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A la suite de la publlication d'un article sur le site "legrandsoir", sur la situation de prisonniers noirs américains, trente-cinq années après leur arrestation pour certains, nous avons entamé la publication des textes publiés en 1983 dans l'Internationale: ici la déclaration d'Hermann Bell, membre de la Black Liberation Army. Elle est précédée de la présentation du dossier par le journal.
"Luttes révolutionnaires aux USA, les Noirs américains". Du dossier de linter en 1983 à l'article sur le site "legrandsoir"
Document 1: Présentation du dossier de l'Internationale
Il y a deux Amériques*
L'une érigée sur le génocide, l'esclavage, et aujourd'hui, l'exploitation capitaliste.L'autre qui lutte pour sa vie, sa
libération, et aujourd'hui souvent, pour une société socialiste, libérée de toute exploitation du capitalisme.
La première est l'Amérique qui a pratiquement exterminé toute la population aborigène (natif): les Indiens qui maintenant s'organisent pour lutter contre l'Amérique triomphante. L'Internationale en parlera dans un prochain numéro.
C'est l'Amérique qui a enlevé d'Afrique et importé comme du bétail d'autres hommes et qui a bâti une grande partie de sa richesse sur l'esclavage: "le capital arrive, suant le sang et la boue par tous les pores ... Il fallait pour piédestal à l'esclavage dissimulé des salariés en Europe, l'esclavage sans fard dans le Nouveau Monde.", disait Marx., en montrant comment le travail esclaver pouvait se transformer en capitaL. Les scènes de rapt et de vente sont toujours dans nos mémoires et nous feront toujours vomir.
C'est l'Amérique qui exploite sur son sol des minorités diverses qui ont été contraintes à l'exil et qui forment avec les Indiens et les Noirs la plus grande partie du prolétariat des USA. Nous avons publié dans le numéro 1 de l'Internationale des textes de la lutte portoricaine.
De l'autre Amérique, les Noirs sont une force essentielle. Il faut dire qu'ils forment la communauté la plus importante - plus de 25 millions pour une population de 200 millions d'habitants - la plus ancienne après les Indiens - et qu'ils sont exploités au plus haut point: 72% des jeunes Noirs sont au chômage. La mortalité infantile est telle que vue sous cet angle, l'Amérique noire se classe parmi les pays sous-dévelopés. Il en est de même si l'on considère le taux d'analphabétisme et le niveau de vie (si l'on peut encore parler de niveau dans la mesure où une partie de la population vit en deça du revenu minimal).
Quant aux prisons, plusieurs centaines de milliers de jeunes la connaissent sous les formes prévues pour les jeunes de 8 à 15 ans et les centres pénitentiairess sont remplis des "frères" de Jackson.
Mais les Noirs américains ne sont pas les éternelles victimes. Bien au contraire. Depuis les luttes contre l'esclavage jusqu'aux luttes d'aujourd'hui, et en particulier de la Black Liberation Army - dont nous publions aujourd'hui les textes - les révoltés des prisons et des ghettos, les Noirs sont à la pointe des combats dans les Etats-Désunis
Ainsi , lors de la guerre du Vietnam, ils ont été les premiers à lutter contre celle-ci. Et la BLA, poursuivant cette tradition, ne manque jamais de se référer aux luttes portoricaines, chicanos ou indiennes.
Les Black Panthers ont constitué le moment le plus important de l'organisation de la lutte des Noirs américains. Ils avaient pour but l'autodéfense et l'organisation des ghettos. Pour détruire cette organisation, l'Etat américain a employé toutes ses forces, 38 dirigeants ont été assassinés, 100 sont emprisonnés. Mais les Black Panthers restent un moment essentiel des luttes dans le monde. Le BPP, c'est aussi Jackson, arrêté pour vol, condamné à la prison, pour un an ou à vie, et qui a passé onze ans en taule pour 80 dollars avant d'être assassiné.... parce qu'il était un révolutionnaire. Et, c'est Jonathan, tué pour avoir libéré son frère dont il comprenait l'engagement politique.
