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L'Internationale

L'Internationale, 1983. Le premier numéro d'un journal paraît, qui reprend le titre de celui publié en 1915 par Rosa Luxemburg - emprisonnée - alors que s'affrontaient les peuples entraînés dans la plus grande des boucheries par le capitalisme, l'impérialisme, et alors que s'étaient ralliés à celle-ci les partis de l'Internationale. En 1919, ceux-ci mettront à mort celle qui avait résisté et qui pour cela avait été emprisonnée. L'internationale 1983 comptera 11 numéros, avant de devoir s'arrêter momentanément : Il témoignera de luttes - et certains qui menèrent ces luttes sont encore aujourd'hui emprisonnés. Il réfléchira à l'évolution du capitalisme - et cette réflexion reste toujours aussi nécessaire. Le blog linter est la chronique d'un journal, c'est par là même la chronique des luttes menées alors, cela pourra être aussi la chronique de luttes menées ... aujourd'hui.

      

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Aux camarades, visiteurs du blog, bienvenue ...
Aux camarades qui viennent de rejoindre le blog, bienvenue. A ceux aussi qui lui rendent visite à l'occasion, bonjour. Le combat n'est jamais un échec, s'informer est déjà un pas vers la conscience. L'ordre et la sécurité ne sont pas le désir de tous, s'aliéner par tous les moyens de la société d'aujourd'hui ne nous intéresse pas. Nous ne cherchons pas à exploiter l'autre. Nous ne tournons pas la page des combats passés, ils sont partie de nous. Et chaque mot que nous lisons, chaque image  que nous voyons, contribue à nous former. Nous ne sommes pas dupes. Nous sommes solidaires. Nous chassons les chasseurs d'enfants. Et nous sommes  le jour face à la nuit sans cesse renouvelée de la violence et de l'oppression. Il n'y a pas d'âge pour la révolte. Et 68 rejoint l'esprit de la Bastille de ce 6 mai où les pavés ont su de nouveau voler. La révolte est une et se rit de toutes les différences.

Pour tous ceux qui viennent sur ce blog, qui font "la route des insoumis" que décrit Nathalie, qui sont et seront les révolutionnaires de demain dont parle Jean-Marc, qui se reconnaissent ce droit à l'insurrection que revendique Georges. Pour chacun, ce collage de Joëlle, mieux qu'un bras d'honneur, à tous ceux qui sont ce que nous refusons.

La queue de la baleine, Nathalie, nous ne la lâcherons pas!

Archives

Joëlle Aubron

Sur ce collage, un poème. linter
C'est l'automne, et ce n'est pas l'automne,
Ces femmes qui marchent
Des combattantes?
Des femmes qui marchent?
Vie de tous les jours ou vie d'exception?
Guerre d'Espagne,
Journées d'après occupation?
Journées d'après l'occupation?
La vie est simple
comme l'est souvent le combat

Entre l'or du feuillage
et le noir et blanc de la vie
Cette image sensible

Georges lors d'une audience devant le JAP en 2005
En tout premier lieu, du fait qu'il va être question ici de mes inclinaisons politiques et de mon évolution depuis 1987 au sein du monde carcéral, je tiens à faire une déclaration de principe : ainsi, conformément à la Constitution de la République française de 1792, repris par l'Article 35 du 26 Juin 1793 *, stipulant un droit à l'insurrection, qui a servi à Valmy pour sauvegarder et étendre la révolution, qui a servi en 1871 avec la Commune de Paris contre l'occupation Prussienne, qui a encore servi en 1940 contre l'occupation national-socialiste allemande et la collaboration pétainiste française, et pour encore servir concrètement après 1968 dans la plupart des pays d'Europe de l'Ouest avec l'insurrection armée larvée et latente contre chaque Etat capitaliste en place et contre l'OTAN ; une Constitution qui après avoir servi depuis son avènement de réfèrent à la plupart des peuples de par le monde pour se libérer des différents maux entretenus que sont, soit l'occupation étrangère, soit l'oppression de classe, soit l'exploitation de l'homme par l'homme jusqu'à l'esclavagisme, leur a ouvert une perspective politique. Et dès lors dans l'assurance qu'elle restera de même une référence au futur pour tous les peuples épris de Liberté, d'Egalité, de Fraternité et de Démocratie, conformément à cette Constitution de 1792 donc, je me refuse à abjurer ces moments historiques comme je me refuse à abjurer la stratégie de Lutte Armée pour le communiste, qui en est une expression particulière.
(
Georges Cipriani  MC Ensisheim, 49 rue de la 1ère armée 68 190 Ensisheim)


Jean-Marc dans une interview en 2005

C'est la question centrale (la question du repentir) depuis notre premier jour de prison. Et c'est le pourquoi de nos condi­tions de détention extraordi­naires, des restrictions actuelles sur le droit de communiquer ou de la censure des correspon­dances. Dans aucune des lois de l'application des peines, il n'est stipulé que le prisonnier doit ab­jurer ses opinions politiques. Mais pour nous, certains procu­reurs n'hésitent pas à affirmer que les revendications du com­munisme impliquent une récidive. Je sais bien que si nous nous repentions, nous serions soudai­nement adulés par la bonne so­ciété, mais ce n'est pas notre vi­sion de la responsabilité poli­tique. Notre engagement n'est pas à vendre ni à échanger contre un peu de liberté.
(Jean-Marc Rouillan 147575 Cd des baumettes, 230 Chemin de Morgiou Marseille Cedex 20

Joëlle à sa sortie le 16 juin 2004
Je suis fatiguée, aussi je dirai seulement trois choses :
La première est d'être bien sûr contente d'avoir la possibilité de me soigner.
La seconde est que l'application de la loi de mars 2002 reste cependant pour de nombreux prisonnières et prisonniers très en deça de son contenu même.
La troisième est ma conscience de ce que la libération de mes camarades est une bataille toujours en cours. Régis est incarcéré depuis plus de 20 ans, Georges, Nathalie et Jean-Marc, plus de 17. Je sors de prison mais je dois d'abord vaincre la maladie avant de pouvoir envisager une libération au sens propre. L'objectif reste ainsi celui de nos libérations.

Nathalie, en février 2007

Cependant, pour nous, militant-e-s emprisonné-e-s du fait du combat révolutionnaire mené par l’organisation communiste Action directe, nous sommes sûrs de notre route : celle des insoumis à l’ordre bourgeois. Tant que des femmes et des hommes porteront des idées communistes, les impérialistes au pouvoir frémiront jusqu’à ce que la peur les gèle dans leurs manoirs sécurisés à outrance.

22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 19:52

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Publié  le 24.07.2010. Pour se rappeler aujourd'hui, alors que les combats ouvriers sont toujours aussi nécessaires ,  comment le patronat a agi et agit toujours. De Peugeot hier à Peugeot aujourd'hui! (1) 

 


Le fond de l'air est rouge - archives de linter - Histoire, notre histoire.

 

"Pour que l'ordre règne dans ses usines"

 

Parmi les ouvrages publiés par François Maspéro, plusieurs décrivent les conditions d'affrontement entre le capital et le travail. Ils font partie de ce qui permettait l'information et notre prise de conscience. Ainsi, celui qui décrit la milice patronale qui sévissait chez Peugeot. Ce document, dont nous repoduisons l'introduction pour le faire connaître  aujourd'hui, a été publié en 1975. Les auteurs en sont Claude Angeli et Nicolas Brimo.

 

grosz-01.jpg

Collage de Joëlle Aubron

 

A lire aussi: Histoire ouvrière - Les combats et les morts de Peugeot (juin 1968)

 


Une milice patronale: Peugeot

Cahiers libre 303

François Maspéro

Claude Angeli et Nicolas Brimo

Introduction, P 7à 9

 

Ce livre raconte un combat. Celui mené par Peugeot pour que l'ordre règne dans ses usines. Il raconte aussi l'histoire des hommes payés pour ce travail.

 

Une histoire exemplaire: jamais en France une entreprise n'était allée aussi loin dans l'organisation d'une police intérieure; jamais une direction n'avait enrolé, par vagues successives, plusieurs centaines de mercenaires et dépensé autant d'argent.

 

Extraordinaire aussi la petite société qui s'est créée autour de cette opération: un général et pas n'importe lequel, deux colonels brillamment décorés, d'autres officiers mal remis des guerres perdues, des parachutistes à la dérive, des proxénètes un moment au repos, des petits voleurs aussi, des amoureux de la barre de fer et même l'un des meilleurs tueurs de l'OAS, sans oublier l'homme dont la mitraillette s'enraya un jour d'août 1962, au Petit-Clamart, quand un commando manqua d'un rien sa cible, le Général de Gaulle.

 

 

Il ne s'agit pas ici de la réaction d'un patron ordinaire, affolé par la subite naissance d'une section syndicale, mais d'un état-major de dirigeants, issus du meilleur des mondes, partout respectés.

 

 

Ce n'est sans doute pas un hasard si de telles pratiques ont eu cours dans l'industrie automobile. Là, tout prend valeur de test. On y trouve les plus fortes concentrations ouvrières, le plus grand nombre de salariés travaillant à la chaîne et capables à tout moment de ralentir puis de bloquer la production.  Cette position statégique, la direction de Renault la définit ainsi, le 8 avril 1973, lors d'une grève:

"Chacun doit être conscient que le travail des OS est l'élément fondamental de l'établissement des marges bénéficiaires dans le système économique actuel."

 

 

Pour que ces OS se tiennent tranquilles, il faut donc prendre les mesures appropriées. Et quand le souvenir de mai 1968 transforme l'inquiétude en peur,  il ne suffit plus alors d'employer seulement des petits mouchards, des "petits-chefs" d'atelier ou les petites équipes musclées du syndicat-maison. Il faut trouver mieux.

 

Les vocations de mercenaires ne manquent pas dans ce pays. Encore faut-il rationaliser le marché de ce travail, assurer la confrontation de l'offre et de la demande: c'est ce que permet la législation, trop complaisante, qui régit  les sociétés de travail intérimaire. Deux d'entre elles fourniront à Peugeot les sociétés-écrans qui permettront de camoufler au mieux le recrutement de mercenaires - une solution à l'américaine que choisit Peugeot en 1970.

 

L'erreur des syndicats sera, pendant un temps, de ne pas réagir sérieusement: les pemiers visés étaient les "gauchistes" dans l'usine et autour. Plus tard, quand leur tour viendra, avec les commandos lâchés contre les piquets de grève, tout sera plus clair.

 

C'est une vérité plus ou moins admise aujourd'hui. "J'ai adhéré au Parti en 1969. Il a fallu que je pleure pour avoir la carte parce qu'ils voyaient des gauchistes partout", raconte un ouvrier communiste de Sochaux dans l'Humanité Dimanche du 29 janvier 1975.

 

De même, après l'attaque des grévistes de Saint-Etienne par un commando, Georges Granger, responsable départemental de la CFDT, déclare au Nouvel Observateur: "Nous avons commis une grave erreur. Nous n'avons pas pensé à assurer la protection des camarades qui occupaient l'usine [...]. Désormais nous serons moins naïfs."

 

Les auteurs ont déjà, dans quelques articles, indiqué la responsabilité de l'état-major Peugeot dans le recrutement de mercenaires et lors des actions de commando. Plutôt que de risquer alors une réponse, Peugeot a préféré se taire.

 

Pas le moindre démenti, pas le plus petit rectificatif. Et pas même la menace d'un procès.


TABLE

 

Introduction

Personnages principaux

Lagrande tradition Peugeot

Les mercenaires au pays de Montbéliard

Des commandos pour nettoyer l'usine

Des projets pour demain

Témoignages et documents


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22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 05:18
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Publié  le 24.07.2010. Pour se rappeler aujourd'hui, alors que les combats ouvriers sont toujours aussi nécessaires ,  comment le patronat a agi et agit toujours. De Peugeot hier à Peugeot aujourd'hui! (2)


Mémoire, notre mémoire!


Extrait d'un ouvrage paru chez françois maspéro, collection cahiers libres 303, "Une milice patronale: Peugeot" de Claude Angeli et Nicolas Brimo (P15 à 19)


"Dimanche 9 juin 1968, les événements de Mai n'en finissent plus de finir. Dans les usines encore occupées comme dans les rues du Quartier latin, l'ordre n'a pas encore tout à fait triomphé.

Il fait beau. Leurs réservoirs d'essence de nouveau pleins, les Parisiens ont quitté leur ville tandis que, place Beauvau, le nouveau ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin, travaille comme il le fera six ans durant, sans se soucier ni du jour, ni de l'heure.

A l'Hôtel Matignon, la petite équipe qui entoure Georges Pompidou fait le compte des entreprises où, demain, les ouvriers reprendront le travail. Parmi elles, l'usine Peugeot de Sochaux avec ses 25 600 ouvriers: la plus forte concentration industrielle de France.

A Sochaux, deux jours plus tôt, un scrutin a été organisé dans les plus mauvaises conditions - 5280 votants sur les 25 600 salariés des "Automobiles Peugeot" - et la fin de la grève, votée avec seulement 49 voix de majorité.

C'est peu et les syndicats sont divisés sur l'attitude à prendre. Difficile d'apprécier, au moment où le travail reprend, partout en France, ce que veulent ces milliers d'ouvriers, souvent d'origine rurale, qui habitent dans un rayon de soixante kilomètres autour de l'uisine. Les dirigeants de la CFDT pensent que ce résultat ne prouve pas grand chose et qu'il faut continuer. A la CGT, une majorité pense le contraire, et incite les ouvriers, ici à Sochaux, comme partout en France, à "savoir finir une grève".

Le retour des drapeaux rouges.

Le lundi 10 juin, dès quatre heures du matin, les deux cent cinquante cars Peugeot déversent leurs cargaisons d'ouvriers sur les parkings de l'usine. Les drapeaux rouges ont été enlevés, les murs rapidement badigeonnés et les slogans vite effacés du bitume. Les machines se remettent à tourner mais le coeur n'y est pas. Dans les ateliers, des bruits courent : les chefs s'apprêtent à accélérer les cadences; la direction va exiger dix-sept samedis de travail supplémentaires pour rattraper les pertes à la production. Une fois de plus, la base a le sentiment d'avoir été piégée.

A neuf heures du matin, le climat devient lourd. la grogne s'étend. A la carosserie, ça discute ferme."J'en ai marre, dit un ouvrier, je m'en vais chez moi". D'autres se mettent à remonter la chaîne des "404", poste après poste, ouvrier après ouvrier: "Viens, on va au bureau". Bedonnant et chauve, le directeur de la "carosserie" voit bientôt arriver cinq ouvriers dont deux délégués: "Vous n'allez pas recommencer, non?"

Ils vont recommencer. Ils sont très vite soixante-quinze qui font le tour des ateliers voisins du leu
r. Des jeunes: le plus âgé doit avoir à peine trente ans. Et leur groupe grossit, de bâtiment en bâtiment. A dix heures, on ne travaille plus guère dans l'usine. La maîtrise fait ce qu'elle peut mais il est déjà trop tard. Des ouvriers quittent l'usine et s'installent au long de l'avenue d'Helvétie qui relie Sochaux à Montbéliard et sur laquelle s'ouvrent les grilles de l'usine. En petits groupes compacts, on y attend l'arrivée des délégués syndicaux.

A quinze heures, tout est joué: dix mille ouvriers de la première et de la seconde équipe votent "la grève avec occupation". On réinstalle les drapeaux rouges sur les portes de l'usine.

Quand tombera la nuit, quelques centaines d'ouvriers seulement resteront sur place. Répartis aux quatre coins de l'usine, ils assureront la sécurité et les piquets de grève.

Le tableau de chasse des CRS

A trois heures du matin, l'assaut est donné. Sur deux fronts. Des gendarmes mobiles investissent les portes de l'usine tandis qu'un commissaire de police somme les grévistes d'évacuer les lieux.

Au même moment, les CRS franchissent les murs d'enceinte. L'opération est bien menée, la souricière bien tendue. L'effet de surprise a joué à plein: les policiers matraquent même ceux qui dorment. Personne ne les attendait et les grévistes fuient en ordre dispersé. CRS et gendarmes seront rapidement maîtres du terrain.

