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L'Internationale

L'Internationale, 1983. Le premier numéro d'un journal paraît, qui reprend le titre de celui publié en 1915 par Rosa Luxemburg - emprisonnée - alors que s'affrontaient les peuples entraînés dans la plus grande des boucheries par le capitalisme, l'impérialisme, et alors que s'étaient ralliés à celle-ci les partis de l'Internationale. En 1919, ceux-ci mettront à mort celle qui avait résisté et qui pour cela avait été emprisonnée. L'internationale 1983 comptera 11 numéros, avant de devoir s'arrêter momentanément : Il témoignera de luttes - et certains qui menèrent ces luttes sont encore aujourd'hui emprisonnés. Il réfléchira à l'évolution du capitalisme - et cette réflexion reste toujours aussi nécessaire. Le blog linter est la chronique d'un journal, c'est par là même la chronique des luttes menées alors, cela pourra être aussi la chronique de luttes menées ... aujourd'hui.

      

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Aux camarades, visiteurs du blog, bienvenue ...
Aux camarades qui viennent de rejoindre le blog, bienvenue. A ceux aussi qui lui rendent visite à l'occasion, bonjour. Le combat n'est jamais un échec, s'informer est déjà un pas vers la conscience. L'ordre et la sécurité ne sont pas le désir de tous, s'aliéner par tous les moyens de la société d'aujourd'hui ne nous intéresse pas. Nous ne cherchons pas à exploiter l'autre. Nous ne tournons pas la page des combats passés, ils sont partie de nous. Et chaque mot que nous lisons, chaque image  que nous voyons, contribue à nous former. Nous ne sommes pas dupes. Nous sommes solidaires. Nous chassons les chasseurs d'enfants. Et nous sommes  le jour face à la nuit sans cesse renouvelée de la violence et de l'oppression. Il n'y a pas d'âge pour la révolte. Et 68 rejoint l'esprit de la Bastille de ce 6 mai où les pavés ont su de nouveau voler. La révolte est une et se rit de toutes les différences.

Pour tous ceux qui viennent sur ce blog, qui font "la route des insoumis" que décrit Nathalie, qui sont et seront les révolutionnaires de demain dont parle Jean-Marc, qui se reconnaissent ce droit à l'insurrection que revendique Georges. Pour chacun, ce collage de Joëlle, mieux qu'un bras d'honneur, à tous ceux qui sont ce que nous refusons.

La queue de la baleine, Nathalie, nous ne la lâcherons pas!

Archives

Joëlle Aubron

Sur ce collage, un poème. linter
C'est l'automne, et ce n'est pas l'automne,
Ces femmes qui marchent
Des combattantes?
Des femmes qui marchent?
Vie de tous les jours ou vie d'exception?
Guerre d'Espagne,
Journées d'après occupation?
Journées d'après l'occupation?
La vie est simple
comme l'est souvent le combat

Entre l'or du feuillage
et le noir et blanc de la vie
Cette image sensible

Georges lors d'une audience devant le JAP en 2005
En tout premier lieu, du fait qu'il va être question ici de mes inclinaisons politiques et de mon évolution depuis 1987 au sein du monde carcéral, je tiens à faire une déclaration de principe : ainsi, conformément à la Constitution de la République française de 1792, repris par l'Article 35 du 26 Juin 1793 *, stipulant un droit à l'insurrection, qui a servi à Valmy pour sauvegarder et étendre la révolution, qui a servi en 1871 avec la Commune de Paris contre l'occupation Prussienne, qui a encore servi en 1940 contre l'occupation national-socialiste allemande et la collaboration pétainiste française, et pour encore servir concrètement après 1968 dans la plupart des pays d'Europe de l'Ouest avec l'insurrection armée larvée et latente contre chaque Etat capitaliste en place et contre l'OTAN ; une Constitution qui après avoir servi depuis son avènement de réfèrent à la plupart des peuples de par le monde pour se libérer des différents maux entretenus que sont, soit l'occupation étrangère, soit l'oppression de classe, soit l'exploitation de l'homme par l'homme jusqu'à l'esclavagisme, leur a ouvert une perspective politique. Et dès lors dans l'assurance qu'elle restera de même une référence au futur pour tous les peuples épris de Liberté, d'Egalité, de Fraternité et de Démocratie, conformément à cette Constitution de 1792 donc, je me refuse à abjurer ces moments historiques comme je me refuse à abjurer la stratégie de Lutte Armée pour le communiste, qui en est une expression particulière.
(
Georges Cipriani  MC Ensisheim, 49 rue de la 1ère armée 68 190 Ensisheim)


