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La colère comme vérité.
Cette année a été édité le manuscrit auquel travaillait Bruno. Il comportait déjà quelques chapitres, rédigés alors qu'il se remettait doucement de problèmes de santé, et de difficultés existentielles, que nombre de nous connaissent dans cette société brutale et vide, dans ce monde "sans évasion possible", mais qu'il vivait de manière plus intense et profonde que la plupart des autres militants.
Dans le chapitre, que nous proposons dans le cadre de l'hommage que nous lui rendons chaque année, il trouve les mots pour décrire non seulement ce qu'il ressent, mais ce qu'il doit à des amis et comment il a pu trouver asile dans ce pays basque militant et luttant pour un pays socialiste et émancipé.
Bruno qui avait été très sensible à la lutte du peuple irlandais pouvait retrouver au Pays basque ce lien avec la lutte révolutionnaire pour le communisme qui lui a toujours été essentiel.
Carte réalisée en prison par Bruno et qu'il utilisait comme moyen de communication alors qu'une interdiction de communiquer pesait sur chaque membre emprisonné de l'Internationale.
"C'est pourquoi aujourd'hui, je consacre la modeste énergie que j'ai su sauvegarder, outre le soutien à la lutte du peuple palestinien contre l'agresseur sioniste ou la lutte contre les politiques impérialistes, à la défense des combattants emprisonnés, que ce soit mes camarades de l'organisation Action directe, ou l'innombrable cortège des prisonniers basques."
EUSKAL HERRIA, terre d'asile
Extrait de "Bribes, un monde sans évasion possible"
P 43-45
Après avoir erré de ville en ville, auprès d'amis ou de membres de ma famille, un camarade basque me proposa de venir m'installer chez lui, je saisis l'occasion au vol. J'avais connu nombre de militants d'Iparretarrak lors de mon emprisonnement et, une fois libéré, j'avais hébergé à mon domicile ceux d'entre eux qui étaient assignés à résidence à Paris ou encore les familles qui rendaient visite à leurs proches détenus.
Je ne voulais plus retourner à Paris ... J'aboutis ainsi chez un couple d'amis qui fit preuve, durant près d'une année, d'une humanité, d'une patience et d'une disponibilité sans faille qui ne se sont jamais démenties depuis ... Leurs enfants chacun à leur manière participèrent à cette reconstruction ...
Celle-ci fut à la fois sociale et politique. Sociale en ce que je me sentais plus que jamais étranger à ce monde et que je n'aurai, seul, su m'y réadapter. Politique en me permettant, peu à peu, de m'insérer dans quelques structures militantes et notamment en me faisant embaucher dans un hebdomadaire de la gauche radicale du Pays basque Nord, Ekaitza. Grâce à eux, je compte aujourd'hui sur un réseau d'amitiés aussi discrètes que réelles qui ne se sont, plus d'une décennie après, jamais dénouées.
Grâce à cet environnement, j'ai pu renouer peu à peu avec un minimum de militantisme et m'y investir dans la mesure où la maladie et les fréquents séjours hospitaliers auxquels je suis astreint me le permettent physiquement et psychiquement. Gabi Mouesca, ancien militant d'Iparretarak, qui a purgé dix-sept années de réclusion, explique fort bien dans son livre La Nuque raide, les traces que laissent, chez un militant révolutionnaire emprisonné, de longues années de détention, cependant que mon ami Charlie Bauer, qui a effectué, lui, près de 25 ans d'enfermement résume d'un mot cette situation dans son ouvrage Fractures d"une vie:"On ne sort pas de prison, on sort avec la prison."
C'est pourquoi aujourd'hui, je consacre la modeste énergie que j'ai su sauvegarder, outre le soutien à la lutte du peuple palestinien contre l'agresseur sioniste ou la lutte contre les politiques impérialistes, à la défense des combattants emprisonnés, que ce soit mes camarades de l'organisation Action directe, ou l'innombrable cortège des prisonniers basques.
L'activité militante dans ce pays ne ressemble en rien à ce que j'ai pu connaître par le passé. Même sur des sujets graves, elle conserve un air de fête. On ne compte plus les journées dédiées aux prisonniers ou à l'amnistie qui constituent l'occasion d'un repas ou d'un apéro interminable, conclues par un concert endiablé. On ne compte plus les aurresku (hommages) qui saluent le retour au pays de tel ou tel prisonnier. Les rassemblements pour de telles circonstances sont légions. Et le nombre des prisonniers basques dans les geôles de la République française est tel que tout individu normalement constitué ne peut suivre le tempo judiciaire.
Mon fils, un adolescent maintenant, m'a plusieurs fois fait cette remarque: "Dans ton pays, c'est toujours la fête ou la bataille" ...
Le livre de Bruno est disponible auprès de militants ou de linter, aux librairies Le Point du jour ou Ishtar à Paris. Si des librairies peuvent le prendre en dépôt, merci de nous en faire part. Le prix en est de dix euros reversés à son fils.