Aujourd'hui, certains voudraient voir la lutte des Noirs américains intégrée à la lutte parlementaire. Même le Monde diplomatique ne parle dans son récent dossier que de "la marche dans les institutions";
En fait, la lutte des Noirs, c'est encore et toujours la révolte, dans la tradition des luttes anti-esclavagistes, des révoltes des taules et des ghettos.
Et c'est aussi la lutte de la Black Liberation Army et la revendication de la nation noire. En 1968 se créait en effet le gouvernement provisoire de la Nouvelle Afrique qui revendiquait cinq Etats du Sud: la Louisianne, le Mississipi, ll'Alabama, la Géorgie et la Caroline du Sud. Ce gouvernement lutte pour une Afrique nouvelle, indépendante et socialiste.. Il soutient le mouvement d'indépendance portoricain et les luttes dans les territoires annexés à la frontière mexicaine; Cette revendication a son origine dans l'histoire même de l'esclavage et des luttes contre celui-ci. Elle est reprise par les militants les plus conséquents et liée à l'aspiration à la libération et donc à la libération même du capitalisme. Les textes publiés dans ce deuxième dossier sur les luttes des révolutionnaire aux USA doivent permettre de mieux comprendre les idées, la pratique, l'histoire et les militants de cette organisation qui se définit dans la continuité de la lutte des Blacks Panthers.
"Je me conçois comme un Noir et un Africain, mais je ne serai pas content de moi tant que je ne serai pas devenu un vrai communiste, un vrai révolutionnaire ..." Jackson
* Nous n'employons ici le mot Amérique, mot abusif pour désigner les USA, que par commodité de formulation.
Document 2: Déclaration de Hermann Bell
Pour commencer, je suis membre de libération noire (BLA).
Une répression brutale menée par les fonctionnaires fédéraux a presque complètement détruit le Parti des Panthères noires. (BPP) et la conséquence de cela est l'apparition de la BLA, qui a en quelque sorte succédé au BPP; on peut dire aussi que de cette façon les anciennes Black Panthers revivaient. La ligne politique est très semblable à celle du Parti des Blacks Panthers.
Ce qui est caractéristique de la Black Liberation Army, c'est que c'est un front militaire et politique. Militaire dans le sens que nous exerçons nous-mêmes notre défense à l'intérieur de la communauté contre les attaques policières racistes ou colonialistes contre les Noirs. Dautre part, nous voyons dans la lutte armée le seul moyen de pouvoir obtenir avec les Noirs et les pauvres en général leur libération. Les Noirs des USA veulent obtenir leur indépendance économique et politique et ils veulent se débarrasser une fois pour toutes de l'impérialisme américain et de sa domination coloniale.
Tout comme auparavant les Blacks Panthers, nous voulons être responsables nous-mêmes et dans le cadre de la communauté, de notre environnement et en même temps nous libérer de tous les parasites qui se sont engraissés en exploitant notre peuple. Les capitalistes qui ont pris tout ce qui avait de la valeur dans notre communauté et ne nous rendent rien; qui ont fait de notre peuple un peuple de mendiants, et qui le confinent dans des lieux où il est impossible de vivre. De même, cette relation économique faussée est la cause de la terrible misère des Noirs, qui s'exprime de la manière la plus claire, par les meurtres de Noirs par des Noirs et par la prostitution des femmes. D'autres caractéristiques de cette situation coloniale fausse sont les conditions de logement insupportables, les mauvaises conditions de soin, les institutions scolaires inadéquates, de même qu'un chômage chronique, etc. Tout ceci crée des conditions de vie précaires et inacceptables pour la colonie noire.Et ce qui est le plus dangereux, ce sont les forces de police colonialistes qui patrouillent dans notre communauté au nom de l'ordre capitaliste. Du fait de leur fonction particulière et de leur mode brutal d'intervention dans notre communauté, le nom de porcs qui les qualifie est tout à fait adéquat. Nous les ressentons comme une armée d'occupation dans notre communauté et la communauté noire est une colonie. Ces forces stationnent dans la communauté noire pour réprimer la rebellion, pour protéger la propriété des colonialistes et pour intimider les Noirs et les pauvres en général. La police et le système judiciaire travaillent pour le maintien de la division sociale injuste existante, entre possédants et pauvres, entre la classe capitaliste dominante et la classe ouvrière.