Tout s'est réglé à Paris. La reconquête de l'usine a été décidée dans la soirée par la direction générale de Peugeot et Raymond Marcellin avec, naturellement, le feu vert de Georges Pompidou. Pour assurer le succès de l'opération, il fallait rester discret: ni la direction de l'usine de Sochaux, ni le préfet du Doubs n'étaient au courant de ce qui se tramait à quatre cents kilomètres de là. Il fallait frapper fort et vite comme chez Renault, à Flins, en finir avec ces ouvriers qui avaient eu l'impudence de "recommencer". A l'aube, c'est chose faite.

A quatre heures trente du matin, les CRS chargent pour la première fois. Maintenant on se bat. De la ville viennent les premiers renforts, des ouvriers, mais aussi des lycéens. Certains se joignent aux secouristes déjà débordés, d'autres se battent derrière et devant les barricades.

Aux pierres que les ouvriers lancent par-dessus les murs, les CRS ripostent à coup de grenades lacrymogènes et offensives. Chacune de leurs salves est suivie d'une sortie et d'une charge. Chaque fois, les ouvriers reculent d'une centaine de mètres, se regroupent derrière leurs barricades et repartent à l'assaut.

A plusieurs kilomètres de l'usine, dans cette agglomération qui s'étend autour de Sochaux et de Montbéliard, et où vivent près de cent mille personnes, chacun entend les explosions des grenades. "Dix éclatements à la minute", note un journalise local.

Vers dix heures du matin, les grévistes rendent aux CRS la monnaie de leur pièce.  Ils pénètrent dans l'usine. "On a franchi le petit mur d'enceinte près de la porte "J", raconte un ouvrier qui combattit dans les rangs des FTP pendant la Résistance. Et les CRS se sont mis à foutre le camp. Alors, j'ai vu leur gradé qui sortait son revolver et qui tirait. Et nous, on continuait à avancer. Il a couru rejoindre les autres à cent mètres de là, peut-être. Alors, ils ont pris leurs fusils. On était "fin-fous". On a bondi vers un command-car qui était là, vide. On a trouvé deux mousquetons. On a cassé les crosses. Puis, on a mis le feu au réservoir et on est vite ressorti de l'usine".

Mais trois balles des CRS ont fait mouche. Près de la cabine des gardiens, Pierre Beylot, 24 ans, est en train de mourir. Deux autres de ses camarades sont blessés par balle. Les CRS s'affolent et emploient les grands moyens. Ils visent les manifestants avec leurs fusils lance-grenades, Henri Blanchet, 49 ans, "soufflé" par l'explosion, tombe du mur sur lequel il était monté. Il meurt sur le coup : fracture du crâne. Serge Hardy, 36 ans, atteint à la jambe par une grenade, devra être amputé dans la soirée, au-dessus du genou. Une troisième grenade fait mouche: Joël Royer, 18 ans, militant des jeunesses communistes, perdra son pied droit.

A quatorze heures trente les combats reprendront. L'arrivée des renforts des CRS rallume les bagarres. Un motard est lapidé par les grévistes. En s'enfuyant, il abandonne sa moto qui flambe aussitôt.

A la nuit, après dix-huit heures de combats, c'est enfin la trève. Les responsables syndicaux ont pu rencontrer la direction et les CRS se retirent à l'intérieur de l'usine. Peugeot cède. Seule concession des délégués ouvriers: l'usine ne sera plus occupée. A vingt et une heures, ordre est donné aux policiers de quitter l'usine et Sochaux.

Les CRS ne manqueront pas leur sortie. Ils arrosent leur départ. A la grenade. Sur la route de Belfort, les policiers épuisent leurs stocks. Contre la foule, contre des boutiques. Et même en passant, sur la place de l'Eglise, à Vieux-Charmont, au moment où le curé raccompagne les enfants après le catéchisme.

Les CRS regagnent leurs départements d'origine, les Bouches-du-Rhône, le Haut-Rhin et le Rhône. Ils laissent à Sochaux deux cadavres et deux infirmes. ...

Ces messieurs des châteaux

Nulle part en France, affrontements n'auront été aussi violents. Il en restera des traces ...

Court métrage disponible

Sochaux 11 juin 68
Bruno Muel et le Collectif
de Cinéastes et Travailleurs de Sochaux

France/1970/Documentaire/Vidéo/noir et blanc/20’

11 juin 1968. Après vingt-deux jours de grève, la police investit les usines Peugeot à Sochaux : deux morts, cent cinquante blessés. Des témoins racontent.

Production/Distribution : ISKRA - Arcueil - France
Tél : +33 (0)1 41 24 02 20 - iskra@iskra.fr

 

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30 juin 2011 4 30 /06 /juin /2011 20:07
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Un camarade nous transmet ce texte. Que nous publions dans le cadre de notre rubrique "Histoire, notre histoire". Pour apprendre et comprendre ...


 Nous avons quelques difficultés à publier le texte.
Nous nous proposons de le saisir à nouveau rapidement.
linter, avec nos excuses.

linter - le 30 juin 2008

Nous avons repris le texte sur le net: http://blogafrica.blog4ever.com/blog/lire-article-317166-2079731-discour_de_lumumba_le_30_juin_1960.html

 

lumumba30.JPG

Discours de Patrice LUMUMBA, Premier ministre et ministre de la défense nationale de la République du Congo, à la cérémonie de l’Indépendance à Léopoldville le 30 juin 1960.

 

"Congolais et congolaises, combattants de l’indépendance aujourd’hui victorieux. Je vous salue au nom du gouvernement congolais...

...A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés


... Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres

...nous avons connu que la loi n’était jamais la même, selon qu’il s’agissait d’un blanc ou d’un noir...


Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre à un régime d’injustice, d’oppression et d’exploitation ?..."


« A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cours, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l’histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté .


Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang . C’est une lutte qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage, qui nous était imposé par la force .


Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire.


Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera qu’à un noir on disait « Tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « Vous » honorable était réservé aux seuls blancs ?


  au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort, nous avons connu que la loi n’était jamais la même, selon qu’il s’agissait d’un blanc ou d’un noir, accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres. Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou, croyances religieuses : exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même. Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les blancs et des paillotes croulantes pour les noirs : qu’un noir n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens, qu’un noir voyageait à même la coque des péniches au pied du blanc dans sa cabine de luxe.

 

Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre à un régime d’injustice ?

 

 

Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert, mais tout cela aussi, nous, que le vote de vos représentants élus a agréés pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cour de l’oppression colonialiste, nous vous le disons, tout cela est désormais fini.

La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants (…) ».


 ......17 janvier... Souviens toi, il y a 50 ans mourait LUMUMBA!

Article ajouté le 14-01-2011 , consulté 687 fois
 
 
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17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 21:29

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C'est un moment précieux. Une des très rares apparitions sur les médias de Claire Etcherelli :

 

écouter-voir

 

On y retrouve cette discrétion, cette réserve, cette simplicité (essayez seulement de trouver une photo d'elle sur le net!) qui traverse son roman sur la guerre d'Algérie et sur le monde ouvrier, Elise ou la vraie vie. L'un des seuls qui peut témoigner de cette double réalité quotidienne qui a, dans les années 50/60 ,marqué nombre de militants et qui les constituent encore des décennies après.

 

Claire Etcherelli a montré la même discrétion dans ses engagements, présente toujours, nous sommes certainement nombreux à avoir avec elle un temps partagé.

 


 voiture.jpg  

 

Extraits:

 

Un concert fracassant envahit la rue. Les "pompiers", pensai-je. Arezki n'avait pas bougé. Les voitures devaient se suivre, le hurlement s'amplifia, se prolongea sinistrement et s'arrêta sous la fenêtre. Arezki me lâcha. Je venais de comprendre. La police. Je commençai à trembler. Je n'avais pas peur mais je tremblais tout de même. Je n'arrêtais plus de trembler : les sirènes, les freins, le bruit sec des portières et le froid, - je le sentais maintenant - le froid de la chambre.

 

Elise-ou-la-vraie-vie-Claire-Etcherelli

 

Le papier le plus précieux, le laissez-passer, le sauf-conduit, c'était la fiche de paye. Sans elle restait close la porte noire du fourgon. Sans elle commençait le long supplice de l'interrogatoire, des coups, et le renvoi vers le douar d'origine, en réalité centre de triage où l'on triait si bien que nombre de suspects n'en sortirent jamais.

Les voisins nous considéraient en silence pendant quelques secondes et il était facile de déchiffrer leurs pensées. J'essayai de me dire : Quoi, c'est Paris, c'est la ville des proscrits, des fuyards du monde entier ! On est en 1957. Est-ce que je vais perdre contenance pour quelques regards ? Nous sommes un objet de scandale dans ce beau quartier. Faut-il en vouloir à ces gens ?[...]


Mais que fait la police ? Voir un de ces types-là s'asseoir à vos côtés, dans un endroit convenable où vous avez donné rendez-vous à quelque belle fille que vous raccompagnerez dans votre voiture garée tout près de là, voir un Arabe accompagné d'une Française ! - elle est française et boniche assurément, ça se devine à son allure. - On est en guerre avec ces gens-là... Que fait la police ? Non, pas les faire souffrir, nous sommes humains. Il y a des camps, des résidences où les assigner. NET-TOY-ER Paris. Celui-ci a peut-être une arme dans sa poche. Ils en ont tous...
Chacun de leurs regards disait cela.

 


1970_Elise_ou_la_vraie_vie_01.jpgElise et Arezki (Marie-José Nat et Mohamed Chouikh)

Le film de Michel Drach

Il y a quelques jours, Claire Etcherelli, dont le public venait à peine de découvrir le nom, puisque "Élise ou la vraie vie" est son premier roman, ignorait qu'il y eût un Prix Fémina. Elle s'est toujours méfiée des intellectuels qu'elle juge plus aptes à parler, à promettre et à griser de mots leur auditoire, qu'à agir. Son livre ne doit donc rien aux modes du jour, ni aux recherches romanesques actuelles. Elle avait fait l'expérience du travail en usine, non en volontaire comme Simone Weil et Mennie Grégoire, mais pour gagner sa vie. Elle l'avait faite au moment où la tension était la plus rude entre le peuple français et les travailleurs algériens. Élise ou la vraie vie apporte là-dessus un témoignage vécu. C'est à ce témoignage qu'on a été le plus sensible. Or Claire Etcherelli avait d'autres ambitions qu'elle précise ici :

J'ai admiré la manière dont Simone de Beauvoir m'a posé [c'était dans Le Monde des Livres du 4 octobre 1967], au sujet du travail féminin, les questions qu'il fallait, mais par contre j'ai été déçue que tous les critiques de mon livre se soient attachés presque exclusivement à ce point de vue. Si j'avais voulu parler seulement de la condition des femmes à l'usine ou du racisme, j'aurais écrit une chronique.

Or, j'ai choisi la forme du roman parce que je tenais à créer des personnages, à les faire vivre, et parce que j'attache beaucoup d'importance à l'écriture.

Élise ou la vraie vie n'est pas un roman uniquement autobiographique comme beaucoup l'ont cru. Claire Etcherelli n'a pas de frère, n'a jamais vécu avec sa grand-mère. Le sachant, on est mieux sensible à son exigence romanesque.

Tout ce qui dans mon livre concerne le racisme et les problèmes des Algériens est réel, et je n'ai eu qu'à choisir entre tous les faits dont j'ai eu connaissance. Dès 1947, le hasard m'avait mise au courant du fait algérien. Je croyais alors que le racisme était l'apanage de certaines classes, qu'il n'existait pas à l'usine. J'avais des illusions. Les ouvriers aussi sont racistes, le plus souvent par esprit de concurrence ou parce que l'existence de parias leur permet de s'affirmer, et les ouvrières le sont plus encore, car pour elles l'Arabe est un agresseur de femmes. À l'époque où se situe le roman, la guerre d'Algérie faisait du "Noraf" l'ennemi. Les Français, hommes ou femmes, avaient peur, les Algériens plus encore.

Je plaignais ce gibier traqué, ces gens pris entre la brutale surveillance de la police française et les obligations que faisaient peser sur eux les dirigeants du F.L.N. : plus le droit de fumer, de boire du vin, verser l'impôt.

Le vide se faisait autour de moi parce que je m'intéressais aux "ratons".

Sans doute je n'aurais pas cherché à rencontrer des Algériens. Mais le fait de travailler avec eux, de les côtoyer m'a permis de les connaître à un moment où bien peu avaient cette expérience. C'est cette expérience que j'ai voulu traduire...

Un amour naît entre Élise et Areski, le militant algérien, un amour triste, parce qu'avant même d'être interrompu tragiquement, il se heurte aux interdits nés de la guerre, à la haine de ceux qui les côtoient, à leur humiliation commune à la chaîne.

Pour s'aimer dans ces circonstances spéciales, il fallait s'aimer profondément. Il fallait que ce sentiment soit composé d'estime, de tendresse et d'esprit de sacrifice de part et d'autre, et ne corresponde pas seulement à une attirance physique ou au besoin de briser sa solitude. Cet amour a entraîné des moments de grande douceur, de gaieté, de rires, de joie.

Pudeur et courage transparaissent aussi bien dans les actes d'Élise que dans l'écriture ou les paroles de Claire Etcherelli. On n'a pas le goût de gémir quand les autres n'en ont pas le pouvoir.

Claire Etcherelli a maintenant quitté l'usine et travaille dans une organisation de jeunesse. Elle écrit un second roman.

J'y travaille régulièrement tous les jours. Un effort, après une journée de huit heures. L'écriture est une chose très difficile. Je procède toujours de la même façon. J'y pense beaucoup avant. Je construis intérieurement une histoire que je raconte. Lorsque je sais ce que je veux dire jusqu'au bout, mais alors seulement, je commence à écrire. Ce qui m'intéresse, c'est plus de parler des gens qui ont retenu mon attention que de transcrire mes ruminations personnelles. Mes héros principaux sont des hommes. Je n'ai conçu d'abord Élise que comme une récitante, un témoin de la vie que mènent Lucien et Areski. Au début, je n'aimais pas le personnage d'Élise. Il m'est en outre difficile de parler à la première personne. On s'empêtre...

Le mot juste ne vient pas toujours. Un dictionnaire est très utile, mais je n'en possède un que depuis fort peu de temps. J'ai toujours lu en bibliothèque. La lecture me ravit. En découvrant l'école, à neuf ans, j'ai trouvé au cours un caractère magique. J'aimais la grammaire ! Je l'aime encore  ! Les problèmes de syntaxe me plaisent. Mes manuscrits sont toujours très raturés…

Le goût que j'ai maintenant de la vie solitaire me permet ainsi de mener de front et mon métier et la rédaction d'un livre. Dès mon enfance, j'ai été marquée terriblement ; toute ma jeunesse s'est passée dans une grande solitude forcée, d'abord amère. Je souffrais de tout : de mes vêtements, de ma gaucherie... Je souffrais surtout d'être retranchée des autres élèves du pensionnat religieux élégant où, grâce à une bourse de pupille de la Nation, j'ai été élevée, mais où la différence des milieux sociaux créait des barrières infranchissables pour moi. Après, c'est moi-même qui me suis retranchée des autres volontairement. J'ai cherché à me singulariser : par exemple en ne me présentant pas au baccalauréat.

Claire Etcherelli est restée écorchée. Ses difficultés, ses peines, pourraient se lire dans les yeux traqués de son beau visage triangulaire. Mais les propos à la fois passionnés et réservés de celle qui a écrit : Rien jamais ne nous était donné. Il fallait tout arracher, expriment l'amour de la vie.

J'aime la vie, mais c'est la vie qui ne m'aime pas. Alors, depuis l'âge de treize ans, je cherche dans l'écriture un plaisir, un refuge.


[© Francine Mallet supplément Le Monde du 29 novembre 1967, page III].

II. Débuts à l'usine...
L'homme qui tâte ses chaussettes durcies par la sueur de la veille
Et qui les remet
Et sa chemise durcie par la sueur de la veille
Et qui la remet
Et qui se dit le matin qu'il se débarbouillera le soir
Et le soir qu'il se débarbouillera le matin
Parce qu'il est trop fatigué...

