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C'était une belle journée. Calme et tranquille., ensoleillée et lumineuse. La traversée du cimetière de Karlsruhe jusqu'au jardin du souvenir s'est faite au son d'une clarinette. Et plus de 200 personnes ont marché ensemble.
Une journée politique: la continuité de l'expérience qu'a représenté la RAF et qu'elle représente encore aujourd'hui marquée par la présence émouvante et significative de militants de cette histoire au-delà du temps et de tant d'années.
Une journée qu'on ressentait marquée par la personnalité même de Christa Eckes qui avait su s'inscrire dans les combats d'aujourd'hui (pour les sans-papiers par exemple), sauvegarder son identité et son histoire (Son dernier acte militant, le refus de témoigner qui a manqué de l'envoyer en prison alors même qu'elle était en plein combat contre la leucémie, reste un symbole pour beaucoup d'entre nous).
Et qui avait su aussi toucher par sa simplicité et saconviction, les uns et les autres: on sentait à fleur de peau cette sympathie et la profonde tristesse ressentie par ses amis.
Alors il y avait présents des militants, d'anciens prisonniers, des collègues (Christa Eckes conduisait le camion d'une entreprise du bâtiment, les nombreuses photos la montrent au milieu de ses collègues, au volant du véhicule: elles respirent le bonheur et l'entente), des habitants d'un remarquable projet de logement: une coopérative d'habitation, projet qui aura demandé des années pour se réaliser (et qui s'est installée oh ironie du sort dans une ancienne caserne américaine). qui nous accueillera ensuite pour des heures d'échanges personnels et engagés jusque tard dans la soirée.
Nous publions dans un premier temps deux témoignages de camarades allemands, d'autres suivront :
"ce qui m’a frappé chez elle depuis, c’est que, de tous ceux et celles de la raf qui sont encore là, elle a été l'une des "têtes" les plus claires. et comme il y en a peu. christa était capable, dans une discussion, de résumer et de définir politiquement une situation en quelques phrases et ce en un tour de main et d’une manière tout à fait inattendue."
"une autre constante avec christa était sa cordialité. toujours ouverte, simple et généreuse, abordable et avec oui, le plus souvent ce petit sourire insupprimable dans le coin de sa bouche. un sourire qui peut-être plus que tout autre chose exprime que – dans un monde de pauvreté matérielle et morale – elle n’a jamais perdu la confiance en notre lutte pour une vie humaine."
"christa et moi, on s’est souvent manqué. alors que je devais la rencontrer pour la première fois, moi illégal, elle encore légale, j’ai été arrêté alors que j'étais en route pour ce rendez-vous. peu après, en automne 1973, elle a rejoint la raf, mais quelques mois après, elle a été arrêtée elle-même. j’ai fait sa connaissance alors dans notre lutte commune contre l’isolement en taule.
une de ses phrase là ce propos était – “nous ‘retenons’ notre force de combattre par le fait qu’ici non plus nous ne renonçons jamais à mettre quelque chose en route contre eux – c’est aussi pour cela que nous combattons l’isolement”
quand en 1980 je suis sorti de taule, elle était encore dedans, et quand elle en est sortie presque deux ans plus tard, j’étais de nouveau ailleurs. deux ans après, elle était de nouveau en taule, une deuxième fois et ce pour huit ans.
C'est seulement il y a dix ans que nous nous sommes vus pour la première fois. ce qui m’a frappé chez elle depuis, c’est que, de tous ceux et celles de la raf qui sont encore là, elle a été l'une des "têtes" les plus claires. comme peu le sont, christa était capable, dans une discussion, de résumer et de définir politiquement une situation en quelques phrases et ce en un tour de main et d’une manière tout à fait inattendue.
le fait que la maladie l'ait frappée et comment la maladie l’a frappée en ces quelques mois, je ne parviens toujours pas à le comprendre – sa mort laisse un vide énorme, dans ce qu’il nous a lié, nous, ceux et celles qui la fréquentaient.
une autre constante avec christa était sa cordialité. toujours ouverte, simple et généreuse, abordable et avec oui, le plus souvent ce petit sourire insupprimable dans le coin de sa bouche. un sourire qui peut-être plus que tout autre chose exprime que – dans un monde de pauvreté matérielle et morale – elle n’a jamais perdu la confiance en notre lutte pour une vie humaine.
ron
christa
aime ces horribles pantalons synthétiques de cyclistes
les longues randonnées, pendant lesquelles elle nous entraînait à travers champs et forêts,
elle aimait les châteaux et d’autres trucs bizarres
la salade aux oeufs sans limite
elle vivait des amitiés inconditionnelles
elle ne se plaignait jamais et ce n’est pas une affirmation exagérée!
quand elle se trompait sur quelque chose, réfléchissait,
elle pouvait alors être très critique par rapport à elle-même,
il n'y avait plus de sujets tabous de discussion ,
nous voulions encore faire beaucoup de voyages, passer du temps ensemble,
elle était curieuse de tout,
bien connue pour sa faculté à prendre des risques,
inconditionellement solidaire, et si elle l'avait pu avec le monde entier…et parfois jusqu’au sacrifice de soi-même
mordante, abrupte, précise, parfois dure,
pendant les derniers mois de sa vie elle a pu sentir combien elle était appréciée,
tous ceux qui étaient autour d’elle l’aiment,
là se se sont révélées les relations qu’elle avait aidé à construire,
pendant les derniers mois plus douce, elle pouvait aussi recevoir, se faire du bien…
pendant les derniers mois elle est restée absolument présente,
et claire et debout sans illusion par rapport à sa situation.
une situation littéralement déterminée par elle-même, jusqu’à la fin
je ne sais pas comment la vie peut continuer sans elle….
sans ces rapides coups de fil – on peut se voir, quand?
sans sa fiabilité, sa manière de chercher des solutions, d’aborder les choses,
sans elle
Gisel