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Le 29 janvier 2013, l'avocat de Sonja Suder a déposé une demande de remise en liberté de sa cliente. La défense a en effet relevé précisément les différentes versions données par Hans-Joachim Klein concernant le principal élément de l'acte d'accusation: à savoir une rencontre dans une forêt des environs de Francfort, au cours de laquelle Klein aurait été approché pour participer à l'action contre la conférence de l'OPEP en 1975.
La défense dans sa requête reprend les différents documents officiels où Klein parle de cette rencontre. Ainsi, elle cite cinq de ces documents : le manuscrit et un extrait du livre publié par Klein, un extrait d'une interview au Spiegel, une interview à Arte, le compte-rendu d'un procureur ayant interrogé Klein, un projet d'autoportrait.
Il apparaît clairement que s'il a toujours nommé une militante: Brigitte Kuhlmann, concernant l'une ou les autres personnes présentes, il n'a longtemps cité que des noms de militants hommes et n'a parlé de Sonja Suder que lors de son procès.
Dans un précédent procès, le jugement avait décidé d'une relaxe concernant un militant accusé par Klein, jugeant que si il semblait possible de prendre en compte le témoignage de Klein concernant B. Kuhlmann, ses accusations concernant ce militant n'étaient pas assez sûres pour constituer la base d'une condamnation.
Ce qui vaut pour ce militant, ne vaut-il pas pour Sonja Suder? Peut-on retenir comme chef d'inculpation et d'emprisonnement des déclarations non seulement tardives mais en contradiction avec tout ce que le témoin avait déclaré jusqu'alors. Peut-on décider de la vie et de la liberté d'un accusé sur des bases aussi fragiles?
La cour ne s'est pas prononcée aujourd'hui. Signe, comme le disait un grand journal allemand que la décision qui sera prise devra être très soigneusement motivée. Apparemment plus que celle qui a permis dans un premier temps de retenir le témoignage de Klein dans l'acte d'accusation, puis de refuser la remise en liberté de Sonja Suder il y a quelques mois, et qui déjà avaient fait l'objet de requêtes de la défense.
Maintenant Klein a témoigné, il a été entendu et apparemment le procureur, la juge elle-même, la presse ont relevé les contradictions multiples de son témoignage.
N'est-il pas temps, Madame Stock, de prendre enfin une décision courageuse: la remise en liberté de Sonja Suder ne s'impose-t-elle pas?
linter - le 5 février 2013
(Nous avons traduit la requête déposée par la défense afin que vous puissiez prendre rapidement connaissance de ses grandes lignes. Nous mettons le lien vers le texte allemand et vous demandons de nous communiquer les modifications, corrections, si nécessaires. linter)
Levée du mandat d'arrêt
L'accusation contre Sonja Suder de participation à la préparation de l'attaque contre la Conférence des ministres de l'OPEP à Vienne le 21.12.1975 et la prise d'otage qui a suivi, s'appuie sur l'affirmation que Madame Suder aurait participé à deux entrevues dans la forêt communale de Francfort, ayant pour objet de demander à Klein de participer à cette action, et qu'elle aurait transporté, à la demande d'un membre des RZ Böse, des armes et explosifs dans un appartement à Vienne, après qu'une livraison attendue d'armes et explosifs en provenance de Libye n'ait pas eu lieu comme prévu. Comme les armes en provenance de Libye seraient arrivées entre-temps, celles-ci auraient aussitôt été retournées. L'accusation s'appuie exclusivement sur les déclarations faites par Hans-Joachim Klein aux enquêteurs après son arrestation en 1998.
Concernant les preuves sur ces éléments centraux cités ci-dessus, je renvoie à la transcription présentée par la défense à l'audience de ce jour. L'instruction a montré à ce jour en tous les cas que lors de son audition par la police lors de l'enquête et le procès qui a suivi, le témoin Klein a toujours indiqué la présence de Mme Kuhlmann lors de ces conversations, et au-delà la présence d'un ou de plusieurs hommes en citant des noms différents. Au contraire et de manière totalement inattendue, le témoin Hans-Joachim Klein a cité lors de l'audience du 25 janvier 2013 et l'a répété à plusieurs reprises en réponse à la question qui lui était posée sur ce point, que seules Mmes Kuhlmann et Suder étaient présentes lors de ces entrevues de la forêt de Francfort et que Mme Kuhlmann aurait été celle qui dirigeait l'entretien. Il a répété ces accusations à plusieurs reprises lors de l'audience du 29 janvier 2013.