R. Desnos.


On s'occupait beaucoup de moi. J'avais quarante-cinq minutes à attendre. Je pris une rue transversale, au hasard. Elle aboutissait à un grand terrain vague au fond duquel s'élevaient plusieurs immeubles neufs.

À huit heures moins le quart, je revins au bureau d'embauche. Quelques hommes, des étrangers pour la plupart, attendaient déjà. Ils me regardèrent curieusement. À huit heures, un gardien à casquette ouvrit la porte et la referma vivement derrière lui.

- Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il à l'un des hommes qui s'appuyaient contre le mur.
- Pour l'embauche.
- II n'y a pas d'embauche, dit-il en secouant la tête. Rien.
- Ah oui ?

Sceptique, l'homme ne bougea pas.

- On n'embauche pas, répéta le gardien.

Les hommes remuèrent un peu les jambes, mais restèrent devant la porte.

- C'est marqué sur le journal, dit quelqu'un.

Le gardien s'approcha et lui cria dans la figure :

- Tu sais lire, écrire, compter ?

Ils commencèrent à s'écarter de la porte, lentement, comme à regret. L'un d'eux parlait, en arabe sans doute, et le nom Citroën revenait souvent. Alors, ils se dispersèrent et franchirent le portail.

- C'est pour quoi ? questionna le gardien en se tournant vers moi.

Il me regarda des cheveux aux chaussures.

- Je dois m'inscrire. Monsieur Gilles...
- C'est pour l'embauche ?
- Oui, dis-je intimidée.
- Allez-y.

Et il m'ouvrit la porte vitrée.

Dans le bureau, quatre femmes écrivaient. Je fus interrogée : j'expliquai. Une des femmes téléphona, me fit asseoir et je commençai à remplir les papiers qu'elle me tendit.

- Vous savez que ce n'est pas pour les bureaux, dit-elle, quand elle lut ma fiche.
- Oui, oui.
- Bien. Vous sortez, vous traversez la rue, c'est la porte en face marquée " Service social ", deuxième étage, contrôle médical pour la visite.

Dans la salle d'attente, nous étions cinq, quatre hommes et moi. Une grande pancarte disait "Défense de fumer" et c'était imprimé, en dessous, en lettres arabes. L'attente dura deux heures. À la fin, l'un des hommes assis près de moi alluma une cigarette. Le docteur arriva, suivi d'une secrétaire qui tenait nos fiches. La visite était rapide. Le docteur interrogeait, la secrétaire notait les réponses. Il me posa des questions gênantes, n'insista pas quand il vit ma rougeur et me dit de lui montrer mes jambes, car j'allais travailler debout. "La radio", annonça la secrétaire. En retirant mon tricot je défis ma coiffure, mais il n'y avait pas de glace pour la rajuster. L'Algérien qui me précédait se fit rappeler à l'ordre par le docteur. Il bougeait devant l'appareil.

- Tu t'appelles comment ? Répète ? C'est bien compliqué à dire. Tu t'appelles Mohammed ? et il se mit à rire. Tous les Arabes s'appellent Mohammed. Ça va, bon pour le service. Au suivant. Ah, c'est une suivante...

Quand il eut terminé, il me prit à part.

- Pourquoi n'avez-vous pas demandé un emploi dans les bureaux ? Vous savez où vous allez ? Vous allez à la chaîne, avec tout un tas d'étranger, beaucoup d'Algériens. Vous ne pourrez pas y rester. Vous êtes trop bien pour ça. Voyez l'assistante et ce qu'elle peut faire pour vous.

Le gardien nous attendait. Il lut nos fiches. La mienne portait: atelier 76. Nous montâmes par un énorme ascenseur jusqu'au deuxième étage. Là, une femme, qui triait de petites pièces, interpella le gardien.

- Il y en a beaucoup aujourd'hui ?
- Cinq, dit-il.

Je la fixai et j'aurais aimé qu'elle me sourît. Mais elle regardait à travers moi.

- Ici, c'est vous, me dit le gardien.

Gilles venait vers nous. Il portait une blouse blanche et me fit signe de la suivre. Un ronflement me parvenait et je commençai à trembler. Gilles ouvrit le battant d'une lourde porte et me laissa le passage. Je m'arrêtai et le regardai. Il dit quelque chose, mais je ne pouvais plus l'entendre, j'étais dans l'atelier 76. Les machines, les marteaux, les outils, les moteurs de la chaîne, les scies mêlaient leurs bruits infernaux et ce vacarme insupportable, fait de grondements, de sifflements, de sons aigus, déchirants pour l'oreille, me sembla tellement inhumain que je crus qu'il s'agissait d'un accident, que ces bruits ne s'accordant pas ensemble, certains allaient cesser. Gilles vit mon étonnement.

- C'est le bruit ! cria-t-il dans mon oreille.

Il n'en paraissait pas gêné. L'atelier 76 était immense. Nous avançâmes, enjambant des chariots et des caisses, et quand nous arrivâmes devant les rangées des machines où travaillaient un grand nombre d'hommes, un hurlement s'éleva, se prolongea, repris, me sembla-t-il, par tous les ouvriers de l'atelier.

Gilles sourit et se pencha vers moi.

- N'ayez pas peur. C'est pour vous. Chaque fois qu'une femme rentre ici, c'est comme ça.

Je baissai la tête et marchai, accompagnée par cette espèce de "ah" rugissant qui s'élevait maintenant de partout.

À ma droite, un serpent de voitures avançait lentement, mais je n'osais regarder.

- Attendez, cria Gilles.

Il pénétra dans une cage vitrée construite au milieu de l'atelier et ressortit très vite, accompagné d'un homme jeune et impeccablement propre.

- Monsieur Bernier, votre chef d'équipe.
- C'est la sœur de Letellier ! hurla-t-il.

L'homme me fit un signe de tête.

- Avez-vous une blouse ?

Je fis non.

- Allez quand même au vestiaire. Bernier vous y conduira, vous déposerez votre manteau. Seulement, vous allez vous salir. Vous n'avez pas non plus de sandales ?

Il parut contrarié.

Pendant que nous parlions, les cris avaient cessé. Ils reprirent quand je passai en compagnie de Bernier. Je m'appliquai à regarder devant moi.

- ils en ont pour trois jours, me souffla Bernier. Le gardien avait sur lui la clé du vestiaire. C'était toujours fermé, à cause des vols, m'expliqua Bernier. J'y posai à la hâte mon manteau et mon sac. Le vestiaire était noir, éclairé seulement par deux lucarnes grillagées. Il baignait dans une odeur d'urine et d'artichaut.

Nous rentrâmes. Bernier me conduisit tout au fond de l'atelier, dans la partie qui donnait sur le boulevard, éclairée par de larges carreaux peints en blancs et grattés à certains endroits, par les ouvriers sans doute.

- C'est la chaîne, dit Bernier avec fierté.

Il me fit grimper sur une sorte de banc fait de lattes de bois. Des voitures passaient lentement et des hommes s'affairaient à l'intérieur. Je compris que Bernier me parlait. Je n'entendais pas et je m'excusai.

- Ce n'est rien, dit-il, vous vous habituerez. Seulement, vous allez vous salir.

II appela un homme qui vint près de nous.

Voilà, c'est mademoiselle Letellier, la sœur du grand qui est là-bas. Tu la prends avec toi au contrôle pendant deux ou trois jours.

- Ah bon ? C'est les femmes, maintenant, qui vont contrôler ?

De mauvais gré, il me fit signe de le suivre et nous traversâmes la chaîne entre deux voitures. II y avait peu d'espace. Déséquilibrée par le mouvement, je trébuchai et me retins à lui. Il grogna. Il n'était plus très jeune et portait des lunettes.

- On va remonter un peu la chaîne, dit-il.

Elle descendait sinueusement, en pente douce, portant sur son ventre des voitures bien amarrées dans lesquelles entraient et sortaient des hommes pressés. Le bruit, le mouvement, la trépidation des lattes de bois, les allées et venues des hommes, l'odeur d'essence, m'étourdirent et me suffoquèrent.

- Je m'appelle Daubat. Et vous c'est comment déjà ? Ah oui, Letellier.
- Vous connaissez mon frère ?
- Évidemment je le connais. C'est le grand là-bas. Regardez.

Il me tira vers la gauche et tendit son doigt en direction des machines.

La chaîne dominait l'atelier. Nous étions dans son commencement ; elle finissait très loin de là, après avoir fait le tour de l'immense atelier. De l'autre côté de l'allée étaient les machines sur lesquelles travaillaient beaucoup d'hommes. Daubat me désigna une silhouette, la tête recouverte d'un béret, un masque protégeant les yeux, vêtue d'un treillis, tenant d'une main enveloppée de chiffons une sorte de pistolet à peinture dont il envoyait un jet sur de petites pièces. C'était Lucien. De ma place, à demi cachée par les voitures qui passaient, je regardai attentivement les hommes qui travaillaient dans cette partie-là. Certains badigeonnaient, d'autres tapaient sur des pièces qu'ils accrochaient ensuite à un filin. La pièce parvenait au suivant. C'était l'endroit le plus sale de l'atelier. Les hommes, vêtus de bleus tachés, avaient le visage barbouillé. Lucien ne me voyait pas. Daubat m'appela et je le rejoignis. Il me tendit une plaque de métal sur laquelle était posé un carton.

- Je vous passe un crayon. Vous venez ?

II remonta vers le haut de la chaîne. Je le suivais comme une ombre, car je sentais beaucoup d'yeux posés sur moi et m'efforçais de ne fixer que des objets. Je m'appliquais aussi à poser convenablement mes pieds en biais sur les lattes du banc. Il fallait grimper et descendre. Daubat prit mon bras et me fit entrer dans une voiture.

- Vous regardez ici.

II me montrait le tableau de bord en tissu plastique.

- S'il y a des défauts, vous les notez. Voyez ? Là, c'est mal tendu. Alors, vous écrivez. Et là ? Voyez.

II regardait les essuie-glaces.

- Ils y sont. Ça va. Et le pare-soleil ? Aïe, déchiré !

Vous écrivez : pare-soleil déchiré. Ah, mais il faut aller vite, regardez où nous sommes.

Il sauta de la voiture et me fit sauter avec lui. Nous étions loin de l'endroit où nous avions pris la voiture.

- On ne pourra pas faire la suivante, dit-il, découragé. Je le dirai à Gilles, tant pis. Essayons celle-là.

Nous recommençâmes. Il allait vite. Il disait "là et là"; "là un pli", "là manque un rétro", ou "rétro mal posé". Je ne comprenais pas.

Pendant quelques minutes, je me réfugiai dans la pensée de ne pas revenir le lendemain. Je ne me voyais pas monter, descendre de la chaîne, entrer dans la voiture, voir tout en quelques minutes, écrire, sauter, courir à la suivante, monter, sauter, voir, écrire.

- Vous avez compris ? demanda Daubat.
- Un peu.
- C'est pas un peu qu'il faut, dit-il en secouant la tête. Moi, je ne comprends pas pourquoi ils font faire ça par des femmes. Mais il faut que je voie Gilles. Si ça continue, ma prime va sauter. J'ai laissé passer trois voitures.

Nous montâmes plus haut sur la chaîne.

- Là, c'est bon, dit Daubat.

Dans la voiture où nous étions, il y avait cinq hommes. L'un vissait, l'autre clouait un bourrelet autour de la portière, les autres rembourraient le tableau de bord.

- Alors, dit Daubat, vous êtes en retard !

Il les poussa. Les hommes, d'ailleurs, s'étaient arrêtés et me regardaient.

- C'est des femmes maintenant ? dit l'un.
- Oui, et après ? Travaille, t'as déjà une voiture de retard.

Celui qui avait parlé - c'était un Arabe - rit et s'adressa aux autres dans sa langue.

Maintenant, nous étions sept dans cette carcasse, accroupis sur la tôle, car tapis et sièges n'étaient installés que beaucoup plus tard.

- Ça commence ? demanda Daubat.
- Oui, je crois.

La prochaine, vous la faites seule. Je suis derrière vous.

En trébuchant, ce qui fit rire un des garçons, je sortis de la voiture et attendis la suivante. Ma feuille à la main, appuyée sur la portière pour garder l'équilibre, j'essayai de voir. Mon bras touchait le dos d'un homme qui clouait. Quand je me penchai vers le tableau de bord, je faillis dégringoler sur l'ouvrier qui s'apprêtait à visser le rétroviseur. Il sourit et m'aida à me redresser. Je sortis promptement et ne vis pas Daubat. Il fallait marquer quelque chose. Je ne pouvais pas poser ma feuille blanche sur la plage arrière - on disait plage, je venais de l'apprendre. Je marquai, au hasard "rétroviseur manque" parce que j'avais vu Daubat marquer cela sur chaque feuille. Mais ensuite, que faire ? Sans Daubat, j'étais perdue. Il descendit de la voiture qui arrivait devant moi.

- Alors, ça va ? Vous prenez l'autre, derrière, dit-il.

Il alla vers la voiture précédente et lut ma feuille. Je me concentrai sur la nouvelle voiture. Je vis des plis au plafond et marquai "plis". Un homme était près de moi et me touchait. Je le regardai sévèrement et puis je compris qu'il me demandait de lui laisser le passage. Je n'avais pas entendu.

Quelqu'un entra dans la voiture. Je me retournai.

C'était Gilles. II me donna des explications rapides, mais beaucoup de ses paroles m'échappèrent.

- Ça va être l'heure, dit-il.

Ô délivrance... Ne pas revenir l'après-midi.

Déjà les hommes abandonnaient le travail et s'essuyaient les mains. Je me demandais où j'irais pendant cette heure. Quand la sonnerie se fit entendre, tous les ouvriers se précipitèrent en courant vers la sortie. Daubat m'avait rejoint lorsque Lucien s'approcha de moi.

- Comment tu t'en sors ?

Je regardai Daubat qui apprécia.

- C'est le début. Elle aura du mal à s'y faire. D'autant qu'avec les ratons c'est pas facile. Si vous signalez leur mauvais travail, ils vous font des histoires. Mais je suis là. S'il y en a un qui vous embête, vous me le dites. Seulement, c'est pas un travail de femme, je l'ai déjà dit à Gilles.
- Oui, fit Lucien rêveusement. Tu manges où ?
- Je ne sais pas. Et toi ?
- À la cantine. Tu veux des tickets ? Je peux t'en prêter.
- Je prends mon manteau.
- Si tu veux, mais fais vite. Je t'attends.

Je rentrai dans le vestiaire où quelques femmes, assises sur les bancs, bavardaient en mangeant. Elles me dévisagèrent. Je les saluai et ressortis.

Lucien ne disait rien. Moi non plus. "C'est dur, je suis fatiguée"... C'était dérisoire. Qu'est-ce que ça pouvait signifier ?

L'air du dehors fit lever des désirs plus aigus que la faim.

- Excuse-moi, dis-je à Lucien. Je préfère marcher, il fait trop beau.

- Quel soleil ! dit-il. Je vais faire comme toi. C'est ça, on va marcher.

Nous traversâmes côté soleil. Des ouvriers passaient avec des bouteilles et des pains.

- Ceux-là mangent dans l'usine. Des Algériens surtout, à cause du porc qu'on sert à la cantine.

Il tourna sur le boulevard en direction de la porte d'Italie. Nous trouvâmes un banc et nous nous assîmes côte à côte. Nous avions le soleil dans le dos. Mes jambes tremblaient et je n'avais travaillé que deux heures. Il faudrait recommencer pendant quatre heures et demie. Lucien s'était affalé, les jambes étendues en avant, les bras en croix sur le dossier, la tête en arrière.

- Alors, la vérité ? dit-il à voix basse. Tu crois que tu tiendras le coup ?
- Je tiendrai.

Au soleil et au repos, c'était simple à affirmer.

- Tu n'as pas eu peur quand les types ont crié ce matin ?
- Non, pas peur. - Je mentais. - Mais pourquoi font-ils cela ?

Il se redressa et replia ses jambes.