Jean-Marc dans une interview en 2005

C'est la question centrale (la question du repentir) depuis notre premier jour de prison. Et c'est le pourquoi de nos condi­tions de détention extraordi­naires, des restrictions actuelles sur le droit de communiquer ou de la censure des correspon­dances. Dans aucune des lois de l'application des peines, il n'est stipulé que le prisonnier doit ab­jurer ses opinions politiques. Mais pour nous, certains procu­reurs n'hésitent pas à affirmer que les revendications du com­munisme impliquent une récidive. Je sais bien que si nous nous repentions, nous serions soudai­nement adulés par la bonne so­ciété, mais ce n'est pas notre vi­sion de la responsabilité poli­tique. Notre engagement n'est pas à vendre ni à échanger contre un peu de liberté.
(Jean-Marc Rouillan 147575 Cd des baumettes, 230 Chemin de Morgiou Marseille Cedex 20

Joëlle à sa sortie le 16 juin 2004
Je suis fatiguée, aussi je dirai seulement trois choses :
La première est d'être bien sûr contente d'avoir la possibilité de me soigner.
La seconde est que l'application de la loi de mars 2002 reste cependant pour de nombreux prisonnières et prisonniers très en deça de son contenu même.
La troisième est ma conscience de ce que la libération de mes camarades est une bataille toujours en cours. Régis est incarcéré depuis plus de 20 ans, Georges, Nathalie et Jean-Marc, plus de 17. Je sors de prison mais je dois d'abord vaincre la maladie avant de pouvoir envisager une libération au sens propre. L'objectif reste ainsi celui de nos libérations.

Nathalie, en février 2007

Cependant, pour nous, militant-e-s emprisonné-e-s du fait du combat révolutionnaire mené par l’organisation communiste Action directe, nous sommes sûrs de notre route : celle des insoumis à l’ordre bourgeois. Tant que des femmes et des hommes porteront des idées communistes, les impérialistes au pouvoir frémiront jusqu’à ce que la peur les gèle dans leurs manoirs sécurisés à outrance.

31 janvier 2016 7 31 /01 /janvier /2016 09:32
Pouvoirs spéciaux. Les Temps modernes, mars avril 1956. Un article historique sur la guerre d'Algérie. A lire avec le risque de voir l'état d'urgence s'inscrire dans la constitution.

Article publié en octobre 2012.  Important à relire alors que l'on sait le risque de voir l'état d'urgence s'inscrire dans la constitution même. Pour consulter le blog: linter.over-blog.com

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Nous reproduisons ici dans nos archives l'éditorial des Temps modernes du numéro de mars-avril 1956 sur ces pouvoirs "si" spéciaux. (P 1345- 1353)

 

Pouvoirs spéciaux. Les Temps modernes, mars avril 1956. Un article historique sur la guerre d'Algérie. A lire avec le risque de voir l'état d'urgence s'inscrire dans la constitution.

 

La gauche pour une fois unanime, a voté les "pouvoirs spéciaux", ces pouvoirs parfaitement inutiles pour la négociation, mais indispensables pour la poursuite et l'aggravation de la guerre. Ce vote est scandaleux et risque d'être irréparable. Bien sûr, on peut et il faut l'expliquer, mais, pour être honnête, l'explication ne doit pas nier le scandale, bien au contraire: on ne songerait pas à justifier ce vote, si précisément, il n'apparaissait d'abord comme injustifiable.

