Plusieurs interventions ont marqué le meeting en solidarité avec Georges Ibrahim Abdallah de ce 15 mai 2009. Voici celle de JP Bastid (les intertitres sont de linter)
Ce 15 mai 2009, nous sommes réunis ici pour vous parler de Georges Ibrahim Abdallah, prisonnier politique détenu par l’Etat français depuis 25 ans. Sa demande de libération a été rejetée le 5 mai dernier.
Examiner le potentiel de dangerosité!
Depuis la loi sur la rétention de sûreté, les prisonniers condamnés à perpétuité doivent être examinés par une commission pluridisciplinaire chargée de se prononcer sur leur « dangerosité » avant une demande de libération conditionnelle.
À Fresnes, on a examiné le potentiel de « dangerosité » de Georges Abdallah.
« Considérant que lors de ses différentes auditions que le condamné a clairement revendiqué le caractère politique de son action et ses convictions anti-impérialistes »,
sa dangerosité est démontrée
« par la force intacte de ses convictions qui peuvent à nouveau, si le contexte politique s’y prêtait, le pousser à se comporter en activiste résolu et implacable. ».
Ce sont les motivations de la cour.
Une décision pétainiste
C'est une décision parfaitement pétainiste de dire à un Libanais : « engagez-vous à ne jamais vous battre même si le Liban est envahi ». Un pétainisme qui vient de loin.
Le parcours d'un combattant
Aussi, je voudrais rappeler le parcours d’un combattant
Né dans le nord du Liban, Georges Ibrahim Abdallah a fait ses études à l’Ecole Normale. Il adhère à la résistance palestinienne (Front Populaire de Libération de la Palestine) et est blessé lors de l’invasion israélienne du sud Liban en 1978.
En 1982, Israël lance l'Opération Paix en Galilée pour envahir le Liban, la Fraction Armée Révolutionnaire Libanaise (FARL) exécute Yacov Barsimentov, responsable du Mossad de l'ambassade d'Israël à Paris, Charles Robert Ray, attaché militaire à l’ambassade des U.S.A., mais manque le Consul Général des Etats-Unis à Strasbourg.
Georges Abdallah est arrêté le 24 octobre 1984 à Lyon par les forces de sécurité françaises pour détention de faux papiers. Sur intervention du gouvernement algérien, les autorités françaises font la promesse de le relâcher. Dans Verbatim, Jacques Attali raconte que le chef du département des services secrets français a été envoyé en Algérie pour informer le gouvernement algérien :
« Jeudi 28 mars 1985. Bonnet, patron de la DST, envoyé à Alger, explique qu’Abdallah, arrêté à Lyon, sera libéré pendant l’été en raison des faibles charges qui pèsent contre lui. Les Algériens lui répondent que le Français enlevé au Liban, Peyrroles, sera relâché si Abdallah l’est aussi. On obtient que celui-là précède celui-ci. »
Mais les autorités françaises ne respectent pas leur engagement. Traduit devant le tribunal le 10 juillet 1986, Georges Abdallah est condamné à quatre ans de prison pour la détention d’armes et d’explosifs.
Le 1er mars 1987, la justice française le juge de nouveau : cette fois, accusé de conspiration et d’actes terroristes, Georges Abdallah est condamné à perpétuité par la Cour de sûreté de l'État. Les États-Unis se sont portés partie civile dans ce procès : Ronald Reagan y voit une occasion de démontrer la capacité et la volonté des démocraties d’éradiquer le terrorisme.
En mars 1987, on était encore loin du 11 septembre, qui justifiera bien des exactions états-uniennes !
Le président américain fait valoir son point de vue lors d’une réunion avec François Mitterrand. Pressé par le lobby israélien, Reagan répète ses interventions pour obliger les autorités françaises à maintenir Georges Abdallah en détention. Bien sûr, la France fait allégeance.
Vendredi 27 juin 1986, La Haye. À leur petit déjeuner à l’ambassade de France, le président Mitterrand informe Helmut Kohl :
« Le conseiller pour la Sécurité de Ronald Reagan, John Pointdexter, nous télégraphie pour nous mettre en garde contre une éventuelle libération d’Ibrahim Abdallah avant son procès et avant que les autorités américaines n’aient toutes les preuves relatives aux charges contre lui. »
L’opinion publique est traumatisée par la série d’attentats à la bombe qui ont eu lieu à Paris entre 1986 et 1987. Les autorités françaises ont beau jeu d’accuser Abdallah d’en être l’instigateur. Elles les imputent carrément aux frères du prisonnier et des récompenses sont promises aux délateurs. Leurs noms sont diffusés et leurs photos figurent dans tous les postes frontaliers et les lieux publics. Les frères Abdallah organisent des conférences de presse pour démentir ces calomnies et Georges est placé à l’isolement.