- À travailler comme ça, on retourne à l'état animal. Des bestiaux qui voient la femelle. On crie. C'est l'expression animale de leur plaisir. Ils ne sont pas méchants. Un peu collants avec les femmes parce qu'ils en manquent.
- Je suis quand même effrayée par ce que j'ai vu.
- Qu'est-ce que tu as vu ? tu n'as rien vu du tout. Si tu tiens le coup, si tu restes, tu découvriras d'autres choses.
- Mais toi, Lucien, penses-tu rester longtemps ?
- Ah ça, dit-il, je n'en sais rien. II fallait que j'y passe, que je voie. Mais quelquefois, je crains de lâcher. Je ne peux rien manger, je suis intoxiqué par la peinture. Et les autres autour, quelle déception...
- Et Henri ?
- Mais quoi, Henri ? tu me parles toujours de lui. Que veux-tu qu'il fasse ? Quand ses examens seront terminés il aura une brillante situation et puis voilà.
- Il n'a rien pu faire pour toi ?
- Ce n'est pas ça le problème, dit-il agacé.

Je n'insistai pas.

- Viens, on va quand même manger quelque chose.

Nous nous dirigeâmes vers la porte d'Italie. Certains ouvriers, quand ils passaient près de nous, faisaient un clin d'œil à Lucien.

- Mais c'est l'été !
- Oh oui, j'ai soif, dis-je.

Nous restâmes à la terrasse d'un café. Lucien portait son bleu crasseux et je n'avais pas pris le temps de me laver les mains. Quelle importance... C'était la pause, il fallait récupérer.

Mon frère demanda un sandwich que nous partageâmes. Il but deux demis. Le soleil nous léchait. L'air frais lavait nos poumons. La joie de vivre semblait suspendue dans ce ciel d'automne pur et clair.

- Tu vois, la vie de l'ouvrier, elle commence à l'instant où finit le travail. Comme il faut bien dormir un peu, ça ne fait pas beaucoup d'heures à vivre.

Il se leva et s'étira.

- Et puis, laisse tomber, dit-il d'un air dégoûté. Ça ne vaut pas la peine de persévérer. Qu'est-ce que tu veux que ça t'apporte ?

Je lui demandai encore une fois pourquoi il ne lâchait pas lui-même.

- Et vivre ? Avec quoi ? Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ? Si je n'étais pas un salaud complet, il faudrait envoyer un peu d'argent... là-bas. Et vivre ici.

Cette conversation m'avait plongée dans une grande tristesse. Je repris sans courage le chemin de l'atelier.

Devant la porte de l'usine où quelques hommes attendaient le signal, assis par terre ou debout appuyés au mur, j'eus droit aux sifflets et appels. Dans l'atelier, je réussis à passer inaperçue. La sonnerie n'avait pas encore retenti, et les hommes, dispersés çà et là, fumaient. J'avançai entre les caisses, les piliers et les machines. Je m'égarai et me retrouvai devant un groupe de trois hommes qui discutaient. Daubat me reconnut et m'interpella.

- C'est ma petite élève, dit-il aux autres. Venez voir ici.

Il me prit par l'épaule.

- C'est la sœur du grand brun, Lucien.

Tous trois avaient à peu près le même âge. Leurs bleus étaient soignés, reprisés, presque propres.

Daubat les présenta :

- Ça, c'est notre régleur.

Celui-ci retira son mégot et cracha un brin de tabac.

- Oui, c'est moi.
- Et ça, c'est le seul professionnel de l'atelier.

Il était plus gras que les deux autres et montrait, dans des joues rondes, deux boules bleues pétillantes.

- On est, me confia-t-il, les trois seuls Français du secteur. Vous vous rendez compte. Rien que des étrangers ! Des Al-gé-riens. Des Marocains, des Espagnols, des Yougoslaves.
- Votre frère les aime bien, dit le régleur amèrement.
- Lucien aime tout le monde.
- Il a tort. Ça lui jouera un sale tour. On ne peut pas travailler avec ces gens-là. Enfin, s'ils vous embêtent, nous sommes là.
- Et Gilles ? dit le gros.
Gilles, il n'est pas sûr.

Daubat me manifestait une gentillesse qui contrastait avec sa mauvaise humeur du matin.

- Il faut se soutenir entre nous.

Et il tapa sur l'épaule du régleur.

- Ça va sonner, dit celui-ci.

Je regagnai ma place en longeant les voitures où dormaient quelques ouvriers. Certains s'étaient couchés à même le sol, sur des journaux étalés.

Regardez ça, dit Daubat.

Il me montrait un corps enroulé à la manière des chats et couché sur un tas de laine de verre. Pour l'avoir frôlée le matin, je savais que son contact provoquait d'insupportables grattements.

- Vous croyez que ce sont des hommes ? Ils ont de la corne à la place de peau.

La sonnerie secoua tout le monde. Ceux qui dormaient s'étirèrent lentement.

Je repris la plaque, le crayon et la feuille, et je recommençai. Gilles arriva et me dit qu'il allait contrôler trois voitures avec moi pour me montrer comment il fallait faire.

Je l'écoutai avec application. Il allait vite, découvrait au premier coup d'œil le défaut ou l'oubli.

- Voyez.

Je répétais oui. Je commençais à comprendre, mais j'aurais voulu qu'il m'expliquât ce qui se passait avant que la voiture arrivât jusqu'à moi.

- Mademoiselle Letellier, j'essaierai de faire ça un jour, j'espère bien. Mais, voyez-vous, ici, il est difficile d'expliquer. Si je m'arrête, les voitures passent, toute la chaîne est retardée.
- Alors, interrogea Daubat après son départ, le "patron" vous a expliqué ?
- Oui. Il est formidable, il voit le défaut tout de suite.
- C'est normal, hein, un chef...

Son visage avait une expression ironique.

- Vite, dit-il, on n'a pas le temps.

Je l'avais contrarié. Il finit par se dérider quand le régleur qui passait lui cria quelque chose à propos de son élève. Ça lui donnait de l'importance.

- Quelle heure est-il ? demandai-je.
- Trois heures. Vous êtes fatiguée ?
- Non, non, ça va.
- Regardez-moi ça !

Daubat me tira vers la voiture et me montra les pare-soleil. Au-dessus de la charnière, le tissu, trop tendu, avait éclaté.

- Ils vont trop vite. Pour s'avancer, ils font dix voitures à la file, n'importe comment pour s'asseoir et aller fumer une cigarette dans les cabinets. Celui-là surtout.

Il me montra le dos rond d'un homme accroupi devant les fenêtres.

- Eh toi, viens voir un peu ici ce que tu as fait.

Le dos ne bougea pas.

- Notez, notez, me dit Daubat. Tant pis pour sa prime. De toute façon, ils ne restent pas. Autrefois, c'étaient des professionnels qui faisaient ça ; trois voitures à l'heure. Maintenant, sept. Écrivez, couleur plage arrière non conforme.

J'aurais voulu m'arrêter, demander la permission de souffler un peu. Les jambes dures comme du bois, rouillées aux articulations, je descendais moins vite. Et quand je grimpais dans une voiture derrière Daubat, je me dépêchais de m'accroupir quelques secondes. Il s'aperçut que je ne suivais pas très bien.

- Reposez-vous. Ensuite, vous me remplacerez et j'irai en fumer une.

Rien n'était prévu pour s'asseoir. Je me tassai entre deux petits fûts d'essence. Là, je ne gênerais personne. La fatigue me coupait des autres et de ce qui se passait autour de moi. Les moteurs de la chaîne grondaient sur quatre temps, comme une musique. Le plus aigu était le troisième. Il pénétrait par les tempes telle une aiguille montait jusqu'au cerveau où il éclatait. Et ses éclats vous retombaient en gerbes au-dessus des sourcils, et, à l'arrière, sur la nuque.

- Mademoiselle ? À vous.

Daubat me tendit sa plaque.

- Allez-y, je reviens. Attention aux pare-soleil.

Grimper, enjamber, m'accroupir, regarder à droite, à gauche, derrière, au-dessus, voir du premier coup d'œil ce qui n'est pas conforme, examiner attentivement les contours, les angles, les creux, passer la main sur les bourrelets des portières, écrire, poser la feuille, enjamber, descendre, courir, grimper, enjamber, m'accroupir dans la voiture suivante, recommencer sept fois par heure.

Je laissai filer beaucoup de voitures. Daubat me dit que cela ne faisait rien puisqu'il était avec moi pour deux ou trois jours. Gilles le lui avait confirmé.

- Ensuite, ils me mettront à la fabrication.

Sur son poignet, je voyais les aiguilles de sa grosse montre. Encore une heure et demie...

Quand il resta moins d'une heure à travailler, je retrouvai des forces et je contrôlai très bien deux voitures à la suite. Mais l'élan se brisa à la troisième. Au dernier quart d'heure, je n'arrivais plus à articuler les mots pour signaler à Daubat ce qui me paraissait non conforme. Certains ouvriers nettoyaient leurs mains au fût d'essence qui se trouvait là.

- Ceux-là, me dit Daubat, ils arrêtent toujours avant l'heure.

Je les enviai.

Nous contrôlâmes jusqu'à la fin et, quand la sonnerie se fit entendre, Daubat rangea posément nos plaques dans un casier, près de la fenêtre.

Une joie intense me posséda. C'était fini. Je me mis à poser des questions à Daubat, sans même prêter attention à ce qu'il me répondait. Je voulais surtout quitter l'atelier en sa compagnie, j'avais peur de passer seule au milieu de tous les hommes.

Dans le vestiaire, les femmes étaient déjà prêtes. Elles parlaient fort, et, dans ma joie de sortir, je leur fis à toutes de larges sourires.

À six heures, il reste encore un peu de jour, mais les lampadaires des boulevards brûlent déjà. J'avance lentement, respirant à fond l'air de la rue comme pour y retrouver une vague odeur de mer. Je vais rentrer, m'étendre, glisser le traversin sous mes chevilles. Me coucher... J'achèterai n'importe quoi, des fruits, du pain, et le journal. Il y a déjà trente personnes devant moi qui attendent le même autobus. Certains ne s'arrêtent pas, d'autres prennent deux voyageurs et repartent. Quand je serai dans le refuge, je pourrai m'adosser, ce sera moins fatigant. Sur la plate-forme de l'autobus, coincée entre des hommes, je ne vois que des vestes, des épaules, et je me laisse un peu aller contre les dos moelleux. Les secousses de l'autobus me font penser à la chaîne. On avance à son rythme. J'ai mal aux jambes, au dos, à la tête. Mon corps est devenu immense, ma tête énorme, mes jambes démesurées et mon cerveau minuscule. Deux étages encore et voici le lit. Je me délivre de mes vêtements. C'est bon. Se laver, ai-je toujours dit à Lucien, ça délasse, ça tonifie, ça débarbouille l'âme. Pourtant, ce soir, je cède au premier désir, me coucher. Je me laverai tout à l'heure. Allongée, je souffre moins des jambes. Je les regarde, et je vois sous la peau de petits tressaillements nerveux. Je laisse tomber le journal et je vois mes bas, leur talon noir qui me rappelle le roulement de la chaîne. Demain, je les laverai. Ce soir, j'ai trop mal. Et sommeil.

Et puis je me réveille, la lumière brûle, je suis sur le lit ; à côté de moi sont restées deux peaux de bananes. Je ne dormirai plus. En somnolant, je rêverai que je suis sur la chaîne ; j'entendrai le bruit des moteurs, je sentirai dans mes jambes le tremblement de la fatigue, j'imaginerai que je trébuche, que je dérape et je m'éveillerai en sursaut.

Le vendeur installait encore son étalage quand j'achetai le journal. Il accrochait un quinquet à la bâche qui lui servait de toit. Le F.L.N. et ses collecteurs occupaient trois colonnes. On en arrêtait chaque jour. Ils resurgissaient. On demandait des mesures exceptionnelles. Dans l'autobus, autour de moi, il y avait beaucoup d'Algériens. Étaient-ils du F.L.N. ? Tuaient-ils la nuit ?

J'aimais la longueur du trajet. Il y avait parfois d'agréables paysages, des aperçus du Bois de Vincennes, des fenêtres éclairées face aux arbres, derrière lesquelles j'imaginais des odeurs de café et de savons parfumés. Je finissais de me réveiller en route.

Au vestiaire, j'arrivai parmi les premières. Les autres femmes ne me parlaient pas encore. Et pourtant, une fille jeune, entrée après moi, avait pénétré déjà dans leur intimité.

J'avais apporté une vieille blouse, assez longue, enveloppante, qui me préservait des taches et de la poussière.

C'était le quatrième jour, et je commençais à regarder au-delà de moi et de ma fatigue. Je découvrais que les bras et les pieds qui remuaient autour de moi appartenaient à des hommes et que ces hommes avaient aussi des visages.

J'arrivai dans l'allée - en avance pour éviter le "hou" des hommes - et je vis un jeune garçon qui fabriquait une pancarte. Quand il eut terminé, il la posa sur les bourrelets pendus à un crochet, les snapons, dit-on ici.

En passant je lus :

NE TU SE PAS.

La sonnerie s'était fait entendre. Il manquait beaucoup d'ouvriers. L'odeur écœurante des moteurs qui chauffaient se mêlait à celle de l'essence. Il fallait surmonter la nausée et dérouiller ses jambes. Le garçon à la pancarte prit quelques snapons sur son épaule et grimpa dans une voiture. Il les posait aux deux portières avant. Il était menu, petit, avec, dans un visage huileux, l'œil noir et rond d'un animal curieux. Il me regarda avec sévérité. Machinalement, je lui dis bonjour. Il s'arrêta de clouer.

- Vous dites bonjour aujourd'hui ? Et pourquoi pas hier ?

Étonnée, je ne répondis pas. Je n'avais jamais pensé à dire bonjour ou au revoir. Il haussa les épaules. Il n'était pas beau. Je voulus me justifier.

- Excusez-moi, dis-je.

Mais il avait déjà terminé et courait vers la voiture suivante. D'autres entrèrent, clouèrent, vissèrent, sortirent. Personne ne me salua.

Daubat vint vers moi.

Alors, toute seule aujourd'hui ? Ça ira. Je viendrai vous voir tout à l'heure.

Il était gentil avec moi. Je lui plaisais, j'étais sérieuse, je ne riais pas avec les hommes, je me tenais à l'écart.

Quand il quitta la voiture, le petit cloueur cracha de côté d'un air de dégoût. Je compris tout à coup qu'il avait pu prendre mon silence pour quelque réflexe raciste et je m'approchai de lui.

- Excusez-moi, dis-je.

Il se retourna.

- Quoi ? Qu'est-ce que c'est, madame ? demanda-t-il avec impatience.

Je dis plus fort

- Excusez-moi, je n'osais pas dire bonjour.
- Vous ne connaissez pas la politesse ? dit-il en se penchant vers moi. Alors, pourquoi vous dites bonjour aux chefs ?
- Excusez-moi, dis-je pour la troisième fois.

Il cessa de clouer.

- Pardon madame, dit-il cérémonieusement. Vous me laissez passer s'il vous plaît ?

Je le sentais hostile et j'en étais mécontente. Il se dirigea vers les snapons suspendus où était toujours la pancarte et interpella un homme qui s'approchait. J'aurais voulu suivre la scène, mais la voiture m'emportait, il me fallait descendre et prendre la suivante.

Je le retrouvai un peu plus tard et lui adressai un sourire.

- Pourquoi vous vous foutez de moi ? demanda-t-il avec colère.

Je me détournai et me promis de l'éviter.

Nous nous observâmes pendant toute la matinée et sous son regard, j'évitai de laisser transparaître ma fatigue et mon affolement quand je ne voyais pas le défaut.

Il arrêta son travail à midi vingt, rangea ses outils, nettoya ses mains à l'essence et attendit la sonnerie.

À la demie, il courut vers la porte et je le perdis de vue.

Je ne déjeunais pas à la cantine. Lucien m'avait dit : "Ça te déplaira, et puis, il n'y a que des hommes. À ma table, c'est complet".