Vue comme cela, l'accusation de hold up portée contre moi prend une signification plus profonde, parce que nous sommes décidés, nous, membres de la Black Liberation Army, à débarrasser notre communauté de tous les parasites et de tous les rapaces qui vivent aux dépens de notre peuple et qui ne produisent rien. Et nous sommes prêts à employer tous les moyens, y compris la lutte armée, pour confisquer et exproprier les capitaux acquis illégalement ... La Black Liberation Army mène la guerre contre l'Etat capitaliste sous la forme de la guérilla urbaine. A la suite de la campagne contre-insurrectionnelle du gouvernement, beaucoup de camarades ont été tué(e)s ou fait(e)s prisonnier(e)s. Beaucoup d'autres ont été contraint(e)s à rentrer dans la clandestinité.
J'ai été arrêté le 2 septembre 1973, en raison d'un mandat d'arrêt émis contre moi pour hold up et le meurtre de deux policiers coloniaux. Je vivais dans la clandestinité et le seul fait qui mena à mon arrestation est la torture brutale exercée contre trois camarades prisonniers au quartier-général de la police de New Orléans. Le Département de la police de New Orléans, le FBI, le Département de police de New York et le Département de police de San Fransisco - tous ont pris part à l'arrestation et à la torture de mes camarades et ils apprirent où je me trouvais. Laissez-moi vous dire: la torture physique est en soi toujours douloureuse, mais elle est vraiment inhumaine quand on attache un "cattle prod" à vos organes génitaux ou quand on enfonce sans cesse dans votre pénis une aiguille à coudre. Et pouvez-vous vous imaginer la tête recouverte d'un sac sale, fermé au niveau du cou et comme point culminant, que l'on enfonce un objet inconnu dans la gorge jusqu'à ce que vous vomissiez, tout cela accompagné de coups brutaux et ce durant toute une semaine.et ce n'est là qu'une partie de ce que les policiers, qui ne font qu'appliquer la loi, ont fait subir à mes camarades dans le quartier-général de la police de New Orléans, pour savoir seulement où je me trouvais.
Après mon arrestation, ils m'ont interrogé au quartier-général de la police. Cela n'aurait aucun sens, et ce serait me répéter que de décrire comment j'ai été traité là-bas. Je peux simplement dire que les tortures qui me furent infligées ont encore dépassé en cruauté celles infligées à mes camarades. Ils tremblaient d'excitation de pouvoir me toucher.;
Finalement, j'ai été enlevé de la prison de New Orléans par le Marshall fédéral et conduit à New York au mépris le plus total de mes soi-disants droits garantis par la constitution d'être entendu dans le cadre d'une procédure d'extradition. A New York, j'ai été accusé du meurtre de Waverly Jones et de Joseph Piagentini, deux policiers coloniaux particulièrement brutaux travaillant dans la communauté noire. L'Accusation triompha. C'était comme si le Parquet, pendant que la police me recherchait, lui avait donné un chèque en blanc pour présenter ses trois témoins vedettes - des dénonciateurs payés qui travaillaient depuis trois mois pour elle. C'était des témoins professionnels et le prix de leurs services - cela a été admis par le Parquet - se montait à 400 000 dollars. Avec des témoins très bien payés, un juge choisi et un juge qui était du côté de l'Accusation, la question n'était pas de savoir si j'allais être condamné, mais à quelle rapidité cela allait se passer. Mais malheureusement, dans le jury, il y avait quelques âmes courageuses et sincères qui se refusèrent à se laisser abuser par les larmes de crocodiles et les plaintes simulées du Département de la Police ou par les menteurs rétribués, bien que le Parquet parlât d'eux en termes élogieux et donnat d'eux l'impression qu'ils étaient nés pour ce boulot. Grâce au courage et au sens de l'honneteté des membres du jury, le procès se termina sans résultat. Ils refusèrent tout simplement de me condamner et c'est ainsi qu'un deuxième procès commença. Entre-temps je fus emmené à San Fransisco et accusé de hold up.
