des conférences quotidiennes étaient tenues et avaient pour but d'informer la population sur les derniers développements au Liban et de l'état de nos moyens de défense. Ils avaient également pour tâche de veiller à ce que le moral de la population ne se relâche pas. dès que les bombardements diminuaient, les civils reprenaient leur ouvrage: construction de barricades, des casemates, soins aux blessés, creusemement de tranchées. Les jeunes filles assuraient les premiers soins aux blessés et alimentaient en eau les combattants (2ème partie dans le numéro 7)