J'emportais quelques provisions que je mangeais dans le vestiaire et je marchais ensuite un court moment autour de l'usine. Ma solitude était grande et je la ressentais intensément. À deux heures moins le quart, je rentrais et rejoignais l'atelier et ma place, prenant bien soin de ne pas déranger ceux qui dormaient.

Près des fûts d'essence, il y avait une pierre saillante, et je l'avais découverte avec délices. C'est là que je me reposais et que je me faisais oublier.

Mon ennemi du matin m'y découvrit. Il s'approcha de moi.

- Vous êtes la sœur de Lucien ?
- Mais oui.
- Je croyais que vous étiez sa femme. Pourquoi, reprit-il, l'œil inquisiteur, vous portez votre blouse si longue ? Les autres femmes, c'est pas comme ça.

Stupéfaite, je le regardai. Il était déjà reparti. Chacun maintenant gagnait son poste. La chaîne allait se mettre en marche. À chaque reprise du travail, je me demandais : "Est-ce que je tiendrai ?" Aucun temps n'était prévu pour le repos, pour le besoin le plus naturel. Les hommes réussissaient à souffler un peu, en trichant, mais moi je n'y arrivais pas encore. La voiture était là, et puis l'autre et l'autre.

Le garçon aux snapons m'aborda une fois encore. Il s'était assis sur le rebord de la portière, et quand la voiture arriva à ma hauteur, il glissa vers moi en disant :

- Pourquoi vous vous arrêtez pas un peu ?

Toujours du même ton fâché, et sans attendre que je lui réponde.

De temps en temps, Daubat faisait un saut jusqu'à moi. J'étais devenue sa protégée, son élève.

J'aimerais, lui dis-je, voir comment se fabrique une voiture. Pourquoi n'amène-t-on pas les nouveaux visiter chaque atelier, pour comprendre ?

- Attention, vous avez laissé passer un pli, ici. Pourquoi ?
- Oui. Pourquoi ? On ne comprend rien au travail que l'on fait. Si on voyait par où passe la voiture, d'où elle vient, où elle va, on pourrait s'intéresser, prendre conscience du sens de ses efforts.

Il se recula, sortit ses lunettes, les essuya et les remit.

- Et la production ? Vous vous rendez compte si on faisait visiter l'usine à tous les nouveaux ? Avouez, dit-il en riant, c'est encore des idées à votre frère ! Attention, la voiture.

Il sauta dans l'allée.

Attention, attention. Tous disaient ce mot du matin au soir.

- Vous travailliez où avant ?

C'était le poseur de snapons. Il penchait sa tête sur l'épaule qui supportait les bourrelets.

- J'habitais la province.

Il se retourna pour clouer.

- Pourquoi avez-vous mis cette pancarte sur vos bourrelets ?

Comment ?

Je répétai ma question.

- Pour que personne les touche. Je prépare à l'avance. Les pointes dedans. Regardez.

Il me montra. Alors je traduisis le sens de l'écriteau :

NE TOUCHEZ PAS.

Un élan de sympathie me poussa vers lui.

- Quel est votre nom ?
- Pourquoi ? dit-il, étonné.

Et il sauta.

Je le retrouvai dans la voiture d'après. Il tapait fort et descendit quand j'arrivai. Il m'attendait dans la troisième et me dit :

- Je m'appelle Mustapha. Et vous, c'est comment ?
- Élise.
- Élise ? C'est français ?

À cinq heures, quand s'allument les grandes lampes, toutes mes forces s'échappèrent. Un engourdissement dangereux détruisait tout effort de pensée. Une idée dominante, fixe, obsédante me possédait : m'asseoir, m'étendre. Depuis quatre jours, quand j'arrivais dans ma chambre après neuf heures de chaîne, une heure d'autobus, dix heures de station debout, je me jetais sur le lit et faire l'effort de me laver m'était douloureux. J'avais commencé par négliger mes chaussures. Je ne les frottais plus. Les premiers jours, je me dégoûtai. Mais, insensiblement, je glissai vers l'habitude. Je feuilletais les journaux sans les lire, Un soir, pourtant, je passai une heure et demie à raccourcir ma blouse et à me confectionner une ceinture dans l'ourlet coupé. J'espérais que mon corps s'habituerait à la fatigue, et la fatigue s'accumulait dans mon corps.

Ce soir-là, Lucien était venu me dire, avant la sortie : "Passe chez nous, viens dîner".

Anna m'ouvrit. Elle était belle. Elle avait dû passer l'après-midi à se mettre en scène. Couché sur le lit, Lucien se souleva :

- Et voici la camarade Élise, ouvrière de choc aux usines...
- Tais-toi, Lucien, ou je m'en vais.
- Ne te fâche pas, dit-il.

Il s'étira, descendit du lit et s'approcha de moi.

- Sans blague, ça va ?

Nous discutâmes du travail, et pour la première fois, il s'intéressa à ce que je disais. Anna s'était assise sur le lit et nous écoutait. Je parlai à Lucien de Mustapha. Il le connaissait, il avait travaillé à la chaîne avec lui. Mustapha avait dix-neuf ans, me dit-il. C'était le plus jeune de la chaîne. Le plus terrible aussi.

- On a frappé, dit Anna.

Lucien alla ouvrir. Henri entra.

- Toi, dit-il à Lucien en guise de bonsoir, je te retiens. Deux mois sans rien dire. Élise, vous êtes là ?

Je ne le savais même pas. Bonsoir. Salut, Anna. Tu ne peux pas écrire, venir ?

- Non, mon vieux, dit Lucien calmement. Je travaille, je n'ai plus le temps.

- Enfin...

Il quitta son imper et le posa sur le lit. Nous étions tous un peu gênés, lui pas. Il commença à parler avec mon frère de livres, de conférences, de théâtre.

- Et toi, dit-il, qu'est-ce que tu fais ?

Lucien lui détailla fièrement ses activités nocturnes, le nombre d'affiches collées, les slogans peints sur les murs. Henri gardait le silence.

Voilà, dit-il après un moment. Tu es satisfait. Toute ton ardeur, tes idées généreuses, tes possibilités, tu n'as pas trouvé mieux que de les employer à coller des affiches. Je t'écoute depuis un moment. C'est un sport pour toi, un jeu de cache-cache avec les flics. C'est efficace de barbouiller les murs ?

- Sûrement moins que d'écrire des livres ou de faire jouer des pièces interdites, ou d'organiser des conférences. Mais que veux-tu, ces choses-là ne sont pas dans mes cordes. Moi, ce qui me reste, c'est le barbouillage. Plus tard, quand la guerre sera finie, on se souviendra de vous, tandis que les colleurs d'affiches…
- Couche-toi donc la nuit au lieu de courir les rues un pot de colle à la main. Tu n'as plus que la peau et les os !

Lucien blêmissait. Henri l'avait atteint.

- Tu es devenu ouvriériste, je te l'ai déjà dit, il n'y a pas moyen de discuter, acheva Henri. Et il se tourna vers moi

Et Paris, Élise ?

Nous dîmes des banalités. Où étaient les soirées de chez nous, dans les odeurs de soupe et de sauce à l'ail, les cris de la rue et de la cour ? Qu'est-ce qui avait chaviré ? Anna remplaçait Marie-Louise, moi j'étais toujours là. Mais ce n'était plus le temps des désirs. Nous étions dans la vie, "dans le coup", disait Henri. Nous étions passés sur la scène. Mon frère se dérida quand même. Henri et lui sortirent ensemble, comme autrefois, mais je devinai qu'ils poursuivraient dehors leur controverse.

- Que pensez-vous d'Henri ? demandai-je à Anna.
- Beaucoup de choses contradictoires.

Ses cheveux cachaient la moitié de son visage. Je l'enviai de savoir être belle.

- Ah, soupirai-je, je vais me coucher. Déjà dix heures. Ça ne fait pas beaucoup à dormir. Comment Lucien tient-il le coup ?

Elle me sourit. Ça m'agaçait, ce parti pris d'éviter les conversations. "Fuyante, sournoise, menteuse ; fausse, fausse". Je l'imaginai à la chaîne avec ses longs cheveux. Plairait-elle à Mustapha ? Moi aussi j'avais les cheveux longs. J'aurais voulu que Mustapha le sût, ce petit singe malingre, méchant, qui m'avait demandé :

"Pourquoi portez-vous votre blouse si longue ?"

Apercevoir l'horizon entre les têtes et les cols relevés, par les vitres de l'autobus, suivre la descente du brouillard. Des lectures scolaires me revenaient à propos du brouillard. La mélancolie. Je voyais une tête penchée appuyée sur une main.

J'avais cinquante minutes d'irréalité. Je m'enfermais pour cinquante minutes avec des phrases, des mots, des images. Un lambeau de brume, une déchirure du ciel les exhumaient de ma mémoire. Pendant cinquante minutes, je me dérobais. La vraie vie, mon frère, je te retiens ! Cinquante minutes de douceur qui n'est que rêve. Mortel réveil, porte de Choisy. Une odeur d'usine avant même d'y pénétrer. Trois minutes de vestiaire et des heures de chaîne. La chaîne, ô le mot juste... Attachés à nos places. Sans comprendre et sans voir. Et dépendant les uns des autres. Mais la fraternité, ce sera pour tout à l'heure. Je rêve à l'automne, à la chasse, aux chiens fous. Lucien appelle cet état : la romanesquerie. Seulement, lui, il a Anna ; entre la graisse et le cambouis, la peinture au goudron et la sueur fétide, se glisse l'espérance faite amour, faite chair... Autrefois, il y a quelques mois, était Dieu. Ici, je le cherche, c'est donc que je l'ai perdu. L'approche des êtres m'a éloignée de lui. Un grand feu invisible. Tant d'êtres nouveaux sont entrés dans mon champ et si vite ; le feu a éclaté en mille langues et je me suis mise à aimer les êtres.

Mustapha sifflotait. J'avais craint qu'il ne remarquât ma blouse raccourcie et surtout mes cheveux. Ils étaient simplement attachés sur la nuque par la ceinture quadrillée de la blouse. Mustapha était songeur. II travaillait vite, trop vite, j'avais déjà noté trois bourrelets mal posés.

J'examinais une plage arrière quand quelqu'un entra dans la voiture. Mustapha poussa un cri de joie et lâcha son marteau. Un homme, dont je n'aperçus que le dos, s'accroupit auprès de lui. Ils s'embrassèrent. Mustapha riait, claquait des mains. La voiture les emporta tandis qu'ils bavardaient.

Que faire ? Fallait-il lui rappeler le travail qui l'attendait ? Devais-je noter "manque snapon, manque... " ?

J'allai vers un des ouvriers, qui, plus haut, posait les tableaux de bord. Je tapotai son bras. Il se retourna et me sourit.

- Prévenez votre camarade, dis-je. Il a laissé partir quatre voitures. Je ne voudrais pas qu'il ait des ennuis.

Il haussa les épaules.

- Laissez-le. C'est un fainéant.

Un qui travaillait près de lui s'était penché pour écouter.

- Qui ? cria-t-il à l'autre qui lui répondit en arabe en désignant Mustapha.

Il posa son outil et courut vers la voiture.

Je repris ma place. Peu à peu, les muscles s'habituaient. Mais je rêvais encore la nuit de chaînes gigantesques que j'escaladais.

Mustapha m'interpella.

- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je voulais vous prévenir, dis-je. Vous avez laissé partir quatre voitures.

- Ça ne vous regarde pas.

Il était mécontent et fit le geste d'écrire.

- Vous marquez, c'est tout.

L'homme l'avait rejoint. Je me détournai, mais je sentis qu'ils parlaient de moi et je n'osai bouger.

Ils s'écartèrent de la portière. Je descendis et m'arrêtai quelques secondes. Une soif subite me vint. Les successives émotions, la timidité, les moqueries de Mustapha se concrétisèrent dans ce désir brutal. Il restait environ trois heures avant la pause. J'allai m'appuyer au mur. Mustapha passait justement. Ses bourrelets autour du cou, il ressemblait à un charmeur de serpents. L'homme lui tenait encore compagnie. De profil, il était sec et quand il parlait, ses joues se creusaient sous les pommettes. Il y avait, sous ses épais  sourcils, un feu noir allongé qui était son regard. Il souriait et s'appuyait d'une main à l'épaule de Mustapha.

Il fallait que je sorte. Ça n'allait pas. L'odeur de l'essence faisait autour de moi comme des ronds de fumée qui montaient jusqu'à ma bouche. J'avais laissé filer plusieurs voitures. Comment sortir ? Je pensai à Daubat. Il était quelque part vers le haut de la chaîne. Longeant l'allée je l'aperçus qui tendait le plastique, aidé par deux garçons. Il me vit et s'étonna.

- Je suis malade, dis-je. Pouvez-vous me remplacer un moment ?

Il me considéra les yeux ronds.

- Vous avez laissé les voitures ?
- Je suis malade.
- Ah la la la la !

Il me semblait que j'étais l'objet de tous les regards. J'eus peur. Être malade n'était pas si simple. Ça n'était pas prévu. J'aurais voulu retourner à ma place. Être un rouage qui ne se détraque jamais donnait un sentiment de sécurité ; mais se mettre en travers, devenir un estomac sensible, une tête lourde...

- Mon petit, dit Daubat - et il me serrait le bras -, sortez. Vous êtes comme un cadavre. Ah, les femmes à la chaîne ! En passant, avertissez le chef d'équipe. Il mettra quelqu'un. Moi, voyez, je ne peux pas bouger. Ça va trop vite. Saïd, appela-t-il, conduis-la à Bernier.

Bernier était assis sur un haut tabouret, devant un pupitre qui atteignait presque son menton. Vêtu d'une blouse trop longue et dont il avait roulé les manches, il paraissait frêle. Son visage au nez retroussé, aux petits yeux ronds et enfoncés, était naturellement rieur. Il semblait toujours content. Quelquefois, d'un grand coup de gueule, il rappelait sa fonction à des hommes qui ne le respectaient guère. Mais ses cris tenaient du jappement, ils n'intimidaient personne. Par contre, il tremblait dès que Gilles l'interpellait.

- Bon, dit-il quand j'eus expliqué. Bon, bon. Il cherchait ce qu'il convenait de faire.
- Eh bien oui. Je vais vous donner un bon de sortie pour l'infirmerie. Voilà. Un quart d'heure, ça suffit ? Il est huit heures cinquante, jusqu'à neuf heures quinze. Et, ajouta-t-il tristement, je vais vous remplacer moi-même.

Il posa son porte-plume. Il composait des pancartes en gothique : FREINS - LAINE DE VERRE - TIRETTES N°2.

- Où est l'infirmerie, s'il vous plaît ?

De l'autre côté de la rue. Mais...

Il descendit de son tabouret et choisit minutieusement un crayon.

- Mais vous ne sortez pas, vous passez par le souterrain.

Je ne connaissais pas le souterrain.

- Vous vous débrouillerez en bas, dit-il, agacé. Le copain de Mustapha s'approcha à ce moment-là du pupitre.
- Salut, Rezki, lui cria Bernier. Alors, tu es revenu ?
- Oui, je vais porter mes papiers au contrôle médical.
- Tiens, amène-la à l'infirmerie, dit Bernier vivement.

Je pris le bon qu'il me tendait et je suivis l'homme appelé Rezki. Quand nous arrivâmes près de la porte, une clameur nous accueillit.

"Hou, hou", hurlaient les hommes. Celui qui m'accompagnait s'arrêta et s'approcha d'eux. Ils étaient une dizaine, Africains noirs et Algériens qui nous conspuaient bruyamment. J'avançai de quelques pas et me trouvai à la hauteur de mon guide. Il leur cria quelque chose dans sa langue et me poussa vers la porte. Quand elle nous eut séparés du vacarme de l'atelier, il me dit doucement "Excusez-les". Puis il ajouta, comme Lucien:

- L'usine, ça rend sauvages.

Ensuite, il ne m'adressa plus la parole et parut m'oublier. Je le suivis dans le souterrain reliant les deux parties de l'usine.

- Vous êtes là depuis quand ? demanda-t-il lorsque nous regagnâmes l'air du dehors.
- Depuis neuf jours.

