Vous n'avez pu échapper
Vous n'avez pu échapper au matraquage médiatique après l'interview de Jean-Marc Rouillan
Vous n'avez pu échapper à l'interprétation des médias: "il ne condamne pas les actions passées d'Action directe"
Vous n'avez pu échapper en fait à l'interprétation du parquet diffusée jusqu'à plus soif sur tous les grands médias.
Ou bien vous faites partie de ceux qui se disent mais pourquoi s'est-il mis dans cette galère? Pourquoi ne pas se taire et patiemment attendre?
Ou de ceux qui sont atterrés mais ne comprennent pas et veulent comprendre.
Mais si vous prenez le temps
Mais si vous prenez le temps de la lecture de l'interview,
De la réflexion sur ce qui s'est dit et fait depuis 10 jours,
De l'analyse
de l'action du parquet et du pouvoir depuis plus de vingt ans
du rôle des médias dans ce réemprisonnement
de tous les acteurs de la société dominante
de ce que représente parler aujourd'hui de révolution
des raisons qui font que l'on veut empêcher Jean-Marc Rouillan de parler
Ou si conscient des conséquences démesurées de cette interview pour la liberté d'un homme
Vous voulez comprendre ce que nous pouvons dire et faire.
Tout d'abord les faits: depuis leur arrestation, l'acharnement du pouvoir contre les militants d'Action directe n'a jamais cessé. Les juridictions d'exception se sont multipliées dès le premier jour.
Mise en place d'une juridiction spéciale pour le procès
Conditions de détention marquées par l'isolement
Et aujourd'hui, une juridiction spéciale : le juge d'application des peines compétent en matière de terrorisme
Nous dénoncions. Nous craignions les dérives. Nous n'imaginions pas avoir raison de façon si dramatique. Déjà les audiences car il s'agissait bien de cela, avaient tout d'un nouveau procès et déjà la pression sur les prisonniers révolutionnaires était énorme, et déjà la pression était sur ce qu'ils disaient ou ne disaient pas. C'est devant cette juridiction que sont passés Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan et devant cette juridiction que doivent passer prochainement Georges Cipriani ou Georges Ibrahim Abdallah, Régis Schleicher. Et c'est bien cette juridiction qui a "octroyé" la semi-liberté à Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan. Octroyé puisqu''on peut la reprendre. Octroyé parce que c'est une décision politique, subjective, dont les motivations échappent de fait au "droit".
Une semi-liberté particulièrement restrictive
Ce long parcours d'exception s'est poursuivi par une semi-liberté marquée par deux mesures principales qui permettaient d'exercer des pressions importantes sur ces prisonniers: liberté de déplacement et d'expression très réduite.
Pour Jean-Marc Rouillan, cette semi-liberté a été en fait un seul et unique semi-emprisonnement : à deux mois de sa conditionnelle, il n'avait eu que trois autorisations de dormir ailleurs qu'en prison! Ceux qui connaissent mal toutes ces mesures juridiques, mesurent mal l'acharnement que cela signifiait en comparaison de ce qui se fait habituellement : la semi-liberté est une mesure d'aménagement de peine, une préparation à la conditionnelle, elle s'accompagne normalement de périodes de plus en plus longues où les prisonniers ne regagnent par leurs cellules. Cela témoignait déjà d'un traitement particulier et pouvait faire craindre pour la volonté réelle du pouvoir d'accorder cette libération conditionnelle. Et sur le prix à payer pour l'obtenir.
L'interview
Les faits encore. Vient donc l'interview.
Elle porte sur les analyses politiques très générales. Jean-Marc Rouillan y répond sur son engagement d'aujourd'hui, ses choix politiques. Nous ne reprenons pas ici ce que nous avons suffisamment démontré : Jean-Marc Rouillan n'a pas enfreint les conditions de la semi-liberté. Il a simplement apporté sa réflexion comme chacun d'entre nous peut le faire sur la lutte politique à mener. Ces propos auraient pu être dits par d'innombrables militants.
A peine l'interview publiée, le parquet réagit et c'est à la réaction du parquet et sur les bases de ce que celui-ci affirme que "l'information" se développe, enfle et prend l'aspect d'une condamnation de Jean-Marc Rouillan. Peu de journalistes résisteront à ce raz de marée.
Alors la responsabilité des médias apparaît. Que le parquet veuille les prisonniers d'Action directe réduits au silence ou emprisonnés, cela est clair et dans la terrible logique des choses. Que les médias se prêtent au jeu, qu'ils ne se donnent pas la peine d'une information précise, différenciée, en est une autre. Ils se conduisent ainsi en auxiliaire du parquet et du juge qui peut prendre en toute quiétude sa décision. Ils condamnent par les mots à la prison. Imaginons simplement ce qui se serait passé si l'information avait été autre. Si on avait dit à longueur de journaux télévisés, d'émissions de radio ce qui est la réalité de cette interview. L'emprisonnement de Jean-Marc Rouillan aujourd'hui serait-il possible?
