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Dans le précédent article, nous avons résumé la requête déposée par l'avocat de Christian Gauger à propos de la prise en compte de déclarations de Hermann Feiling pour étayer son l'accusation contre C. Gauger et S. Suder.
Nous vous demandons de le relire. Pourquoi.
Parce que la "justice" allemande entend aller encore plus vite que nous ne pouvions le craindre et se débarrasser du "problème" le plus rapidement possible.
Afin d'empêcher toute prise de conscience dans l'opinion publique nationale et internationale des conditions dans lesquelles en 1978, huit mois après Stammheilm, ce militant a été interrogé.
Le témoignage de son avocat de l'époque, Me Baier est si accablant sur les conditions des interrogatoires qu'aucun tribunal ne devrait pouvoir accepter une accusation basés sur eux.
Certes les Etats occidentaux n'ont jamais appliqué leurs propres lois dans les contextes de luttes politiques, certes, on ne compte pas les atrocités commises autrefois comme aujourd'hui, pendant le colonialisme, la guerre d'Algérie ou Guantanamo.
Mais l'on pouvait espérer au moins que "l'automne allemand" et cet état d'exception qui faisait croire à la police et à la "justice" que tout était permis dans leur lutte contre les groupes révolutionnaires, n'aurait plus de conséquences.
Or et comme le constate l'avocat de Christian Gauger, la "justice" allemande en acceptant de reprendre ces déclarations, de demander la comparution de Hermann Feiling, cautionne les pratiques illégales et barbares appliquées à l'époque contre ce militant.
Certes les délais sont courts nous ne devons pas pour autant baisser les bras. Faire connaître cette requête au plus vite, faire connaître ce qui s'est passé en 1978, ne pas laisser passer cette comparution sans réagir.
Ici juste deux éléments de la plaidoirie de Me Baier il y a plus de trente ans, pour ceux qui ne savent pas, ou qui n'ont pas pris vraiment conscience. (Cités par Me Heiermann, avocat de C. Gauger, le 21 septembre)
Le premier interrogatoire
L’engin explosif explose sur les jambes de Feiling le 23 juin 1978 vers 10 heures. Il est transporté immédiatement au centre hospitalier universitaire de Heidelberg. Là il est immédiatement amputé des deux jambes juste en dessous du bassin, et perd ses deux yeux. L’opération a dû se terminer vers 13 heures ; l’heure de fin de l’opération n’est pas connue avec exactitude, cependant la première indication sur les feuilles du patient remonte à 13 heures. Feiling se trouve en soins intensifs. Personne ne sait aujourd’hui à quelle heure les effets des anesthésiants, vraisemblablement à base de morphine, se sont complètement dissipés; on lui administre dans la journée du 23 juin à plusieurs reprises des antalgiques puissants. Le lendemain matin, il n’est pas encore en mesure de parler, car il est toujours entubé. Alors qu’il savait déjà qu’on lui avait enlevé les deux yeux, il apprend dans le courant de la matinée du 24 juin qu’il a aussi perdu ses deux jambes. A ce moment-là, en dehors des deux blessures déjà décrites, il souffre de déchirures et de brûlures au second degré au visage et d’une blessure au maxillaire. Une expertise d’un neurologue a pu aussi constater en septembre de cette année [l s’agit de l’année 1980], qu’il avait dû souffrir aussi d‘une atteinte cérébrale.
Encore sous le choc de la prise de conscience des graves séquelles corporelles, Feiling, mutilé, est allongé, enveloppé de linges, relié à des tubes, juste après qu’il a été extubé, donc juste après la réanimation, lorsque commencent les interrogatoires, bien que Feiling se trouve encore en danger de mort. Vers 13h30 un procureur s’approche de lui, qui ne l’informe pas expressément de ses droits – comme il l’indique dans le dossier - mais qui l’interroge longuement.
L'isolement (H. Feiling a été retenu par la police quatre mois sans aucune base légale et maintenu dans un isolement complet. Les seules personnes le cotoyant sont les enquêteurs, procureurs. Les policiers vont même jusqu'à se subsituter au personnel soignant, rendant H. Feiling exclusivement dépendant d'eux. Ils lui font croire que sa vie est en danger. Ils l'interrogent sans relache: le dossier représente plus de 1000 pages).
Cette situation de détresse, de désorientation et de totale dépendance, les services chargés de l’enquête l’ont utilisée sans scrupule et de façon barbare.
Alors qu’il était isolé de tous ses amis, ils l’ont utilisé comme un esclave. Alors que ses capacités de perception étaient complètement détruites, qu’il se trouvait en pleine confusion, que ses expériences personnelles étaient réduites en miettes, ils ont pris possession de lui et de son savoir, l’ont traité et analysé comme un objet sous scellé, ils ont feuilleté dans son cerveau et se sont servis comme dans un supermarché, sans tenir compte de sa détresse morale.