 

Les partis de gauche, il est vrai, n'ont pas été les seuls à voter ce projet. Rarement, vit-on majorité plus hétérogène. Tous les votes "massifs" sont d'ailleurs équivoques : du côté des partis, ils comportent une menace - défense de faire la politique que les autres préconisent - plutôt qu'un mandat - faire celle que nous souhaitons ; du côté du gouvernement, une hypocrisie presque avouée. Mais aujourd'hui, l'équivoque est à son comble: ont voté le projet, M. Reynaud qui veut la guerre et ne s'en cache pas, M. Hernu qui préférerait la négociation, M. Soustelle, pour qui négocier, c'est capituler, M. Duclos qui affirme la nécessité de reconnaître d'abord le fait national algérien et les socialistes qui font silencieusement confiance au gouvernement bénéficiaire de ces suffrages contradictoires. C'est cette équivoque qu'on voudrait rassurante ; elle aurait heureusement stérilisé un projet dont la vérité eût été dangereusement soulignée par un scrutin trop clair. Toute la question est donc de savoir ce qui sera déterminant ; la politique qu'implique le texte où l'incohérence des suffrages. Celle-ci atténuera-t-elle celle-là? Mais suffit-il d'atténuer? La mise en pratique des "pouvoirs spéciaux" ne rendra-t-elle pas dérisoire une tactique, qui ne fut peut-être que le déguisement de la résignation? Aussi bien l'équivoque du vote ne concerne-t-elle que le vote lui-même, non la portée du projet, dont elle constitue en fait un aveu explicite: Si l'on  a pu  vouloir camoufler la signification des pouvoirs accordés au gouvernement, c'est bien parce que cette signification ne souffre pas la discussion. Croit-on que les Algériens vont s'y tromper? La droite de l'Assemblée, en tous cas, n'a pas nourri une bien longue inquiétude: il a suffi que M. Mollet réponde superbement qu'il ferait sa politique, c'est-à-dire celle de de son projet, pour que M. Bidault, qui l'avait sommé de lever l'équivoque, se sente aussitôt tranquillisé. Il sait bien que les faits et la logique de la situation resteront de son côté, si l'on se contente de les recouvrir de la phraséologie traditionnelle.

 

Bien entendu, le projet annonce d'impressionantes réformes sur les plans économiques et social. Qu'est-ce que cela coûte? Voilà longtemps qu'on promet aux Algériens d'améliorer leur sort, de ne plus les traiter en occupants sans titre de leur propre sol. On leur a fait, dans le passé, tant de promesses, qu'on a fini par croire qu'elles ont été tenues et qu'on s'étonne de l'ingratitude de ces gens qui ont le mauvais esprit de ne pas s'en apercevoir! Aujourd'hui, quand un gouvernement français promet quelque chose, même s'il est sincère, il ne peut être cru. Le premier qui voudrait réellement agir devrait se garder de l'annoncer, car il lui suffirait de proclamer ses bonnes intentions, pour qu'il soit aussitôt, et à bon droit, soupçonné de mentir. Comprendre enfin cette méfiance justifiée par tant de précédents, telle est la condition probable pour définir une politique susceptible de convaincre les Algériens. Voià pourquoi il est vain de porter à l'actif du gouvernement les bonnes intentions qu'il affiche et de justifier ainsi le soutien qu'on lui apporte.

 

Leur sincérité serait d'ailleurs la preuve de leur sottise. Imaginer que le problème algérien est d'abord un problème économique et social, c'est au fond admettre comme intangible le fait même de la colonisation. Celle-ci, voudrait-on faire croire, aurait donné lieu à des abus et c'est pourquoi des réformes seraient nécessaires. Mais les abus de la colonisation sont la colonisation même. Croire qu'on y mettra fin, un par un, c'est les considérer comme de simples accidents qui auraient pu être évités, alors qu'ils sont les éléments d'un système. On ne saurait donc les abolir sans mettre en cause le système lui-même, c'est-à-dire l'oppression coloniale. Affirmer le contraire, c'est vouloir la maintenir, ou, si l'on est de bonne foi, se condamner à l'impuissance. Le problème est donc d'abord politique: c'est une question de souveraineté. Le gouvernement ne peut l'ignorer, sans quoi il ne se livrerait pas à ses acrobaties verbales. Quand M. Mollet parle de "respecter la personnalité algérienne", quand il reconnaît aux Algériens cette "dignité" qui est l'éminente vertu du pauvre destiné à le rester, c'est très précisément pour ne pas parler du "fait national algérien". Invoquer la "personnalité algérienne", c'est simplement substituer à la fiction trop décriée de "l'Algérie, trois départements français", celle d'une Algérie-province aux traits si particuliers qu'elle pose "un problème unique au monde" - ce qui dispense de lui trouver une solution. Des réformes économiques et sociales, certes, il en faut, mais elles n'auront de portée que dans la perspective d'une reconnaissance du droit à l'indépendance, cette indépendance qu'on n'ose plus disputer à la Tunisie et au Maroc.