Les attendus de la décision du juge d'application des peines de lever la mesure de semi-liberté (lire)
Là encore, les faits. Quel motif donne le juge pour lever la mesure de semi-liberté. Une seule et unique: que Jean-Marc Rouillan ne puisse plus communiquer avec les médias, que communiquer avec eux serait un motif de trouble à l'ordre public.
A quoi pouvait-on s'attendre? Que les journalistes s'indignent au minimum d'être le prétexte d'une telle décision. Qu'ils n'acceptent pas que ceux qui acceptent de leur parler risquent leur liberté.
Peu l'ont fait. Le feront-ils maintenant que Jean-marc Rouillan se retrouve emprisonné. Nous l'espérons.
Est-ce la réflexion d'un homme, de cet homme qui gêne ?
Enfin dernier élément qui nous concerne tous. Peut-on aujourd'hui parler de révolution, dire qu'une classe dominante exploite les hommes, que le combat politique est nécessaire, que l'on ne peut exlure des phases de violence révolutionnaire. Certainement. Car sinon, combien devrait-on emprisonner aujourd'hui de penseurs, de militants?
Mais Jean-Marc Rouillan a-t-il lui le droit d'exprimer ces analyses? On voit bien que la réponse est négative.
Car la lecture de l'interview est pourtant claire. Que dit-il? Il y explique les raisons de son engagement dans un parti légal, ce qu'il en attend, comment il veut s'y inscrire et aussi les conditions de cet engagement.
N'était-ce pas logique qu'il soit pour lui important d'expliquer comment il voit aujourd'hui la lutte et l'histoire, et ses décisions.
Et n'est-ce pas justement ce qui gêne le pouvoir, que cette volonté de réflexion d'un homme que l'on présente comme sans réflexion?
N'est-ce pas ce que craint le pouvoir : cette volonté et cette capacité politique d'un militant qui reste emblématique?
En fait, un déni de justice. Les motivations de la révocation en droit ne tiennent pas. Jean-Marc Rouillan n'a pas enfreint les règles qui ont conduit à la semi-liberté.
Un déni de liberté et d'honnêteté médiatique : une leçon limpide et terrible de la manipulation des mots et des faits par une grande partie des médias, leur lien avec l'idéologie dominante et leur responsabilité.
Un moment du combat du parquet, du pouvoir et des classes dominantes contre des militants qu'ils ne veulent pas voir libres.
L'expression de la peur d'un pouvoir qui craint leur réflexion politique, surtout si elle est différenciée et précise, dans une situation où il lui est important de brouiller les lignes de la compréhension de ce qui se passe et de ce qui se vit par ceux qu'il exploite et opprime
C'est surtout de terribles conséquences humaines: Jean-Marc Rouillan après plus de vingt d'emprisonnement se retrouve de nouveau confronté aux conditions de la prison pour des raisons qui ne le justifient pas. L'incertitude est complète sur la suite car les raisons de cette révocation ne tenant pas, il est difficle de s'imaginer ce qui va se passer.
Aujourd'hui, c'est clair, nous avons un mois, chacun d'entre nous, pour nous mobiliser. Si nous ne l'avons pas encore fait. Pour prendre le recul nécessaire et comprendre les raisons de cette révocation. Un mois pour travailler ensemble à tous les niveaux, là où nous sommes :
. Dans le système judiciaire, parce que nous avons pris conscience de l'absence de motivation juridiques
. Dans le monde des médias, parce que nous n'acceptons pas qu'un homme soit en prison pour une interview qui ne présente aucun motif d'emprisonnement
. Militants de tous les combats, parce que Jean-Marc Rouillan n'a rien dit et fait d'autre que ce que nous faisons et disons pour lutter contre l'exploitation et l'injustice
. Tous, parce que nous savons et comprenons ce que peut signifier ce réemprisonnement total après vingt ans de détention. Parce que nous sommes conscients des risques sur sa libération conditionnelle.
. Tous, parce que nous savons que la décision en appel est essentielle et que nous sommes conscients qu'elle n'est pas jouée d'avance.
linter, le 17 octobre 2008
1) Rappelons que Joëlle Aubron, de même, n'avait pu obtenir une libération pour raison de santé qu'après un long combat et que ses 18 mois de "liberté" jusqu'à sa mort ont été marqués par les mêmes mesures particulièrement restrictives de déplacement, de parole et des propos particulièrement intolérables du pouvoir.