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Le 11 juillet 1977, un avocat demande l'asile en France! C'est un avocat des militants de la RAF, Klaus Croissant, combattant infatigable, un des principaux animateurs du Comité International de Défense des prisonniers en Europe de l'Ouest. L'empêcheur d'isoler en rond, celui que l'Etat allemand a interdit comme d'autres de défense, et qui, se sentant menacé a quitté l'Allemagne fédérale. L'Etat ouest-allemand demande son arrestation. Octobre 1977: 4 militants de la RAF meurent dans la prison de Stammheim. Arrêté, Klaus Croissant, est alors en prison: il dira sur 6 prisonniers que je défendais, 5 sont morts en prison! Malgré une campagne forte en France, il sera extradé!
L'extradition entre la France etl'Allemagne a une histoire!
Maspéro, ce magnifique éditeur publie dès 1977, un livre du Mouvement d'action judiciaire: l'Affaire Croissant. Cela reste une formidable illustration de ce dont était capable l'Etat ouest-allemand quand il s'agissait de militants révolutionnaires et de leur défense.
A méditer, face au procès qui se tient actuellement à Francfort, contre Christian Gauger et Sonja Suder.
Introduction
mouvement action judiciaire
l'affaire croissant, maspéro, cahiers libres 340, P 9 à 12
Une brêche est désormais ouverte dans le droit d'asile en France. Plus que la perte d'un simple droit "généreusement" et traditionnellement" accordé par le "pays de la déclaration des droits de l'homme", il s'agit aujourd'hui de la mise en place dans les faits d'une connivence entre Etats européens pour organiser la chasse aux opposants et aux déviants. Nul n'est plus désormais en sécurité en France s'il est opposant dans son pays.
Klaus Croissant aura eu le triste privilège d'en être la première victime. Avocat de militants de la Fraction armée rouge, il a été poursuivi dans son propre pays pour "complicité" et pour son "attitude vis-à-vis de ses clients". Dans l'impossibilité d'exercer son métier de défenseur, il s'est réfugié en France. Sa demande d'asile n'avait pas encore reçu de réponse qu'il était déjà remis aux autorités allemandes.
La vitrine du "libéralisme occidental" entraîne dans sa chute, outre les droits de la défense en République fédérale d'Allemagne, le droit d'asile français. L'unification de fait des systèmes policiers français et allemand est un précédent, qui fait de ce que l'on appelle désormais "l'affaire Croissant", le révélateur d'un dangereux processus qui se met en place en Europe.
Fermer aujourd'hui les yeux sur ce qui peut apparaître pour certains comme un fait divers, c'est courir le risque de les rouvrir sur un monde où les libertés seront au musée des antiquités.
La précipitation des autorités françaises à extrader celui qui croyait trouver une terre d'asile là où il n'y a plus désormais qu'un piège en dit long sur les intentions à venir de l'Etat, en matière de délit politique et d'asile, en dit long aussi sur la fiabilité de l'institution judiciaire et sur son "indépendance" face à la raison d'Etat.
L'acharnement inouï de l'Etat fédéral allemand, les prodigieux efforts de propagande mis en place en RFA pour traîner dans la boue ce qui reste des défenseurs libres dans ce pays interpellent tous ceux qui dans tous les pays refusent de baisser la tête face à l'Etat oppresseur. Ce n'est pas pour de seules raisons économiques (taux de croissance et d'inflation, etc) que le "modèle allemand" est un modèle pour la clase dominante, c'est aussi pour des raisons d'efficacité politique: mise au pas des fonctionnaires, délation généralisée, atteintes aux droits de la défense.
La spécifité de chaque pays aujourd'hui en matière de répression risque de devenir demain une formidable mesure à broyer les oppositions par la "criminalisation" des actes politiques et par l'impossibilité d'organiser toute défense dans la phase judiciare des conflits. Le coup d'arrêt au droit d'asile politique est un premier pas vers la mise en place de ce mécanisme.
Souvenons-nous qu'en 1972 la loi dite "anti-casseurs" (article 314 du Code pénal), prônant le principe de la responsabilité collective, était déjà une atteinte grave aux libertés. Les tentatives de la part de l'Etat (et des Etats) pour réduire cette peau de chagrin se multiplient. Cette mise en place d'un appareil de répression sophistiqué est d'autant plus dangereuse qu'elle se fait insidieusement, utilisant tous les méandres du droit et de la procédure, dépassant les limites de la légalité quand la situation politique et le rapport de force le permettent. Les explications a posteriori et les doutes qu'on laisse subsister doivent suffire pour franchir le pas.
Contrairement à une répression sauvage et brutale(de type chilien), les Etats occidentaux sauvent les apparences: les atteintes aux libertés, aux droits de la défense, etc, sont toujours présentées comme le triomphe du "bon droit", de la "raison", du "bon sens". La contrainte, ainsi imposée, ne doit pas être moralement contraignante mais intégrée pour tous comme "allant de soi".
L'action répressive et soporifique de l'Etat porte en elle les germes de la destruction de toute originalité, de tout libre-arbitre, de toute critique, de toute liberté ... bref, de toute vie. Le sommeil de mort qui gagne l'inconscient collectif est peuplé de cauchemars, le cas Croissant en est un. Il est temps de seréveiller.
Cet ouvrage n'est pas un livre au sens commun du terme, il n'est pas non plus qu'un document; il est un témoignage et un appel, un élément de réflexion et d'action.
Quand le lecteur le fermera, l'histoire ne sera pas finie, car l'Histoire existe en dehors de lui. Il dépendra de lui, par son action ou son inaction, de faire en sorte qu'il soit "acteur" ou "sujet" dans l'histoire, ce sera à lui de faire en sorte que la Convention européenne pour la répression du terrorisme devienne ou non un état de droit en Europe - en d'autres termes que la classe dominante parachève ou non la toile d'araignée de la répression sur le vieux continent.
La lutte n'est pas finie, elle continue.
Klaus Croissant doit être libéré, la Convention européenne pour la répression du terrorisme ne doit pas être ratifiée.
Puisse cet ouvrage en convaincre le plus grand nombre.
Mouvement d'action judiciaire