L'instruction a de plus montré que Klein n'a fait des déclarations sur la présence de Mme Suder qu'après son arrestation. Avant son emprisonnement, il s'était exprimé comme suit sur ces conversations:
1.
"Je me suis rendu, comme souvent, à une rencontre dans la forêt et là j'ai rencontré Brigitte et encore un autre membre de la Cellule Révolutionnaire. Je ne l'attendais pas en fait. Brigitte venait de revenir d'un pays arabe et était apparemment très pressée. Il n' y a pas eu beaucoup de samalecs, seulement: comment ça va et venons-en au fait (Hans-Joachim Klein, dans son livre Retour vers l'Humanité [traduction du titre allemand], paru chez Reinbeck en 1979, P 52, dossier tome 47, page 239)".
Ceci est repris aussi mot pour mot dans le manuscrit rédigé pour la préparation du livre (manuscrit, P 34, Dossier: Tome. 47, page 239...)
Dans son interrogatoire du 12.07.1999, Klein a indiqué qu'il faisait de la deuxième partie "Der Coup von Wien", de son livre "Rückkehr in die Menschlichkeit", de la page 46 à 74, le contenu de ses déclarations.
2. Lors d'une interview au Spiegel, No 32, année 1978, Klein s'est exprimé comme suit sur la conversation où il a été recruté:
Spiegel: Qui vous a initié?
Klein: C'était Brigitte Kuhlmann, c'est elle que j'ai rencontré sans la forêt. Nous avions toujours un joli petit coin pour ces rencontres (Dossier, tome 16, Page 38)
3. La chaine Arte a indiqué, comme il est montré dans une annotation du Bundeskriminalamt du 29.05.1995 concernant le contenu de l'émission du 23.02.1995, les déclarations de Klein sur ce point:
R.: la rédaction indique que Klein a rencontré Brigitte Kuhlmann et Böse dans une forêt près de Francfort. 1975 est le moment où les Palestiniens se trouvent enfermés à Beyrouth et sont abandonnés à leur destin par les Etats arabes. Pour briser cet isolement, Carlos a proposé de prendre en otage les ministres du pétrole qui devaient se rencontrer à Vienne. En échange de leur libération, une somme importante devait être payée à la résistance palestinienne. Pour montrer sa détermination, Carlos aurait décidé l'exécution du ministre saoudien du pétrole Scheich Jamani (phon.) et de son collègue Amouzigar, ancien chef des services secrets de la SAVAK.
Klein: Klein indique qu'il aurait donné son accord pour cela (l'attaque de l'OPEP) que lorsqu'on lui aurait dit que toutes les informations nécessaires étaient données par un pays, lui-même membre de l'OPEP.
4. Dans une lettre au procureur de Francfort du 08.08.1995 à l'intention du procureur Rath, l'avocat de Klein, Hans-Wolfgang Sternsforff s'exprime comme suit:
Monsieur le Procureur
J'ai eu entre-temps la possibilité de poser quelques questions à l'accusé - comme je l'ai évoqué dans notre conversation à votre bureau le 17 juillet 1995. Je joins le compte rendu des questions et réponses.
Q.: Quand avez-vous pour la première fois appris que l'on vous avait choisi pour participer à l'action de Vienne?
Klein: Si je me souviens bien, c'était aux environs de septembre ou octobre 1975. Brigitte Kuhlmann et un homme - je ne sais plus aujourd'hui avec la meilleure volonté du monde, qui c'était - m'ont dit cela lors d'une promenade dans une petite forêt près de Francfort. Ils m'ont expliqué à grands traits ce dont il s'agissait mais ils ne sont pas rentrés dans les détails.
Mais on m'a dit déjà à ce moment là qu'il y aurait en dehors de moi cinq autres membres. On m'a dit aussi que "Carlos" serait le chef et qu'il y aurait une autre personne connaissant l'allemand, ce qui me rassura car je ne connaissais pas de langues étrangères.
Question: Est-ce que lors de cette réunion préparatoire, il a déjà été dit de quelles armes disposerait le commando et dans quel cas il devrait être fait usage de ces armes?
Klein: Non, pas du tout. Il m'a été dit que l'organisation dans tous ses détails serait prise en charge par Wadi Haddad. Ce nom ne me disait rien du tout à l'époque. Je l'ai entendu pour la première fois à cette occasion.
Question: Comment avez-vous réagi à cette proposition. Avez-vous donné votre accord tout de suite.