 

Admettons pourtant qu'on puisse les promouvoir à la façon dont l'entend le gouvernement et que celui-ci veuille vraiment les mettre en oeuvre. Il faut alors donner raison à ses adversaires (ou tout simplement à ses partisans) de droite : c'est bien pourquoi elle ne les inquiète pas ! Prétendre mener de front ce qu'on appelle pudiquement la pacification et les réformes, c'est une plaisanterie, qui malheureusement semble recueillir quelque crédit auprès des partis de gauche. On ne réformera vraiment la structure économique et sociale de l'Algérie que dans la paix. Il est absurde par exemple de penser qu'on pourra même amorcer une réforme du régime foncier dans le climat actuel et quand le tiers de l'Algérie échappe au contrôle des autorités françaises. Si donc on rejette toute idée de paix négociée, les réformes seront nécessairement postérieures au "rétablissement de l'ordre", si jamais il a lieu et si l'on y songe encore. Dans les circonstances présentes, mettre au premier plan l'urgence des réformes, ou bien c'est parler pour ne rien dire, ou bien, et très logiquement, c'est sous-entendre qu'un succès militaire rapide - et donc l'intensification de la guerre - est le seul moyen de respecter cette urgence. C'est par conséquent nier celle-ci au moment où on l'affirme, puisqu'il faut alors nécessairement renforcer d'abord l'appareil répressif. Il n'a d'ailleurs pas fallu attendre longtemps pour le vérifier : les "pouvoirs spéciaux" étaient à peine votés que des mesures militaires étaient seules décidées, que les journaux ne s'interrogeaient sur rien d'autre que sur leur efficacité et qu'une campagne de presse tendait à préparer l'opinion à une aggravation de la situation et aux décisions qui pourraient être prises pour y faire face. Autrement dit, quelle que soit la perspective choisie, le problème des réformes ne pourra être honnêtement posé qu'une fois la paix revenue. La seule question est de savoir si cette paix sera celle de l'oppression pour un temps réaffermie ou le fruit d'une négociation sans doute difficile mais loyale. Dans le premier cas, il est peu probable qu'elles voient jamais le jour; dans le second, elles seront l'oeuvre du peuple algérien. C'est ici que M. Bourgeaud éclate de rire: il sait bien, ce démocrate, que le mouvement national algérien est aux mains de féodaux moyennâgeux. C'est l'histoire de la paille et de la poutre. Répondons-lui simplement que si les réformes ne sont pas entreprises par les Algériens, elles ne le seront par personne, et que nous ne pouvons contribuer à cette oeuvre nécessaire qu'en combattant avec les Algériens la seule tyrannie qu'ils connaissent aujourd'hui : la tyrannie coloniale.

 