Il me montra l'escalier qui conduisait à l'infirmerie et continua son chemin vers les bureaux.

C'était une petite pièce, claire et bien chauffée. Devant un fourneau à gaz se tenait une vieille femme en blouse blanche.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.
- Je me sens mal, j'ai des nausées.
- Vous êtes enceinte ?

Je r

épondis non avec indignation.

- Asseyez-vous.

Elle prit avec douceur mon poignet, et quand ce fut fini, revint vers le fourneau. Elle souleva la bouilloire, choisit un verre sur une planche et le posa sur la table, devant moi. Je vis qu'elle portait des pantoufles bordées de fourrure.

- Voilà, mon petit. Vous allez boire doucement. C'était une tisane. Je savourai l'instant. On s'occupait de moi, on me préparait une tisane. L'infirmerie tiède, ensoleillée, où il y avait des objets humains, la bouilloire, la vapeur en spirales, un évier carrelé de blanc, des verres, me fit prendre en horreur le monde disproportionné de l'atelier, la chaîne, les piliers métalliques et l'odeur d'essence chaude. "Je ne resterai pas. Encore cinq jours, la paye, et je pars".

La vieille femme regarda l'heure.

- Je signe votre bon, mon petit. Quand vous vous sentirez mieux, vous partirez.

Je bus doucement en soufflant à petite bouche sur la tisane. Mes doigts se réchauffaient au contact du verre. Le téléphone sonna. L'infirmière se dirigea vers l'appareil accroché au mur. Tandis qu'elle parlait, sa main dénichait dans sa coiffure une épingle dont elle se gratta l'intérieur de l'oreille. Ce geste, la grand-mère l'avait souvent.

La tiédeur, la lumière, les carreaux disparurent. Mes lettres mensongères, et les siennes, écrites par quelque pensionnaire à qui elle les dictait, ses accusations, ses malédictions et la prière finale "Viens me chercher !" Je répondais "Patience, ici, je gagne de l'argent. À mon retour, je ferai tout repeindre et je t'achèterai la radio".

Quelqu'un frappa à la porte. Elle posa le récepteur et cria "Entrez".

- Encore toi, dit-elle à l'homme qui apparut.

Il était petit, le teint bien cuit et la chevelure frisée. Est-ce que tu vas me raconter ?

- C'est la gorge, dit l'homme.
- Oui. Assieds-toi. Et attention à mes flacons en passant.

Je me levai, remerciai et sortis. Les grands braillards étaient occupés. Ils m'aperçurent trop tard. Leurs cris m'arrivèrent, assourdis, quand je me trouvais déjà loin d'eux.

- Ça va pas ? demanda Mustapha quand il me vit.
- Ça va mieux.
- Comment ? dit-il en tendant l'oreille.
- Ça va mieux ! criai-je.

Le régleur qui passait me regarda sévèrement. Je grimpai sur la chaîne. Bernier m'aperçut et vint me réclamer le bon.

- Ça va ?

Je secouai la tête. C'était vrai. Ça allait mieux. Ma place, mon petit carré d'univers dans lequel j'avais déjà des points de repère, ce qu'on appelle des habitudes, me donnait la sensation rassurante du terrier, du gîte, du refuge.

Vers dix heures, il y eut un déménagement. Le copain de Mustapha arriva et Bernier appela celui des ouvriers qui vissait les rétroviseurs. C'était un étranger. Mustapha l'appelait "le Magire". Daubat m'avait dit "un Hongrois", et Gilles avait précisé "un Magyar". Il ne parlait pas le français et travaillait sans un mot, sautant d'une voiture à l'autre avec une sorte d'acharnement. À imaginer la solitude de cet être sans contact avec rien, pas même celui, rude mais réel, d'une grossièreté que l'on se jette entre hommes, je me jugeais privilégiée.

Bernier jeta un coup d'œil dans la voiture où je me trouvais.

- Rezki  ! appela-t-il.

Il saisit mon bras et me dit à l'oreille :

- C'est lui maintenant qui va poser les rétros.

Il se mit à rire. Il ressemblait à un joyeux petit cochon.

- Rezki, cria-t-il, méfie-toi, elle voit tout.
- Elle voit tout en combien de minutes ? demanda l'autre froidement.

Bernier lâcha mon bras et descendit. L'Algérien vissa rapidement et, sans me regarder, quitta la voiture. Je l'observai pendant toute cette matinée. Il travaillait vite et bien. Nous ne nous trouvâmes jamais ensemble. Il avait pris de l'avance et je le cherchai des yeux sans le voir. Mustapha traînait, oubliait une voiture, courait vers le haut de la chaîne en jurant. Parfois il me faisait un signe et rattrapait la voiture où il posait son bourrelet en quelques secondes.

Je fis confiance à sa précipitation et je ne notai rien. Dans une voiture où je le rencontrai, je lui demandai l'heure. Il posa son marteau et me montra ses dix doigts écartés, puis deux doigts encore. Midi ; encore une demi-heure. Mustapha avait posé sa boîte sous le tableau de bord et fumait béatement. C'était interdit. II avait fermé les yeux. Je m'approchai de lui.

- Votre copain travaille vite.
- Arezki ? dit-il d'une voix endormie.
- Il s'appelle Arezki ? J'avais entendu Rezki.
- C'est la même chose.

Il tira sur sa cigarette et fit mine de se lever.

- Allez, me dit-il. Vous allez perdre votre prime.

Je courus à la voiture suivante. J'en descendais quand Arezki arriva et chercha le bidon d'essence pour nettoyer ses mains. Il prit une grosse boule de laine de verre, en fit un tampon et le passa à son voisin.

- Bon appétit, vint me dire Mustapha.

Mon appétit est bon. Je mange au vestiaire où coule un unique robinet, goutte à goutte. Quelquefois, impatiente, je mange sans me laver les mains. Je tombe sur le banc. Quand j'aurai mangé, je me coucherai, mon manteau roulé en oreiller sous la tête. Un plaisir charnel, celui du repos.

L'après-midi, Gilles vint me voir. C'était une joie de regarder son beau visage de militant de banlieue. Résolu, dur et clair, son regard droit vous traversait. Il me fit un petit signe discret et nous nous mîmes à l'écart.

- Mademoiselle Letellier, que s'est-il passé ? On a trouvé onze voitures où manquaient les snapons, et ce n'était pas signalé. Bon, allez, ajouta-t-il en me poussant vers la voiture qui arrivait. Contrôlez vite et venez me le dire.

Je grimpai et regardai machinalement. Il m'observait. Les défauts s'évanouissaient à mon approche et, quand je me tournais à demi, ils réapparaissaient. D'une grosse écriture tremblée, je marquai n'importe quoi, et je revins vers lui.

- Ce matin, j'ai eu un bon pour l'infirmerie.
- Oui, je sais, mais Bernier vous a remplacée. Non, c'est après, vers la fin de la matinée.


Je gardai le silence. Il n'avait pas de colère dans le regard. La voiture suivante approchait.

- Allez

Je contrôlai, et, quand je descendis, il reprit :

- Écoutez, mademoiselle Letellier, vous êtes ici pour contrôler LEUR travail.

Il appuya sur leur.

- Ils sont ici pour le faire. J'aurais aimé en parler avec vous comme je l'ai fait avec votre frère. Malheureusement, ce n'est guère possible. Allez.

J'allai, j'inspectai, je descendis.

- Ici, il n'y a pas de conversation possible. Le soir, je suis pris, j'ai d'autres occupations. Allez.

En contrôlant, je pensai à la coupure du repas de midi. Je le lui dis en descendant. Il secoua la tête et me dit non, Lucien m'expliquerait pourquoi.

- Ça ne fait rien, dit-il.

Et il me souhaita bon courage.

- Mais, ajouta-t-il, faites bien votre travail. Il est dur, je le sais, et je suis contre les cadences actuelles. II y a des moyens pour changer certaines choses. Vous me comprenez ?

Il me quitta et appela Mustapha. Je montai dans la voiture que celui-ci venait de quitter. Arezki s'y trouvait. Il me regarda avec la plus complète indifférence.

[© Claire Etcherelli, Élise ou la vraie vie, Denoël éd., 1967, 278 pp. (texte extrait de la deuxième partie, pp. 74-107 de l'édition Folio)].<
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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 22:12

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De : AC sur Bellaciao - mardi 8 février 2011


10 commentaires


Je m’en souviens comme si c’était hier...


Je sortais vers 20h d’un cours de Brevet Professionnel de Banque. Ce fut le dernier, geste imbécile de rage au ventre.


J’étais revenu de ce Constantinois pacifié au lance flammes et à la gégène ..quand dans le petit bistro qui jouxtait l’immeuble ou l’on pensait faire de moi un bon "banquier"....le speaker a parlé d’éventuels morts à Paris..


Papon l’ORDURE venait, quelques six mois après son ordre d’assassiner et de noyer dans la Seine, les Algériens descendus le 17 Octobre, debouts et sans armes contre un couvre feu raciste immonde, Papon futur Ministre de Giscard et membre du Comité Central de l’UDR(ancètre du RPF et UMP) , Papon au stylo pétainistefournissant aux Nazis les juifs et Résistants pour wagons de futurs gazés, Papon qui mourut sans son lit..avait décidé de faire régner l’Ordre de classe.!


Car , à l’appel duPC, de la CGT, de l’UNEF , du PSU, et de la CFTC région parisienne.., la classe ouvrière, la jeunesse , abasourdis , après que la petite Delphine Renard aie perdu un oeil dans l’attentat des pourris de l’OAS..(qui visaient malraux), ces ouvriers, ces militants, ce PEUPLE , par dizaines de milliers dans le frois et la nuit..sous les coups...il bravaient les casqués de Frey et de de Gaulle..


Arrivés au pouvoir quand les futurs conjurés fascistes de 62.., prétoriens de la bourgeoisie ayant besoin de changer les chevaux usész de la 4°..se préparaient , sil le fallait à sauter sur la capitale!


La barricade répète t on ici, n’a que deux côtés


Ce soir de 8 mars, une fois encore le sang des nôtres a été versé pour cause de défense des"AUTRES".


Poing levé et avec émotion.!


"On ne vous oubliera jamais, Camarades


A.C


«Si vous n’avez pas lu , essayez de vous procurer...

Charonne 8 février 1962 : Anthropologie historique d’un massacre d’Etat d’Alain Dewerpe

L’éditeur souligne justement :


8 février 1962 :« en réaction à l’offensive terroriste de l’OAS, une manifestation se heurte à la violence voulue de l’Etat. A la station de métro Charonne, devant les portes ouvertes, on relèvera neuf morts sous les coups de la police. Au-delà de la reconstitution des faits avérés, Alain Dewerpepose des problèmes historiques d’un ordre plus général dans un livre qui servira de modèle à d’autres. Il traite d’abord de la violence d’Etat en démocratie représentative : organisé ou non, planifié ou non, le meurtre politique fait partie de l’outillage des actes d’Etat ; il a, même obscures ou contournées, ses raisons et son efficace. Il pose la question du scandale civique : à quoi l’Etat a-t-ildroit ? L’affaire pourrait se dénouer par la mise en place d’un récit moralement et politiquement fondé et partagé. Or, à travers une version d’Etat mensongère jusqu’à nos jours, ce règlement est demeuré historiquement instable. Il ouvre également sur les usages politiques et sociaux de lamort : la manifestation-obsèques du 13 février fut un des plus considérables rassemblements dans la France du XXe siècle. Comment comprendre alors que cette mémoire du massacre, faite de commémorations mais aussi de censures, de souvenirs mais aussi d’oublis, s’est effritée devant d’autres événements traumatisants de la guerre d’Algérie ? Faut-il l’écrire ? Cet ouvrage est unique en son genre. »

Fin de citation


Juste pour ce que cette chanson a de chavirant pour qui veut bien se souvenir que Daniel Féry n’avait que 17 ans.


Ecoutons ou re-écoutons ESCUDERO ; écouter-voir

 

http://www.youtube.com/watch?v=GQP7I-uzSkM

 

De : AC
mardi 8 février 2011


Jean-Pierre Bernard, 30 ans, dessinateur

- Fanny Dewerpe[25], 31 ans, secrétaire - Daniel Féry, 16 ans, apprenti

- Anne-Claude Godeau, 24 ans, employée PTT

- Édouard Lemarchand, 41 ans, menuisier

- Suzanne Martorell, 36 ans, employée à l’Humanité

- Hippolyte Pina, 58 ans, maçon

- Raymond Wintgens, 44 ans, typographe

De la CGT et du PCF

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 21:29

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Relire aussi sur le blog un-extrait-de-les-abeilles


sur le blog:

 

MARTIN dans la clandestinité. Né le 30 avril 1923 à Saint-Gaudens (Hautes-Pyrennées, France) ; licencié es sciences, prêtre à Lannemezan de 1951 à 1953 ; détaché à la Mission de France en 1953, ingénieur au Laboratoire de physique de l’Ecole Normale Supérieure à Paris, militant du Mouvement de la paix ; à partir de 1957, actif dans l’aide au FLN dans le groupe de Jean Urvoas puis aux réseaux Jeanson et Curiel ; échappant à un mandat d’arrêt en octobre 1958, permanent auprès de la direction de la Fédération de France du FLN à Cologne (RFA), enquête à la frontière de la Tunisie (Le Front, 1959) ; rentré clandestinement en France, arrêté à Lyon le 29 janvier 1961, libéré le 4 juillet 1962 ; après mai 1968, animateur du Comité d’action pour la Révolution dans l’église. Il entre en 1945 à 22 ans au Grand séminaire de Tarbes. Pour lui, le Christ s’identifie aux exploités, au prolétariat. L’Eglise s’est coupée du peuple, a « perdu la classe ouvrière » ; il faut porter l’Evangile en ce « pays de mission » la france. Ordonné prêtre à 28 ans le 29 juin 1951, R.Davezies devient vicaire à Lannemezan, petite ville entre Tarbes et Toulouse ; il obtient en 1953, son détachement à la Mission de France. Complétant sa licence de mathématiques, il entre dans une équipe qui travaille dans les institutions scientifiques à l’exemple du père Bernard Boudouresques, au Centre d’études nucléaires de Saclay. A partir de septembre 1955, R.Davezies est employé comme ingénieur de recherche au Laboratoire de physique de l’Ecole normale supérieure. Sensibles aux luttes de libération, il fréquente un milieu de chrétiens progressistes, catholiques et protestants.

