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Sur la scène, un homme seul, un texte entre les mains
Andrea de Luca lit un texte de Jean-Pierre Bastid.
Sur la scène, ce que l'on comprend être un lit d'hôpital.
Décor minimaliste qui laisse toute la place à ce qui va être lu.
Un écran ponctue par des panneaux comme dans les films anciens
Les différents moments du texte.
On imagine sur ce lit Hermann F.
Allongé impuissant
Absent omniprésent de cette lecture
Andrea de Luca s'adresse à lui
Par ce vous insistant qui nous le rend si proche.
Ceux qui l'interrogèrent, enquêteurs, juges
Son avocat, l'avocat de Christian Gauger
se croisent en voix, autour du lit.
En voix, parallèle émouvant avec ce qu'a vécu et vit Hermann F.
La voix en direct d'Andrea et celles enregistrées de
Wolfgang Kleinertz, Maria Cristina Mastrangeli, Michele deLuca
Flottent au-dessus, autour de l'homme que l'on imagine.
Et l'on sait que c'est un homme grièvement blessé qui se trouve là,
interrogé sans relâche, au mépris de toute loi, de toute humanité.
La solitude d'Andrea de Luca sur la scène fait écho à celle de cet homme.
Hermann F. n'est jamais nommé, car c'est Jean-Pierre Bastid qui parle
et qui écrit et cherche à faire ressentir ce ce qui a été vécu.
Pour cela, le texte de Bastid reprend la plaidoirie de Me Bayer,
L'avocat d'Hermann F. à l'époque, qui put enfin le voir après quatre mois et demi de séquestration.
Et qui sut recueillir sa parole et transcrire ce qu'il avait vécu et le comportement des enquêteurs.
Il replace ce qu'a vécu Hermann F. dans l'Allemagne de Stammheim, en cet automne allemand de 77.
Il évoque les suicidés de Stammheim, l'isolement sensoriel, reprend un texte d'Ulrike Meinhof.
Il évoque cet Etat de droit allemand qui ne pouvait supporter qu'on dévoile ce qui se cachait derrière cette façade de démocratie parfaite.
Il rappelle le but de cette démocratie" en interrogeant ainsi Hermann F.: arriver à pénétrer les Cellules révolutionnaires. Pour cela, tous les moyens étaient bons
Mais le texte nous amène aussi au coeur de ce que les interrogatoires d'Hermann F. et leur utilisation aujourd'hui signifient et qui donnent le titre à la soirée: torture en démocratie.
Parce que ce n'est pas là qu'une affaire allemande, c'est ce qui est au coeur de cette société et que cette affaire montre à nouveau: la "démocratie" de tous les temps a eu recours à la torture.
Elle est toujours aussi présente aujourd'hui. Et l'illégalité y reste constante: de Guantanamo, à en ce moment l'emprisonnement de Georges Abdallah.
(De nombreux militants étaient absents aujourd'hui d'ailleurs se trouvant à Lannemezan pour protester contre ses trente années d'enfermement, mais étaient en pensée avec nous).
Cependant la salle du Local était pleine et les spectateurs attentifs au texte pourtant austère.
Les militants de stop et de linter avaient apporté toutes leurs forces pour l'organisation de la lecture: l'entrée du théâtre avec les panneaux informatifs, un buffet permettant la discussion tranquille dans la salle en témoignaient encore le soir-même.
Mais rappelons surtout que tous les acteurs de cette lecture ont travaillé bénévolement pour cette initiative, Andrea de Luca qui a dû s'approprier le texte et qui en a assuré la lecture et la mise en spectacle, les comédiens enregistrés, les techniciens. Et que le Local nous a accueilli en refusant toute participation financière.