De quelque façon qu'on la considère, la loi sur les "pouvoirs spéciaux" n'a donc de sens que par et pour la guerre. Comment s'en étonner? Ce texte est parfaitement dans la ligne de la politique suivie par M. Mollet depuis son arrivée au pouvoir. Le passé de ce gouvernement prépare son avenir. Mais aurait-il une politique cachée, qui justifierait la confiance mitigée que certains lui accordaient encore? Ne feindrait-il pas de poursuivre une politique que pour en dissimuler une autre? Qu'est-ce qui, dans dans ses actes, annonce donc qu'il compte malgré tout rechercher la paix? A Alger, il cède à l'émeute des ultras; à Paris, il interdit les manifestations contre la guerre. Qu'est-ce qui permet de croire, comme le suggérèrent les esprits forts, qu'il n'utilisera pas les pouvoirs spéciaux? En fait, tous ses actes depuis qu'il est au pouvoir, contredisent une déclaration d'investiture pourtant timide : il démissionne Catroux, envoie des renforts, demande aux combattants de déposer les armes sans  garantie ni contrepartie, confie à M. Lejeune, qui veut se faire pardonner son antimilitarisme de jeune homme, le soin de galvaniser une armée elle-même travaillée par le doute. Tout ce qu'il y a de positif dans la politique gouvernementale va dans le sens de la guerre. Reste, dira-t-on, la non-exécution des condamnés à mort. Voilà où nous en sommes : le gouvernement Faure-Pinay n'osait pas davantage et il faudrait y voir une preuve de sa bonne volonté! Et encore n'est-ce qu'un sursis, qui chaque jour peut prendre fin : une menace autant qu'une grâce. On reconnaît bien là le style de M. Mollet, de sa fade rhétorique qui indéfiniment balance entre la fermeté et la douceur, prétend à la fois intimider et concilier. Le 28 février, il lance un appel radiophonique, au nom de la France, mais à qui? Un appel à la confiance - sans autre garantie qu'un siècle d'oppression et de mensonge - a de toute façon peu de chances d'être entendu, et moins encore quand par surcroît il s'adresse à ceux, qui, en s'insurgeant, montrent assez clairement que la confiance est perdue. En vérité, M. Mollet sait bien qu'il ne sera pas répondu à son appel-ultimatum. Il a beau le faire répandre à des centaines de milliers d'exemplaires dans les montagnes d'Algérie, ce n'est pas aux fellaghas qu'il le destine, mais à lui-même. Il soupire à la radio en espérant que les armes, magiquement, se tairont : c'est pour se consoler de préparer déjà, dans un "sursaut" viril et navré, les siennes.

 

Au mieux, ce qu'on peut attendre d'un tel homme, s'il doit finalement reculer devant la guerre totale, c'est ce qu'on a appelé pour l'Indochine le pourrissement du conflit. Il y installera la France, mais il est à craindre que d'autres prendront très vite la relève et le conduiront jusqu'à son terme : la catastrophe après, peut-être, une victoire passagère et ignominieuse. En 1947 aussi, quand débuta la guerre du Viet-Nam, les socialistes étaient au pouvoir. Alors, aussi, ils disaient qu'ils ne voulaient pas la guerre, mais ils l'ont faite : irréparablement. Le langage, les thèmes sont déjà les mêmes : nous n'aurions en face de nous que des bandes rebelles, assurant leur emprise sur les populations locales par une propagande mensongère et par la terreur, et soutenues par l'étranger. Pékin hier, aujourd'hui Le Caire; quant à la défense du "monde libre", elle n'est pas loin!

 