Klein: Non. j'ai tout à fait spontanément émis des doute sur la réussite d'une telle action ...
Question: Avez-vous vraiment pensé que l'on pouvait prendre en otage tout un groupe de ministres du pétrole sans faire soi-même usage de son arme? Avez-vous pensé que les ministres viendraient pourrait-on dire sans résistance?
Klein: On m'avait déjà expliqué à Francfort à l'époque que ces informateurs, dont j'ai déjà parlé, nous assuraient à coup sûr que la conférence de l'OPEP, ne serait absolument pas gardée. Et c'était vrai. C'est pourquoi je suis parti d'abord de l'idée que de notre côté il ne serait pas nécessaire d'utiliser des armes à feu. Je pensais qu'il suffirait de menacer d'utiliser nos armes.
Question: Où, quand et comment avez-vous concrètement appris comment devait avoir lieu l'action et qui aurait quel rôle à jouer?
Klein: J'ai tout décrit précisément dans mon livre, P 56 à 61. J'aimerais vous renvoyer à ces pages. Ce que j'ai écrit, est juste dans tous les détails
5. Dans la préparation de son autoportrait intitulé "homo homini lupus" (l'homme est un loup pour l'homme), Klein a écrit ce qui suit:
"En novembre 1975, je me suis rendu dans la forêt de Francfort. J'ai rencontré là-bas Kuhlmann et - très probablement - Weinrich. Le FPLP avait prévu une action et l'on m'a demandé si je voulais y participer, parce que la RZ devait mettre à disposition l'un de ses combattants. ll s'agissait d'enlever tous les ministres de l'OPEP lors de la prochaine conférence de Vienne. Lorsque je déclarai que selon moi une telle action était impossible, il me fut répondu: si, cela va marcher, mais tu en sauras plus si tu acceptes. Comme je voulais y réfléchir, nous avons décidé d'une autre rencontre dans les deux, trois jours. Là, j'ai dit que je ne prendrais pas de décision si l'on ne me donnait pas plus de détails. Après quelques hésitations, j'ai eu des précisions sur la préparation de l'action. Les informations sur la surveillance de la conférence et les armes viendraient de Libye. Le 20 décembre, Sanchez et Halid sont retournés au Hilton et des membres des services secrets libyens ont fourni les armes et les informations nécessaires sur la conférence (Dossier, tome 26,P 58,59, 66, 67).
De tout ceci, il apparaît clairement que Hans-Joachim Klein n'a cité qu'après son arrestation, Mme Suder comme ayant participé aux conversations de préparation pour cette action, alors qu'il n'avait jamais parlé d'elle auparavant. Durant son emprisonnement, il a décrit lors les interrogatoires policiers, ces entrevues de manières différentes, et en citant comme participants des personnes différentes. Dans le procès il a cité encore d'autres personnes pour donner dans ce procès maintenant une version encore inconnue à ce jour. Ce comportement fondé sur des déclarations contradictoires atteint son sommet quand il dit dans ce procès que Schindler n'était pas présent lors de ces entretiens. En contradiction avec ce qu'il a déclaré dans le procès qui lui a été intenté ainsi qu'à Schindler, où il avait prétendu que celui-ci était présent. Le tribunal en était arrivé à la même conclusion devant ce revirement inattendu: alors que les déclarations concernant Brigitte Kuhlmann montre une permanence incontestable et sont de ce fait crédibles (d'autant que la participation d'une dirigeante des RZ pour une action aussi importante semble normale), on ne peut s'appuyer étant donné les changements concernant les autres participants à ces rencontres dans la forêt, sur aucune conclusion sûre. (Voir jugement du 15.02.2001,(Az: 5/21 Ks) 51 Js 118/86, P. 108).
Il était donc nécessaire de faire valoir ces contradictions flagrantes et centrales dans les déclarations de Klein. Ceci a été fait avant que d'autres contradictions et invraisemblances du témoin puissent être mises au jour dans les prochaines audiences, parce que la détention de Mme Suder ne souffre plus d'être ainsi prolongée. On ne peut attendre, sur l'arrière-plan de ces affirmations contradictoires et invraisemblables concernant la participation de Mme Suder au recrutement de Klein, aucun résultat crédible et sûr concernant le prétendu transport d'armes. Dès maintenant, il semble impossible que les accusations contre Mme Suder puissent être maintenues dans ce procès. Une levée immédiate du mandat d'arrêt est impérative.
Me Hartmann
Avocat