Découvrant la question coloniale, il identifie l’immigration algérienne au prolétariat. C’est aux journées du mouvement sur l’Algérie, en juin 1957 à la Maison des métallurgistes que Jean Urvoas qui pratique déjà l’aide au FLN, le fait entrer dans son groupe de soutien, formé des « copains » qui gravitent autour de la Mission de France et de la paroisse du quartier Italie. A son tour Robert Davezies va beaucoup recruter ; il se charge des passages en Espagne par les Pyrénées, des liaisons et dépôts, plus tard des caches de l’argent de la Fédération de France du FLN. En effet à partir d’octobre 1957, le groupe se lie à ce qui devient le réseau Jeanson et plus tard s’associe aux activités du groupe Curiel. L’anticolonialisme devient premier, ce qui implique l’indépendance de l’Algérie. A partir du 16 Mai, sous le pseudonyme de Martin, il devient permanent des réseaux de soutien, le seul permanent, s’employant à superviser les transferts de fonds et répondant des passages de frontières. Suite aux arrestations suivant la tentative d’attentat FLN contre Jacques Soustelle, il est recherché pour avoir convoyé les militants venus d’Espagne, un mandat d’arrêt est lancé contre lui le 16 octobre 1958. Le 17 octobre, il sort de France pour rejoindre Cologne où se trouve le Comité directeur de la Fédération de France du FLN ; il travaille à son service. En 1959 il rejoint le père Mamet en Tunisie pour recueillir les témoignages des réfugiés algériens au Kef et auprès de l’ALN des frontières et publie Le Front aux les Editions de Minuit début octobre1959. Inculpé dans le procès de l’OS (organisation spéciale du FLN, France) en avril1959, il fait sensation par une lettre adressée au président du Tribunal militaire de Paris. Le 16 avril 1960, Robert Davezies est condamné par défaut à 10 ans de réclusion et 20 ans d’interdiction de séjour. Le cardinal Liénart désavoue la lettre et affirme que le père Davezies ne représente en rien la Mission de France. Se rendant facilement en Suisse, Davezies soutient l’organisation du groupe de déserteurs qui constitue un noyau du mouvement Jeune Résistance fondé en mai 1959, autour de Jean-Louis Hurst (Maurienne, l’auteur du Déserteur), du communiste opposant Louis Orhant, du militant catholique progressiste Gérard Méier. Il se sent très proche d’Henri Curiel qui entend créer un Mouvement anticolonialiste français (MAF) sans se couper du PCF ; à la fin de 1960, le groupe Jeune Résistance de Suisse décide des retours en France pour mener une action clandestine ; Robert Davezies gagne la région lyonnaise. Lors d’un rendez-vous à Annemasse avec l’éditeur Nils Andersson , il est arrêté le 29 janvier 1961. Bien que resté pour partie à l’état d’ébauche, Nils Andersson publiera en mars à Lausanne Le Temps de la Justice qui commente les raisons de l’engagement politique, mariant Lénine et l’Evangile. Condamné pour faux et usage de faux, par le tribunal de Lyon le 15 mars 1961, à 4 mois de prison, Robert Davezies est transféré à la prison de Fresnes avant de comparaître devant le Tribunal militaire de Paris. Le cardinal Liénart désavoue à nouveau les positions du père Davezies, mais lui rend visite plus tard en novembre 1961 à Fresnes où Davezies se sent réconforté par l’entourage du millier de prisonniers du FLN et des prisonniers politiques français des réseaux. Les négociations avec le FLN vont leur cours alors que se déroule son procès du 9 au 12 janvier 1962 ; « c’est le procès de la colonisation et de la guerre d’Algérie ». Il est assisté d’un collectif d’avocats et reçoit le soutien d’une trentaine de personnalités, de René Capitant à Louis Aragon. Il est condamné à trois ans de prison et trois mille francs d’amendes. Trois jours après, le 15 janvier, le même tribunal acquitte trois militaires français auteurs de tortures ayant entraîné la mort dont celle d’une jeune algérienne Saadia Mebarek. Libéré le 4 juillet 1962, Robert Davezies lance une campagne pour la libération des condamnés français pour soutien au FLN (brochure L’amnistie des républicains). En 1963, il publie un roman inspiré par son expérience de prison pendant la guerre d’Algérie Les Abeilles puis des recueils de poèmes évoquant mais pas seulement les luttes de libération. Il soutient l’action contre la colonisation portugaise en Angola (Les Angolais, 1965). Les mouvements de Mai 1968 le conduisent à fonder le Comité d’action pour la Révolution dans l’Eglise (CARE) animant l’association des prêtres contestataires dite Mouvement du 3 novembre, Echanges et dialogue.

Source : Notice de R. Gallissot à paraître dans le Dictionnaire du mouvement ouvrier Maitron

Robert DAVEZIES BIBLIOGRAPHIE Bibliographie établie par RD lui-même : Le Front, Editions de Minuit, Paris, 1959.Les Abeilles, roman, Editions de Minuit, Paris, 1963.Les Angolais, Editions de Minuit, Paris, 1965.La rue dans l’Eglise, Editions de L’Epi, Paris, 1968.La révolution dans l’Eglise, in L’Eglise interrogée, de Claudio Zanchettin, Editions du Centurion, Paris, 1975.Echanges et dialogue ou La mort du clerc, en collaboration, Editions IDOC-France-L’Harmattan, 1975.La Saint-Jean d’été, chansons, Editions de Minuit, Paris, 1977.Camoin ou le voyage d’hiver, Editions de Minuit, Paris, 1978. La mort d’Ulrike Meinhof, Rapport de la commission internationale d’enquête, en collaboration, Editions François Maspéro, Paris, 1979.L’eau et le vin, Editions François Maspéro, Paris, 1981.Véroniques, Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 1991.La Reine de carreau, Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 1993.Clairières, Lettre à Yves Burdelot sur La Reine de carreau, Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 1996.Un doigt de café, Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 2000.Il entrait sans faire de bruit…, in Robert Barrat, Un journaliste au coeur de la guerre d’Algérie 1954-1962, 1988, réédition Editions de l’Aube, 2001.Un temps pour la guerre, Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 2002.La fête locale, Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 2004.Michèle Beauvillard, in Elles et eux et l’Algérie, Editions Tirésias, Paris, 2004.Une foule de châteaux et autres écrits, Editions L’Age d’Homme, Lausanne, 2006.

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26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 20:52

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Rebelles, un recto verso de couleur, tout simple, rapide, distribué devant les prisons. Des militants qui se rejoignent dans la lutte et qui vont devant les prisons. Dans les prisons, une lutte, Rebelles informe et soutient. Si certains veulent témoigner, linter serait honoré de les publier.

 

rebelles-1.jpg

 

ILS NE COMPRENNENT QUE LE LANGAGE DE LA REVOLTE!

 

 

FLEURY- MEROGIS     15 JANVIER 1983

41 détenus se tailladent les veines;

 

MARSEILLE - LES BAUMETTES   19 JANVIER 1983

300 détenus montent sur les toits;

 

NIMES- MAISON CENTRALE    20 janvier 1983

50 détenus refusent de réintégrer leur cellule après la promenade;

 

MELUN - CENTRE DE DETENTION    20 JANVIER 1983

Deux ateliers (180 détenus) se mettent en grève par solidarité;

 

MONTPELLIER- MAISON D'ARRET     20 JANVIER 1983

Des détenus refusent de remonter de promenade

 

 

CRIS DE REVOLTE AUX QUATRE COINS DE L'HEXAGONE.

Partout ils réclament et se battent pour l'application "des nouvelles mesures" et en particulier l'instauration et la généralisation immédiate sans dispositifs de séparation.

 

Le gouvernement social-démocrate n'arrive même plus à donner l'illusion du "changement". A grand renfort de publicité, de campagne de presse, il prétend mettre en place des aménagements du régime carcéral. En fait, rien n'évolue. Les directeurs gardent toujours leurs pouvoirs arbitraires de décision et d'adaptation de telle ou telle mesure suivant les prétendus impératifs de sécurité et du "traitement" (nom par lequel l'Administration Pénitentiaire désigne les horreurs de l'enfermement). Le Pouvoir, avec la même hypocrisie que lors des prétendues réformes sociales, présente des mesures afin d'endormir les opprimés et se donne les moyens de ne jamais les mettre en oeuvre.

Pire encore, ces "réformes" carcérales ne sont dans la plupart des cas, que la redécouverte de ce qui dormait bien sagement dans les articles poussiéreux du code de Procédure Pénale, des règlements d'administration pénitentiaire.

 

Et bien NON! Cela est fini!

La comédie qui durait depuis 1981, depuis que "les chaudes journées" de ce mois d'août, troublaient la quiétude nocturne de Monsieur Badinter, arrive à son dernier acte. Ce que n'avait pu, en 1974, refuser le précédent septennat, les sociaux-démocrates ont réussi à le différer.

Les prisonniers n'ont toutefois pas mis plus d'un an à découvrir, Messieurs, sous votre noble masque de défenseurs des droits de l'homme, d'humanistes distingués, le même visage que tous ces petits tortionnaires, qui depuis toujours, hantent les couloirs de l'administration pénitentiaire, ou tabassent dans les cachots.

Ces petits tortionnaires, syndiqués, qui devant les justes et légitimes revendications des prolétaires-détenus, réclament des "instructions claires et précises" afin de mieux remplir leurs sales besognes. Gageons que ces instructions-là mettront beaucoup moins de temps à parvenir que celles concernant l'application des "nouvelles mesures", en particulier sur la généralisation des parloirs sans dispositifs de séparation, afin que cette mesure soit étendue à tous, et dont les détenus font leur revendication principale.

 

Les auto-mutilations de Fleury ont allumé le baril de la révolte de ce vaste mouvement de lutte qui s'étend dans les prisons de la bourgeoisie impérialiste du "changement"

De la même manière qu'à Flins ou à Aulnay, aux Baumettes, à Montpellier, Nîmes, Fleury, Melun, les prolétaires détenus exigent, par la lutte, la satisfaction de leurs revendications. Le seul langage que comprend la bourgeoisie c'est celui de la révolte.

 

De même qu'à Renault, les OS revendiquent satisfaction pour tous, par dessus les barrières sectorielles que dresse la bourgeoisie.

De même, les prolétaires détenus luttent pour que tous aient droit aux parloirs libres, quelle que puisse être leur situation spécifique et l'arbitraire des chiens de garde.

La grève solidaire des ateliers du centre de détention de Melun (où existent déjà les parloirs sans dispositif de sépaation) nous trace le chemin à suivre.

 

NOUS SOMMES TOUS CONCERNES.

 

UNIFIONS LES LUTTES DES PROLETAIRES, DANS LES PRISONS, LES QUARTIERS, LES USINES.

 

SOLIDARITE DANS LA LUTTE.

 

POUR UNE SOCIETE SANS PRISON ET SANS CLASSE

 

REBELLES

 

DERNIERE NOUVELLE - Les détenus de la prison SAINTE-CLAIRE à BASTIA auraient rejoints le mouvement.

 

rebelles 1.1-copie-1


Joint à ce numéro, LE COMMUNIQUE DES PRISONNIERS DE FLEURY-MEROGIS :

 

AUTO-MUTILATION COLLECTIVE A FLEURY-MEROGIS

  automutilations.jpgauto-mutilation verso

La gauche a mené avant son accession au pouvoir des analyses pertinentes sur la délinquance comme phénomène résultant des contradictions et des inégalités dans une société donnée.

La prison de Peyrefitte était un pourrissoir, le centre d'un arbitraire contagieux où chaque micro-pouvoir était démultiplié par son appartenance au système du Grand Silence: l'Administration Pénitentiaire.

Le PS a eu des années pour approfondir le problème, celui de la "sécurité" dont le gouvernement précédent avait fait son cheval de bataille. En fonction de ces analyses, le PS fit des promesses très précises répondant aux besoins de la société française en matière de pénalité.

Nous constatons que le PS était plus soucieux d'accéder au pouvoir que de tenir ses engagements.

La France a supprimé la peine de mort, mais la mort quotidienne de l'enfermement perdure. Tous les analystes s'accordent pour constater que la France figure au ban des pays européens en matière de politique pénale: peines démesurées, conditions de détention moyennageuses:

La politique de l'inertie est dangereuse en soi et à terme.

On ne modifie pas une "tendance", un courant, celui qui réclame toujours plus de répression aveugle, par des contre-vérités, des mensonges journaliers. Ceux-ci ne font qu'exaspérer notre désespoir.

Les dernières "réformes" viennent de montrer qu'en dépit de discours prometteurs, les prisonniers demeurent des êtres confinés dans un univers de non-droit, qui "appartiennent" corps et âmes à l'administration pénitentiaire.

Il n'existe aucune volonté politique de changement radical.

Aussi nous sommes contraints une fois de plus d'user de la "violence" pour nous exprimer. Une "violence" que nous retournons symboliquement contre nous-mêmes, puisque toutes nos protestations, revendications pacifiques, sont demeurées lettre morte.

Nous pourrions reprendre l'intégralité des multiples cahiers de doléances qui ont été adressés depuis 18 mois au Ministère de la Justice. Nous nous en tiendrons à quelques-unes des suggestions fondamentales, qui ont été soumises à Monsieur Badinter par la commission d'enquête et de proposition sur la vie quotidienne en prison. Suggestions qui sont demeurées lettre morte quand seule leur prise en compte pouvait inscrire les prisons dans le champ de "l'état de droit".

 

- Instauration immédiate de parloirs sans dispositifs de séparation dans toutes les prisons. Les 18500 détenus (52% des prisonniers) qui attendent dans les maisons d'arrêt d'être jugés, sont exclus du bénéfice de cette mesure, la construction de 3 cabines de parloirs sans dispositif de séparation dans chaque bâtiment de Fleury-Mérogis, qui accueille 600 détenus, à l'instar des mesures prises à la Santé et à Fresnes, constitue une absurdité évidente. A quoi bon instaurer des "parloirs libres" dans les centrales, si les liens familiaux, affectifs, sont rompus après les années de détention préventive.

- Suppression du prétoire, du "mitard", du pouvoir disciplinaire exercé en violation des garanties les plus élémentaires de la défense par les directeurs de prison.

- Reconnaissance du concept de "droits minimaux reconnus aux détenus" (selon une formule que l'on pourrait définir par: tout ce qui n'est pas formellement interdit devient autorisé), par le biais d'une codification restrictive des interdits, l'instauration d'un contrôle extérieur de la prison par les "autorités "civiles" locales (municipalité, associations, etc ...), et la mise en place de voies de recours réeelles contre l'arbitraire qui sévit en permanence derrière les murs.

- Reconnaissance du droit d'association qui permettra aux prisonniers de ne plus être radicalement exclus de la communauté sociale et d'exercer le minimum de responsabilité, indispensable à leur insertion future dans la société.

 

Le gouvernement n'a pas été porté au pouvoir pour "gérer au mieux " les "grands équilibres économiques". Nous appelons tous les acteurs sociaux à s'interroger sur l'immobilisme, les dérobades du gouvernement en matière de justice sociale et de justice tout court. Nous entendons ne pas "sortir de prison pire que nous y sommes entrés", et appelons tous les prisonniers à se mobiliser pour obtenir une réforme radicale d'une institution qui continue à nous détruire inéluctablement.

 

                                                                                                          Les prisonniers de Fleury-Mérogis

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25 décembre 2010 6 25 /12 /décembre /2010 16:01

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Des ouvriers sont tués dans un incendie sur les chantiers de Dunkerque. Qui est responsable? La direction? En fait en quelques jours, le pouvoir, la presse déplace la responsabilité vers un groupe d'extrême-gauche "La gauche prolétarienne" qui est alors interdit. 

Un livre paraît. C'est la préface que nous reprenons. Elle peut nous aider aujourd'hui encore à réfléchir à comment agir devant la répression et devant  les campagnes pouvoir/presse.

 

Comme le dit la préface, il suffit souvent de:

"regarder pour voir"

 

Et de se poser à chaque fois la question:

Comment se fait-il que tout cela, qui est si manifestement visible, reste en même temps caché à la conscience de l'opinion?

 

(Et nous avons en tête pour ce qui nous concerne la campagne pouvoir/presse qui a ramené JM Rouillan en prison. Lire sur le blog l'article A propos de J.M. Rouillan - France-Culture - Laure de Vulpian ).


 

Couverture :

 

LUTTE DE CLASSE A DUNKERQUE

 

les morts, les mots, les appareils d'Etat

 

jean pierre faye et le groupe d'information sur la répression

 

éditions galilée

 

LUTTES 1

 

Pages intérieures :

 

Cahiers LUTTES

JEAN PIERRE FAYE ANDRE VELTER

Février 1973

 

GROUPE D'INFORMATION SUR LA REPRESSION

Geneviève Clancy, Jean Pierre Faye, Alain Jouffroy, Bernard Noël, Jérome Peignot, Serge Sautreau, André Velter.

responsable de la rédction : Jean Pierre Faye

 

COMITE DE VIGILANCE SUR LES PRATIQUES POLICIERES

 


 

Préface : 

 

La pratique de l'homme

est la vérification

Lénine

 

I. Les matériaux livrés ici sont de deux sortes. D'abord des blessures et des morts, produites sur des corps vivants d'ouvriers. Ensuite des énoncés ou des récits, portant sur ces morts et ces blessures, et sur les lieux de travail où cela s'est passé.

Le rapport entre ces deux plans est ce qui nous importe, et dont nous allons tenter de rendre compte. En laissant le plus possible à ces données leurs traits premiers, immédiats et, si l'on peut dire, bruts, et même leur violence brutale. En laissant à découvert les énoncés et les récits des uns et des autres, dans leurs contradictions et avec leur charge d'effets.

