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Ce que Hermann [Feiling] dit lui-même de sa situation autrefois et aujourd'hui [extrait d'un texte de début 1979]
"J'ai oublié certaines choses, le temps qui a suivi l'accident n'a jamais été intégré. C'était parfois un monde de songes, et retrouver le chemin vers moi-même et ce qui m'environnait était trop effrayant pour être clair et acceptable. Certaines choses que j'ai apprises m'ont parfois plus préoccupé subjectivement que ma situation sur le plan physique. C'était tout simplement la crainte que l'exploitation de mon état de confusion et de disponibilité ait entraîné tant de choses absurdes - par exemple l'arrestation de Sybille - que j'aie peur de moi-même et que cela isole tous mes amis de moi. Le fait que les visites aient été empêchées n'était qu'un moyen de l'isolement. En fait ce que l'on cherchait, c'était à me faire croire que personne ne voulait me rendre visite, ce que je croyais d'ailleurs et ce qui rendait impossible la moindre modification à mon statut d'objet et à la relation de dépendance vis à vis de mes adversaires.
Cette stratégie avait parfois et chez certains du succès. Ce qui finalement mit en échec ces plans de la sureté de l'Etat, c'est essentiellement un travail de solidarité, qui ne partait justement pas des "informations" et des horribles constructions de la presse, acceptées souvent par l'extrême-gauche, selon lesquelles moi par exemple j'aurais été menacé par des clandestins. Des histoires horribles comme celles-là sont naturellement utiles pour faire que des gens se dissocient.
Non, ce qui a été utile c'est une solidarité, qui partait aussi de ce que l'on connaissait de moi et ne dépendait pas des bruits et des informations dans la presse, une solidarité qui, aussi, n'a jamais abandonné. A partir d'un certain moment je l'ai perçue, malgré mon isolement, cela m'a aidé ensuite pour reconstruire mon identité et le sentiment de pouvoir encore être quelque part un sujet. Un processus, qui malgré les grilles dressées par la sureté de l'Etat s'est développé et sans lequel il ne serait resté qu'une absolue tristesse dans un monde qui est contraire à tous mes souhaits et buts et que je combats au plus haut point
Mais, cela a a été suffisant à la fin de l'année dernière pour que je sorte enfin de cette détention policière, je suis de nouveau parmi des amis et je peux faire et apprendre des choses. Je reconnais certes quelques limites à mes possibilités mais cela ne me réconcilie avec rien. Je peux maintenant m'occuper d'exploiter des possibilités de mouvements, de m'approprier des capacités et connaissances pour m'orienter dans un environnement nouveau mais que je peux apprendre à appréhender. Il y a des possibilités pour moi de vivre.
Sur le plan juridique, une procédure est en cours. Mais je ne vais pas me couler dans un moule de la sureté de l'Etat comme cela avait été certainement planifié."
(Cliquer sur le document pour lire)
Un témoignage exemplaire
linter le 28.10.2012
Le texte dont est extrait ce passage est en cours de traduction. Il sera disponible alors sur linter (et sera disponible aussi comme tout ce qui concerne le procès de C. Gauger et S. Suder sur le site stopextraditions). Un premier extrait a déjà été publié sur le blog: Pour C. Gauger et S. Suder "Un homme grièvement blessé, quatre mois et demi dans les mains de la sûreté de l'Etat ouest-allemande". Document de l'époque concernant Hermann Feiling.
Ce document nous a été adressé par des camarades allemands. Il est l'un des rares à être disponible sur le net. Surtout il représente une analyse, à l'époque, de ce que venait de vivre Hermann Feiling par lui-même.
Nous publions plus rapidement cet extrait-ci dans la mesure où il reproduit la parole de Hermann Feiling, dès qu'il a pu sortir des quatre mois et demi où il a été retenu et interrogé, alors qu'il était grièvement blessé, et sans fondement légal, par la police et les services du procureur. Il permet de saisir son attitude à l'époque, mais aussi celle d'aujourd'hui, et certainement celle de sa compagne.
Le texte montre ce que Hermann Feiling a été capable de reconstruire, grâce à lui-même et à ceux qui l'entourèrent, au-delà du drame personnel atroce qu'il vivait du fait de l'accident et dépassant ce qu'il venait de vivre du fait de la police et des services du procureur.
S'il a pu se reconstituer, se retrouver lui-même dans son identité, c'est par la compréhension exacte de ce qui s'était passé à l'hôpital et dans les locaux de la police, par lui-même et par ceux qui lui témoignèrent leur solidarité. Ce texte témoigne d'une intelligence politique et personnelle de Hermann Feiling et de ceux dont l'Etat voulait le désolidariser. Intelligence politique et personnelle qui lui permet et permet à tous ceux qui l'ont cotoyé de pouvoir en toute cohérence résister à l'extrême violence de ce qu'il ont vécu et vivent aujourd'hui.
En ce sens, il est pour nous exemplaire.
linter - 28 octobre 2012
"Cela m'a aidé ensuite pour reconstruire mon identité et le sentiment de pouvoir encore être quelque part un sujet."
"Un processus, qui malgré les grilles dressées par la sureté de l'Etat s'est développé et sans lequel il ne serait resté qu'une absolue tristesse dans un monde qui est contraire à tous mes souhaits et buts et que je combats au plus haut point"
"Mais je ne vais pas me glisser dans un moule de la sûreté de l'Etat comme cela
avait été certainement planifié."
Hermann Feiling, début 1979