De l'action directe à l'action antiimpérialiste
Le Canada est par excellence le pays dépendant des Etats-Unis ayant en apparence tous les attributs de l'Etat souverain (suffisamment développé pour apparaître comme tel). Le Canada est un pays riche en matières premières et surtout en possibilités énergétiques. Les grandes entreprises multinationales en profitent largement.
Dans ce pays, la lutte anti-impérialiste est donc particulière. Elle est d'autant plus difficile que le capital doit mettre tout en jeu pour interdire la prise de conscience révolutionnaire, du fait de l'importance économique du Canada et, surtout, de la proximité de la frontière commune avec les Etats-Unis.
Pour ce faire, le capital exploite le sentiment de la partie anglophone de même appartenance à une communauté culturelle, et comme en Allemagne, tente de faire du pays l'une des vitrines de l'Occident, offrant le mode de vie américain - en d'autres termes l'exploitation et l'aliénation capitalistes - comme modèle, comme rêve et réalité.
Comme dans d'autres lieux, c'est par le biais de l'identité culturelle que le capital tente d'imposer sa domination, de diviser la Classe. Comme ailleurs, c'est par le biais de la différence d'identité que se fait le clivage politique, puis la rupture.
Ainsi, les anglophones sont dans un premier temps plus aisément récupérés et gagnés au système alors que c'est au Québec que se développent d'abord les formes d'opposition radicale autour de la revendication d'indépendance. Les limites de cette opposition apparaissent cependant ultérieurement en même temps que les capacités de réaction et d'assimilation du capital quand il s'agit de revendication nationale.
C'est ce qui se passe au Québec où la revendication nationale prend la forme radicale et intéressante du F.L.Q qui marqua l'histoire francophone dans les années 70. Certes, le F.L.Q. combat aussi pour l'émancipation sociale dans la mesure où le clivage économique rejoint, comme en Irlande, et par des phénomènes économiques explicables, le clivage culturel. La lutte globale n'est cependant pas la propriété du FLQ et c'est ce qui permet à l'Etat de vaincre. En utilisant ses deux solutions traditionnelles: la force par le démantèlement du FLQ et la solution douce, la solution social-démocrate qui enlève toute force révolutionnaire au mouvement national. Le parti de Levesque joue ce rôle à merveille. Cependant, l'exploitation demeure, et avec elle, l'inéluctabilité de la lutte des classes.
Aujourd'hui, la lutte prend d'autres formes et concerne aussi la partie anglophone. Elle gagne en dimension internationaliste ce qu'elle perd en revendication nationaliste. Elle s'apparente au sabotage à grande échelle et touche des éléments plus fondamentaux du système.
Cette lutte prend naissance en 1980 avec les premières actions - en souvenir de Stammheim 1977 - contre Mercedes Benz, en 1981 contre le consulat américain en solidarité avec le peuple du Salvador. En 1981, "Résistance" commence à paraître qui pose le problème de la lutte armée comme forme de lutte.
Cependant, c'est le groupe "Direct Action" qui impose cette idée dans la pratique par deux actions: le dynamitage de la station d'alimentation d'Hydro B.C. sur l'île de Vancouver et surtout l'action contre l'entreprise Litton qui fabrique les systèmes de guidage des missiles Cruise américains.
Cette dernière action est l'une des seules dans le monde qui ait eu pour objet la destrcution réelle de ces engins de mort alors que partout, les mouvements se limitaient à une position défensive ou passive face à l'installation des missiles, se contentant de manifester ou de protester tout en annonçant l'apocalypse proche. Cette action plaçait directement le groupe dans la lignée de groupes européens tels que la RAF, les BR etc, ou de groupes nord-américains pour lesquels l'action armée n'est pas symbole, mais but pratique.
Mais il est vrai que ce groupe part d'une tout autre réalité et d'une tout autre identité. Il est d'une part l'expression de la faiblesse du mouvement de classe, de la mémoire communiste dans le pays. D'autre part, il se place dans la tradition libertaire de l'action directe et apparaît comme l'expression radicale du mouvement écologiste pacifiste et féministe. Des actions ont été revendiquées par la "Wimmin'fire Brigade" contre les boîtes de vidéo pornos qui diffusent des films de viol.
Les deux attaques de "Direct Action" ont amené une réaction hyperviolente de l'Etat, avec perquisitions, interpellations, interrogatoires, qui a touché l'ensemble du mouvement de Vancouver. Toronto et Montréal, toutes communautés (féministes, écolos, pacifistes etc) confondues.
Aujourd'hui, cinq personnes sont dans les taules canadiennes: July Belmas,Gerry Annah, Ann Hansen, Dong Stuart et Brent Taylor.
Le mouvement qui les soutient est énorme, d'autant plus que les cinq étaient très connus et intégrés au mouvement. Dans toutes les villes existent des comités. Des publications permettent de suivre leurs déclarations, leurs procès, leur combat, leurs conditions de détention.
Dans ce dossier, nous publions les communiqués de "Direct Action", des textes inspirés de "Résistance" et d'autres documents.