Depuis, la France a arrêté le groupe responsable de ces explosions, dévoilant ainsi que l’accusation contre lui était montée de toute pièce, mais sa condamnation à perpétuité avait désigné Abdallah comme bouc émissaire. En rassurant la populations française, cette condamnation a apaisé Américains et Israéliens en leur prouvant que la France était un pays capable de lutter contre le « terrorisme ».
Les autorités juridiques françaises ont rouvert son dossier cinq fois à la suite pendant les années passées. Lors de sa réouverture pour la quatrième fois, Abdallah, interrogé sur son attitude concernant la résistance nationale libanaise, a répondu que :
tout peuple dont le territoire est occupé résiste à l’occupation.
Il a dit :
qu’il retournerait au Liban et se mettrait à la disposition de son peuple et de son pays.
Lors de son audience du 15 mars 2002 au Palais de la Justice à Paris, le Tribunal de la libération conditionnelle a refusé de le relâcher au motif que ses réponses n’étaient pas convaincantes et que son retour au Liban n’était pas une raison suffisante pour l’empêcher de récidiver.
En jugeant a priori des actes d’un militant après sa libération, les autorités françaises se conduisent comme l’Inquisition du Moyen Âge qui s’arrogeait le droit de scruter les profondeurs de la conscience. Mais n’est-ce pas déjà un préfiguration de notre bel aujourd’hui où le délit de « mauvaise pensée » peut conduire quiconque est convaincu d’avoir lu des « mauvaises livres » à la case prison !
En novembre 2003, la juridiction de la libération conditionnelle de Pau a ordonné la remise en liberté de Georges Ibrahim Abdallah, à condition qu'il ait quitté définitivement le territoire le 15 décembre. Mais Dominique Perben, alors ministre de la Justice (rappelons comment l’individu servit la soupe à son compère Berlusconi dans l’affaire Battesti) fait appel de la décision.
Le 15 janvier 2004, la libération est rejetée. Une émission diffusée en 2005 sur TV5 sur le terrorisme international présente Georges Abdallah comme un terroriste… islamiste !
Un combat contre l'impérialisme et le capitalisme
Notre camarade n’a cessé de se battre contre l’impérialisme et le capitalisme, pour la victoire des classes opprimées, dans un projet communiste internationaliste. Son opposition aux théories islamistes ne découle pas d’une position opportuniste contre l’islam et la « nation arabe », mais se fonde sur une analyse marxiste de notre histoire.
Vingt-cinq ans ont passé depuis l’arrestation de Georges Ibrahim Abdallah, et il faudrait d’un décret spécial pour qu’il soit libéré ?
Acharnement contre les prisonniers révolutionnaires
Ne nous laissons pas abuser :
Le maintien en détention de Georges Abdallah est une transgression de la loi française et un acte abusif qui viole les lois internationales.
C’est un acte délibéré :
Georges Ibrahim Abdallah reste à ce jour incarcéré pour ce qu'il représente, un ennemi du sionisme et de l’impérialisme.
Nous n'en resterons pas là!
N’en restons pas là !
Les prisonniers politiques sont, paraît-il denrées inconnues dans notre doulce France. La « perpétuité » signifie la détention jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Tel est l’acharnement de l’État contre les prisonniers révolutionnaires :
— la mort de Joëlle Aubron n’a pas assouvi le désir de vengeance des commis du gouvernement : elle n’a été libérée que lorsque le pronostic vital avait été engagé ;
— si Nathalie Ménigon, victime de plusieurs accidents vasculaires cérébraux a été longtemps pour la justice trop handicapée pour travailler (et donc pour bénéficier d’une libération conditionnelle), la pression des militants a enfin opéré et on l’a jugée assez handicapée pour la libérer ;
— Jann-Marc Rouillan a été remis en prison au motif, disons, d’un devoir de réserve, auquel il ne se serait pas conformé !
Ne nous leurrons pas !
Si les dictatures fascistes répriment brutalement à visage découvert, les démocraties bourgeoises se masquent sournoisement derrière leurs sacro-saints « Respects des Droits de l’Homme » et leur toute-puissance est sans retenue contre ceux qui s’attaquent à leur ordre. Les lois françaises sont, paraît-il, inspirées des principes de la Révolution Française. Mais, dans l’atmosphère délétère où nous survivons, elles me sembleraient plutôt être au service de la haine et de la vengeance.
Jean-Pierre Bastid