Lorsque j'arrivai au tribunal, on me proposa une transaction: quinze années si je me reconnaissais coupable, sinon je risquais une peine maximale de vingt-cinq ans. Ma réponse fut que l'on cherche douze membres pour le jury et que l'on recommence. C'est ce que l'on fit et l'on trouva même un juré noir pour montrer qu'ils n'étaient pas racistes. Les autres étaient blancs et des classes moyennes.. Le Parquet se donna encore deux fois plus de mal pour donner l'impression qu'il était "beau joueur";
Mais après qu'ils m'aient recherché pendant trois ans, les témoins de l'Etat n'avaient plus des faits et des visages que des souvenirs confus. C'est pourquoi le Parquet avait fait asseoir tous ses témoins sur le dernier rang dans la salle du tribunal lorsque j'apparus, pour être absolument sûr qu'ils puissent m'identifier comme l'un des auteurs du hold up. Naturellement après un procès aussi honnête, je fus condamné à vingt-cinq ans de prison. Lorsque cette procédure fut terminée, les services de New York m'attendaient pour un autre tour devant les tribunaux. Je fus condamné avec mes deux camarade de la Black Liberation Army, Albert Washington et Anthony Bott pour le meurtre des deux policiers Jones et Piagentini à deux fois vingt-cinq ans de prison, avec la clause supplémentaire que nous ne pourrions bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après vingt ans complets passés en taule. Nous avons été condamnés à New York, dans une véritable atmosphère de lynchage. La presse de Rockfeller criait "à la mort" pour la Black Liberation Army et à la prison à perpétuité pour nous, "assassins" de policiers et "terroristes". Ils espéraient que les gens et en particulier les Noirs, croiraient que nous frappions aveuglément au lieu de frapper seulement les porcs qui sont responsables de notre exploitation et ceux qu font leur sale boulot de soldat comme Jones et Piagentini.
Je pense qu'il est clair pour la plupart des Noirs que nous sommes les victimes permanentes d'une conspiration nationale qui viole nos droits humains et constitutionnels et notre droit à l'autodétermination politique et économique.Parce que le travail, ou au moins l'espoir de travailler est un élément essentiel pour discipliner la plus grande partie de la population et parce que les Noirs sont exploités par des structures économiques et sociales actuelles aux Etats-Unis, la réponse des Noirs à cette injustice flagrante de la présence d'une armée coloniale (sous la forme des départements de police) qui contrôle la colonie noire et la tient en échec, est nécessaire. Mais, ni l'armée la plus puissante équipée des armes les plus sophistiquée, ni les lois les plus répressives ne peuvent nous arrêter sur le chemin de la liberté ... vers l'indépendance économique et sociale totale. Ce serait un mensonge de dire que le peuple noir et le département de la police politique ont quelque chose de commun. J'aimerais terminer par une citation du livre de James Baldwin "The fire next time"
"En tout cas, les Blancs qui ont volé leur liberté au peuple noir, et qui ont profité de ce vol à chaque minute qu'ils ont vécu, n'auraient pas un point de vue moral. Ils avaient des juges, des jurés, des armes, la loi, en un mot le pouvoir. Mais ce n'était qu'un pouvoir criminel que l'on craint mais que l'on ne peut respecter et que l'on doit tromper de toutes les façons possibles.".
Publié le 1er mai 210