Comme en Indochine, le seul point fixe de toute cette politique, c'est le refus de négocier avec ceux contre qui l'on se bat. Mais Dien-Bien-Phu n'est pas encore oublié. Il faut donc cette fois-ci justifier ce refus. Le grand argument, c'est l'absence "d'interlocuteur valable". Comme s'il y avait de quoi se vanter, comme si cela ne révélait pas l'état d'abaissement dans lequel on a tenu longtemps l'Algérie, on déclare gravement qu'il n'existe pas là-bas de mouvement politique comparable au Neo-Destour en Tunisie ou à l'Istiqlal au Maroc. En fait, on sait parfaitement quels contacts il faudrait prendre pour préparer une négociation. Mais justement, dit-on, alors, contrairement à ce qui s'est passé en Tunisie ou au Maroc, ces contacts n'ont jamais existé. Comment les nouer si nos adversaires ne s'y prêtent pas? Comprenons d'abord leur méfiance: au Maroc et en Tunisie, nous n'avons pas systématiquement comme en Algérie déconsidéré les leaders nationalistes, et surtout nous n'y avons pas massacré quarante mille hommes comme en 1945 dans le Constantinois! De bonnes paroles ne suffiront pas à dissiper cette méfiance. Il faudrait pour y parvenir des mesures sans équivoque, telle la libération des détenus politiques, que M. Mollet avait envisagée dans sa déclaration d'investiture, mais dont, après son voyage à Alger, il n'a plus rien dit. Il parle aujourd'hui d'élections libres : elles permettront, dit-il, de connaître les authentiques représentants de la population algérienne, ceux avec qui il sera possible de discuter. Candeur ou duplicité? Les Algériens ont une certaine expérience des élections auxquelles on les convie régulièrement pour désigner quelques créatures de l'administration. Il faudrait cette fois leur donner des garanties certaines quant à la loyauté de ces élections. Et surtout, le problème est le même que pour les réformes : les élections libres supposent la paix, elles n'auront pas lieu, ou seront aussi truquées que les réformes seront vides de sens, si l'on rejette toute idée de paix négociée. Mais qu'est-ce donc qui hérisse tant de gens dans l'idée de négociation? C'est la pensée qu'en négociant, on abandonnerait un million et demi de Français établis en Algérie. Le gouvernement et sa presse jouent de cette crainte avec une virtuosité de maitre-chanteur. Ils reprochent volontiers aux partisans de la négociation de confondre la masse des Français avec une "poignée" d'extrémistes, les intérêts des premiers avec les privilèges des gros colons. Mais cette confusion, c'est au contraire le gouvernement qui la commet et l'entretient, car, en faisant la guerre, ce sont ces privilèges seuls qu'il défend tout en voulant faire croire qu'il défend aussi ces intérêts.En fait, les Français ont tout à perdre dans la poursuite de la guerre, alors que la négociation ne leur fermerait pasl'avenir: bien plus, elle constitue pour eux, la seule issue. Les Algériens n'entendront pas raison, disent-ils, ils veulent nous jeter à la mer! Comment le savoir, si l'on refuse tout dialogie? Négocier, ce n'est pas capituer, sauf pour M. Soustelle qui a engagé tout son crédit dans la guerre. Négocier, c'est précisément faire valoir ce qu'on croit être ses droits, c'est confronter et adapter des perspectives d'abord et normalement divergentes. Cela ne suppose qu'un seul abandon préalable : celui du recours à la force. C'est pourquoi le premier objet d'une négociation serait aujourd'hui un cessez-le-feu. Une telle négocaition impliquerait évidemment qu'on reconnaisse ce que représente ceux qui nous combattent: la réalité nationale algérienne.Mais la guerre n'en constitue-t-elle pas déjà la reconnaissance par l'absurde? Il faut beaucoup de mauvaise foi pour refuser cette conclusion.

 

MM. Mollet et Lacoste semblent n'en pas manquer. Il faut donc poser à nouveau la question ; si cette politique est sans excuse, si elle aggrave une guerre honteuse et absurde, pourquoi ne l'avoir pas dit? Car il est peu croyable que les radicaux mendessistes, les communistes et même la plupart des socialistes ne s'en rendent pas compte. Ils n'ont maintenu aucune équivoque car il n'en existait pas. Ils ont espéré en créer une, obscurcir une politique qui sans leur appui serait trop claire. Mendès-France et quelques ministres socialistes jouent, dit-on, les otages à l'intérieur du gouvernement, mais leur présence finirait par faire basculer le corps mou et sans tête du gouvernement vers la négociation. Les communistes, à l'extérieur, feraient de même. Pris entre ces deux forces douces, le gouvernement serait conduit malgré lui à travailler pour lapaix. C'est oublier que d'autres forces aussi s'exercent sur le gouvernement et qu'elles l'emporteront d'autant plus aisément qu'on laissera celui-ci mettre en place tous les moyens de la guerre. On conçoit qu'il est difficile aux communistes d'abandonner les chances entraperçues de l'unité d'action, de compromettre la nouvelle politique internationale que laissait timidement entrevoir le discours de Pineau. Mais le prix à payer pour le Front populaire et la coexistence ne saurait être la guerre en Algérie. Qu'elle se poursuive encore et il faudra bien abandonner ce gouvernement à son sort. Seulement, on ne décroche pas si aisément d'une politique, dont on vient, quoi qu'on en dise, d'accepter les prémisses. Vouloir à tout prix se donner bonne conscience ne suffit pas, il est vrai, pour choisir une politique. On a le droit de ne pas accepter d'emblée de se trouver seuls à nouveau pour des années à dénoncer une "sale guerre", qu'on aurait en fait laissé se poursuivre. Mais on accepte alors de partager les responsabilités d'une action, sur laquelle on ne garde qu'une prise incertaine. c'est un risque. Souhaitons que ce ne soit pas une erreur.