 

2. Les luttes dont nous rendons compte ici se meuvent sur un terrain bien déterminé: la sécurité dans le travail, contre l'enfer des cadences - contre le danger de mort pour les ouvriers. Ce terrain est celui même où la matérialité des conditions techniques pèse directement sur les gestes du travail, menace immédiatement le corps travaillant. Comment ce terrain-là, avec la précision et la brutalité des données oppressives qui lui sont propres, se relie par des fils cachés à celui de la répression politique et policière, c'est ce qu'il s'agit de montrer, de mettre à nu sans réserve. Dénuder les ressorts multiples souvent paradoxaux et imprévus, qui ont déclenché la répression politique à partir de la lutte contre le danger de mort, c'est la tâche qui est montrée ici. Elle a été entreprise sans que les conclusions aient été préjugées. nous voulons dire: ceux qui se sont mis au travail sur ce terrain ont commencé par se mettre à l'écoute impartialement - par entendre les témoignages et par lire les documents.

 

3. Le propre de ces documents, c'était d'être à la portée de tous et pour ainsi  dire déjà sous nos yeux: tout comme la Lettre volée d'Edgar Poe, il suffisait de regarder pour les voir - puisqu'ils étaient tous présents dans la presse, dans les récits qu'elle nous donnait chaque jour, semaine par semaine, des accidents mortels sur les chantiers de Dunkerque au cours du premier trimestre 1970. Le problème qui se posait, devant ces documents devenait bientôt: comment se fait-il que tout cela, qui est si manifestement visible, reste en même temps caché à la conscience de l'opinion?

 

Rendre claire une méthode de lecture allait donc être la tâche la plus urgente. Méthode en elle-même toute simple : elle consiste avant tout à "tout lire", à lire entièrement, à retenir la séquence précédente au moment où elle vient, dans la suivante, de se transformer, comme à son insu - en un mot : à maintenir présent sous les yeux du lecteur ce "bout-à-bout", au sens cinématographique du mot. Lire le bout-à-bout ou le "rush" des versions de la presse sur un accident donné, c'était se donner les moyens de voir apparaître soudain, à travers les tracés du langage, certains déplacements dangereux dans les forces réelles de la société.

 

4. Le point de départ, dans cette exploration, a été ironiquement un "fait de langage" : la lettre, adressée en août 1971 par un certain Lefol à Marcellin - la lettre d'un directeur de chantier au ministre des policiers. Cette lettre désignait quelqu'un nommément - Bernard Liscia - pour exiger qu'il soit mis hors d'état de nuire "définitivement". 

Un tel exploit dans le discours était au premier coup d'oeil comme ces tracés lumineux un peu trop irréguliers sur l'écran d'un laboratoire, qui permettent de déceler quelque chose exceptionnel éléments matériels ou les masses porteuses d'énergie. Il poussait inévitablement à la question : qu'y avait-il "là-dessous"?

Et d'abord quelles étaient les forces socales en présence?

 

5. La toile de fond ou plus exactement les données fondamentales, ici comme aillleurs, c'est l'année 1968. 

Dans le prolongement des grandes grèves de masse, en mai-juin 68, les éléments les plus actifs parmi les jeunes ouvriers, aux Chantiers de France-Dunkerque, constituent une Commission. "Jeunes" CGT-CFDT, regroupant syndiqués et non syndiqués. L'un de ses animateurs, venu de la CGT au point de départ, est Bernard Liscia. Auparavant étudiant, adhérent de l'Union des Jeunesses communistes marxistes-léinistes, celui-ci est entré aux Chantiers comme ouvrier dans le début de l'année 68. Il est licencié par la direction des Chantiers au milieu de l'automne : La Commission "Jeunes" CGT-CFDT se bat contre ce licenciement arbitraire. Après cette date, elle cessera de fonctionner, bien que des liens de camaraderie doivent subsister encore longtemps entre quelques-uns de ses membres.

 

6. Nous arrêtons ici ce prélude aux faits majeurs de l'Affaire Liscia, ou du cas Lefol" - de ce qui va devenir l'accusation redoutable et arbitraire portée par Lefol contre Liscia et,en retour, le Procès Liscia contre Lefol. ..

 


Nous reprenons la fin de la préface dans l'article suivant

(Les passages en gras l'ont été mis par linter)

 

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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 17:23

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Ci-dessous, un article (L'autre histoire, les fusillés de 1914-1918) parmi tous les articles que l'on a écrits, que l'on pourrait écrire, en ce 11 novembre 2010. 

 

11 novembre que l'on devrait garder!


Comme la journée

 des morts pour rien,

ou plutôt des morts pour le capital,

 

Comme un journée pour se souvenir toujours

que les guerres

ne servent que les puissants, les riches,

le capitalisme, l'impérialisme,

et pour que toujours et à l'avenir

nous refusions d'en être

 

Comme la journée pour se souvenir

de tous ceux qui refusèrent d'en être

qui le payèrent de l'emprisonnement, de leur vie

                                 Comme Rosa Luxemburg   

                      Comme Karl Liebknecht

 

    linter - 11 novembre 2010

 

D. Grange - Tardi - "Des Lendemains qui saignent" en Palestine

"Des lendemains qui saignent" de D. Grange et Tardi à La Maison des Mineurs de Lens

Non à la guerre, oui à la solidarité. Le spectacle de Dominique Grange/Tardi donné pour la libération des militants d'Action directe

Aux morts pour rien ...

  écouter Dominique Grange
Au ravin des enfants perdus


jeudi 11 novembre 2010

L' autre histoire : les fusillés de 1914 - 1918

 

Emile Lhermenier a été fusillé le 22 mai 1916 suite à un refus d’obéissance.

Jeudi 11 novembre 2010
une cérémonie aura lieu à Yvré l’Evêque à 10 heures 40 dans le cimetière.
Son nom sera gravé sur le monument aux morts 92 ans après la fin du conflit.

Mes démarches engagées en 2008 pour l'inscription d'Emile Lhermenier sur le monument de sa commune vont se terminer le 11 novembre prochain avec une cérémonie face au monument aux morts sur lequel son nom sera ajouté.

Mon objectif étant atteint, je vais m'occuper d'un autre fusillé :

Julien Brillant, Fusillé le 26 aout 1916 suite à un abandon de poste en présence de l'ennemi.

Le 15 juillet 1916 entre 18 et 19 heures alors que sa section se trouvait à découvert Julien Brillant a disparu.

Il a été vu le 16 juillet vers 9 heures et disait être malade.

Entre le 21 et le 25 juillet 1916, des hommes du 365ème Régiment d'Infanterie le virent caché dans une excavation d'un boyau, il était affamé et assoiffé.

Il réapparut dans son régiment le 28 juillet 1916 et comparut devant un conseil de guerre le 14 août 1916, fut condamné à mort et fusillé le 26 août 1916.

Les Blessures de l'âme

Eté 1914, instituteur dans un petit village de province, il prépare son départ pour la guerre.
Il passera quatre ans dans cet enfer à voir mourir de pauvres types. Quatre longues années pendant lesquelles lentement il va sombrer, cherchant le réconfort dans l’alcool.
Contrairement à Georges, son corps ne porte pas les traces de ses blessures ; lui, c’est son âme qui a été meurtrie.
Ni sa femme Lucie, ni son fils Jean, ni ses chères petites têtes blondes, ne pourront lui faire oublier, Soreau, Milcent, Bersod, Minard, André, François et bien d’autres camarades, morts à cause de cette guerre …

Eric Viot

Je suis membre d’une association de recherches et études historiques sur la vie des Bretons pendant la grande guerre, passionné par cette période et en particulier par le quotidien des Poilus pendant ce conflit.

Je travaille sur la première guerre depuis plus de 20 ans et j'ai donc choisi d'écrire ce roman en essayant d'être le plus proche possible de la réalité. Je posséde beaucoup de copies de carnets de soldats écrits pendant cette guerre qui sont une grande source d'informations. J'ai réalisé le crayonné de la couverture comme je l'avais fait pour l'édition précédente.

http://les-blessures-de-l-ame.over-blog.com/

N'hésitez pas à me contacter à l'adresse suivante :

viot-eric@orange.fr

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 18:47

Pour consulter le blog: linter.over-blog.com

 

"La nuit est absolument noire. Il faudrait éteindre les deux lampes pour chercher les étoiles. Mais le commutateur est dans la coursive derrière la porte.

 

Ils ont recouvert de minium les tubes du chauffage. Les tubes sont minces, leurs deux axes parallèles, horizontales, distantes d'une vingtaine de centimètres, courent, à faible distance du sol, à moins de dix centimètres du mur, le long de ce mur dans lequel est percée la fenêtre.

 

Il est facile par les tubes de passer sur l'appui de la fenêtre pour y lire l'après-midi au soleil, assis le dos contre la croix gammée, le pied gauche posé sur le coeur gravé.

 

- L'avantage des cigarettes roulées, c'est qu'elles s'éteignent. Tu fumes moins.

 

- Oui, mais le tabac bleu est dur.

 

Le cadre de la fenêtre est vétuste. La fenêtre, le bois en est aussi ancien que celui du cadre, est grande. Dans chacun des battants, douze vitres, trois séries verticales de quatre. La peinture grise du bois, sur la surface intérieure des battants, brisée en écailles poussiéreuses, sur la surface extérieure, emportée par la pluie, a disparu. Les verres sont opaques. La fenêtre n'a pas de crémone. Ils ont enfoncé une grande pointe dans le montant horizontal inférieur du cadre, ils l'ont recourbée. Pour maintenir la fenêtre fermée, il suffit de pousser la tête de la pointe vers le haut.

 

Tu as le numéro trente-huit mille cinq cent quarante et tu es dans la cellule cent vingt-trois.

 

 

Il est dix heures du soir. Tu introduis tes pieds nus dans tes espadrilles, tu marches sur le carrelage rouge, tu vas du ciel noir à la porte. Par le judas, tu regardes les balustrades vertes des coursives. L'éclairage est intense.

 

Le règlement de la prison collé sur la face intérieure de la porte, domine le judas.

 

Prisons de Fresnes, consignes permanentes auxquelles est astreint chaque détenu au réveil, défaire son lit, plier les draps et les couvertures dans les cellules, ils ont écrit avec une craie bleue, ils ont écrasé plutôt une craie bleue sur le papier, il est presque impossible de lire le réglement, triplées les paillasses seront rangées sur le lit mural, deux à plat, l'autre verticalement, le long du mur, (en forme de canapé), tu vois très bien la cellule en face de la tienne de l'autre côté de la fosse, derrière la balustrade, derrière l'autre balustrade, et les portes des deux cellules adjacentes de chaque côté mais tu ne parviens pas en plaquant la tempe gauche sur la porte à voir la troisième cellule à droite, il s'en faut d'un mètre, semble-t-il. Tu vois donc en tout quatre et une cinq, cinq portes en face de ta cellule de l'autre côté de la division, à la distribution du café les ordures seront sorties devant la porte de la cellule et ramassées par l'auxiliaire d'étage, le sol de la cellule sera lavé, les lavabos et W.C. nettoyés. Il est interdit, tu vois le sol du rez de chaussée jaune, et à peine, la balustrade du deuxième étage. Tu vois des parois lisses peintes en jaune, des balustrades peintes en vert. Au rez de chaussée, vers la droite, une des portes est peinte en vert épinard, il est interdit un, de s'asseoir sur les fenêtres, de jeter quoi que ce soit à l'extérieur, de suspendre les objets de literie dehors, deux, de chanter et crier, de se livrer à tout trafic, trois, de coller des papiers sur les murs des cellules, tout contrevenant aux présentes instructions fera l'objet d'une sanction disciplinaire, Fresnes, le dix-neuf mai mille neuf cent soixante, le directeur.

 


Cet extrait est tiré de l'ouvrage de Robert Davezies Les abeilles, qui parle de la lutte pour leur libération des Algériens et de la prison.


Les éditeurs soulignent le langage inventé par R. Davezies dans ce livre et et qui est très sensible, dans cet extrait. Et pourtant ce langage inventé trouvera, nous en sommes sûrs sa résonance chez tous ceux qui aujourd'hui encore ont connu ou connaissent la prison ou qui soutiennent les prisonniers dans leur combat.


Robert Davezies a été arrêté et est passé devant un tribunal militaire en janvier 1962.

Quand on s'aventure sur "google" pour rechercher des articles sur Robert Davezies, la première mention est une note réjouie d'un site parachutiste lors de son décès en! 2008! Preuve s'il en est que ce combat leur fut insupportable, qu'il fut exemplaire et reste important. Robert Davezies, lui, est resté fidèle à ses engagements et solidaire d'autres combats jusqu'à son dernier souffle.

 

Les Abeilles est paru aux Editions de Minuit, dans la collection Les jours et les nuits, en 1963. Les Editions de Minuit qui firent tant dans ce combat pour faire connaître, à leurs plus grands risques, les textes et les témoignages comme ceux d'H.Alleg ou de R. Davezies.

 

Pour le 1er novembre 2010 - linter


  Cheyrou-Bourge-a-Fresnes-3ddad.jpg

Fresnes sur le site réfractairesnon violentsà la guerre d'Algérie


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Militants d'AD

Situation des  MILITANTS

Nathalie Ménigon

Georges Cipriani

en libération conditionnelle

Jean-Marc Rouillan

en semi-liberté 

NOS COMBATS

(avril 2010)

Après la semI-liberté de Georges Cipriani, la campagne continue pour la libération de Jean-Marc Rouillan
et encore et toujours  
Pour une solidarité avec ces militants en semi-liberté, en libération conditionnelle et au-delà car le but reste le même: leur permettre de préserver leur identité politiqe et de vivre matériellement, politiquement.

(septembre 2008)

Contre le risque de peine infinie pour les prisonniers révolutionnaires - contre la rétention de sûreté - contre le CNO
Pour une libération complète et sans condition des prisonniers révolutionnaires
Pour une solidarité avec ces militants en semi-liberté, en libération conditionnelle et au-delà car le but reste le même: leur permettre de préserver leur identité politiqe et de vivre matériellement, politiquement.

  (août 2009)


Le combat pour la libération des prisonniers d'Action directe doit donc continuer et se renforcer ...
Après la réincarcération de Jean-Marc Rouillan, nous avons appris ce 20 août, le refus brutal et tellement politique de la libération conditionnelle pour Georges Cipriani.

Alerte: La santé, la vie de Jean-Marc Rouillan sont menacées, il doit être libéré.
Liberté pour Georges Cipriani'

C. GAUGER ET S. SUDER

PROCES CONTRE C. GAUGER ET S. SUDER

Pour suivre le procès : lire

 

LIBERATION DE SONJA SUDER

EMPRISONNEE DEPUIS SEPTEMBRE 2011 POUR DES FAITS REMONTANT A PLUS DE TRENTE ANS ET SUR LES SEULES ACCUSATIONS D'UN TEMOIN REPENTI HANS-JOACHIM KLEIN.

 

ARRET DES POUSUITES CONTRE CHRISTIAN GAUGER ET SONJA SUDER

ENGAGEES AU MEPRIS DE TOUTE PRESCRIPTION

SUR LES SEULES BASES DE DECLARATIONS OBTENUES SOUS LA TORTURE D'UNE PART ET D'UN REPENTI D'AUTRE PART

 

NON A LA TORTURE - NON A LA CITATION COMME TEMOIN D'HERMANN F.

Militant grièvement blessé en 1978, interrogé dès le lendemain d'une opération où il a perdu ses deux yeux et a été amputé des deux jambes, séquestré durant quatre mois sans mandat d'arrêt par la police, maintenu à l'iolement, et dont le tribunal prétend aujourd'hui utiliser les déclarations, qu'il a remis en cause dès qu'il a qu'il a pu être libéré des griffes des policiers.

 

LIBERATION DE SIBYLLE S., ARRETEE LE 9 AVRIL EN PLEIN PROCES POUR REFUS DE TEMOIGNER :

 

condamnée il y a plus de trente ans sur la base des déclarations de son ex-compagnon Hermann F., elle est restée proche de lui toutes ses années et refuse qu'on utilise ces déclarations qui lui ont été extorquées au prix de traitements inhumains.

 


Liberté pour Sibylle et Sonja 2