L'animateur du journal: ".... la décision du juge n'est sans doute apparemment pas étrangère à des considérations politiques?"
Laure de Vulpain:
"Alors, en tout cas sur l'enchaînement des faits, la situation est claire et limpide. En droit, Jean-Marc Rouillan bénéficiait depuis 10 mois d'une mesure de semi-liberté qui lui avait été accordée au terme de 20 ans de détention dont 7 à l'isolement total et 6 en centrale de sécurité. Une condition très stricte lui avait été posée: il lui était interdit d'évoquer les faits pour lesquels il avait été condamné ... Sans plus.
Rouillan pouvait donc donc tout à fait rencontrer des journalistes, donner des interviews et s'exprimer sur son nouvel engagement politique aux côtés d'Olivier Bezancenot.
Mercredi donc, l'Express met sur son site l'interview de Rouillan incriminée par le Parquet. Le ministère public demande aussitôt la révocation de la mesure de semi-liberté.
Mais la raison invoquée semble un peu tirée par les cheveux. Explicitement, Rouillan n'évoque pas les faits. Mais implicitement, il met plutôt en avant une sorte d'obligation qui lui serait faite de n'avoir qu'une bonne parole, le repentir.
Hier soir, le Juge d'application des peines compétent en matière de terrorisme, il n'y en qu'un en France, emboîte le pas au Parquet et suspend la mesure de semi-liberté en attendant le débat contradictoire. Et je peux vous dire que Jean-Marc Rouillan vient d'être transféré à la prison des Baumettes à Marseille.
L'animateur du journal interroge Laure de Vulpian sur l'ordonnance du juge.
Laure de Vulpain:
"Alors, il est écrit que les déclarations de Jean-Marc Rouillan ont "profondément troublé l'ordre public. Qu'un débat s'est installé sur le bien-fondé de cette interview et que pour éviter tout nouveau contact avec les médias et sans préjuger de la décision du Tribunal de l'application des peines, il convient de suspendre la mesure".
Alors, ces motivations sont surprenantes dans la mesure où l'interview elle-même n'avait pas provoqué de réactions dans les médias. En fait, c'est la réaction du Parquet qui a conduit les journalistes à faire des papiers et des interviews sur le sujet. On voit donc que le Parquet s'appuie sur le trouble qu'il provoque lui-même pour justifier la mesure qu'il défend et que le juge a prise.
Mais pourquoi cette précipitation. Rouillan va-t-il prendre la fuite alors que cette affaire d'interview n'est pas jugée? Elle le sera le 16 octobre. Présente-t-il un risque de récidive? Certainement pas, sinon il n'aurait jamais eu de semi-liberté.
C'est donc bien une motivation politique qui a dicté sa conduite au Parquet. Les terroristes font peur à vie. Un bon terroriste est un terroriste repenti. Or cette notion de repentir n'existe pas en droit français. Et la loi ne fait obligation à personne de présenter un repentir ou des regrets.
Et en fait, on vient de lui signifier un retour en prison pour l'empêcher de parler de politique peut-être, en tout cas de critiquer le système."