 

18 mars.

T.M.

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Ecouter/réécouter, avec la mise en place de la République autoritaire et à la veille de la journée du 30 janvier contre l'état d'exception, l'émission consacrée hier par France-Inter au 17 octobre 1961 avec Sylvie Thénault. Les éclairages sur hier et aujourd'hui sont importants pour notre réflexion. http://www.franceinter.fr/emission-affaires-sensibles-17-octobre-1961-une-nuit-pour-memoire

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Militants d'AD

Situation des  MILITANTS

Nathalie Ménigon

Georges Cipriani

en libération conditionnelle

Jean-Marc Rouillan

en semi-liberté 

NOS COMBATS

(avril 2010)

Après la semI-liberté de Georges Cipriani, la campagne continue pour la libération de Jean-Marc Rouillan
et encore et toujours  
Pour une solidarité avec ces militants en semi-liberté, en libération conditionnelle et au-delà car le but reste le même: leur permettre de préserver leur identité politiqe et de vivre matériellement, politiquement.

(septembre 2008)

Contre le risque de peine infinie pour les prisonniers révolutionnaires - contre la rétention de sûreté - contre le CNO
Pour une libération complète et sans condition des prisonniers révolutionnaires
Pour une solidarité avec ces militants en semi-liberté, en libération conditionnelle et au-delà car le but reste le même: leur permettre de préserver leur identité politiqe et de vivre matériellement, politiquement.

  (août 2009)


Le combat pour la libération des prisonniers d'Action directe doit donc continuer et se renforcer ...
Après la réincarcération de Jean-Marc Rouillan, nous avons appris ce 20 août, le refus brutal et tellement politique de la libération conditionnelle pour Georges Cipriani.

Alerte: La santé, la vie de Jean-Marc Rouillan sont menacées, il doit être libéré.
Liberté pour Georges Cipriani'

C. GAUGER ET S. SUDER

PROCES CONTRE C. GAUGER ET S. SUDER

Pour suivre le procès : lire

 

LIBERATION DE SONJA SUDER

EMPRISONNEE DEPUIS SEPTEMBRE 2011 POUR DES FAITS REMONTANT A PLUS DE TRENTE ANS ET SUR LES SEULES ACCUSATIONS D'UN TEMOIN REPENTI HANS-JOACHIM KLEIN.

 

ARRET DES POUSUITES CONTRE CHRISTIAN GAUGER ET SONJA SUDER

ENGAGEES AU MEPRIS DE TOUTE PRESCRIPTION

SUR LES SEULES BASES DE DECLARATIONS OBTENUES SOUS LA TORTURE D'UNE PART ET D'UN REPENTI D'AUTRE PART

 

NON A LA TORTURE - NON A LA CITATION COMME TEMOIN D'HERMANN F.

Militant grièvement blessé en 1978, interrogé dès le lendemain d'une opération où il a perdu ses deux yeux et a été amputé des deux jambes, séquestré durant quatre mois sans mandat d'arrêt par la police, maintenu à l'iolement, et dont le tribunal prétend aujourd'hui utiliser les déclarations, qu'il a remis en cause dès qu'il a qu'il a pu être libéré des griffes des policiers.

 

LIBERATION DE SIBYLLE S., ARRETEE LE 9 AVRIL EN PLEIN PROCES POUR REFUS DE TEMOIGNER :

 

condamnée il y a plus de trente ans sur la base des déclarations de son ex-compagnon Hermann F., elle est restée proche de lui toutes ses années et refuse qu'on utilise ces déclarations qui lui ont été extorquées au prix de traitements inhumains.

 


Liberté pour Sibylle et Sonja 2