SONJA SUDER EST LIBRE Procès C. Gauger, S. Suder: Une page pour s'informer
PALESTINE - Une carte à ne jamais oublier
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
Cet article a été publié le 21 juin 2011. Il donne une analyse précise et circonstanciée de ce mandat particulièrement grave tant par son principe que dans ses applications possibles. La libération d'Aurore Martin par des militants basques met une nouvelle fois en évidence l'importance de la mobilisation contre une loi si inique qu'ellei ne laisse pratiquement d'autre voie que l'insoumission..
Un acte de résistance. Des militants basques empêchent l’arrestation d’Aurore Martin.
En solidarité avec les prisonnières et prisonniers basques.
Points essentiels:
Le mandat d'arrêt européen est désormais applicable dans les relations judiciaires entre la France et tous les Etats de l'Union européenne.
Dans le cadre de la procédure de mandat d'arrêt européen, peuvent être réclamés à la France non seulement des étrangers mais aussi des personnes de nationalité française.
Il peut être décerné pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté.
Des délais de procédure sont prévus mais, jusqu'à présent, aucun n'a été considéré comme prescrit à peine de nullité. Le mandat d'arrêt européen est diffusé selon des règles souples qui assurent la fiabilité des renseignements transmis, sans formalisme inutile.
La chambre de l'instruction, avant d'ordonner l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, a un certain nombre de points à vérifier. Elle doit, notamment, s'assurer que l'infraction pour laquelle la personne est demandée est incriminée en droit français ou figure sur la liste des infractions dispensées de cette obligation. Elle doit examiner, ensuite, s'il existe, en l'espèce, un cas de refus obligatoire ou facultatif de mise à exécution du mandat.
La chambre de l'instruction rend un arrêt donnant acte de l'acceptation de la personne réclamée ou un arrêt ordonnant ou refusant sa remise à l'Etat requérant.
*********
L'objectif du mandat d'arrêt européen, tel qu'il résulte de la Décision-cadre du Conseil européen du 13 juin 2002, était de substituer à la procédure antérieure d'extradition une procédure plus rapide, ne comportant plus de phase administrative.
Le mandat d'arrêt européen, fondé sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales entre les Etats membres de l'Union européenne, permet qu'une personne, recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté par l'autorité judiciaire d'un autre Etat partie et arrêtée en France, soit remise à celle-ci sur décision de l'autorité judiciaire française, selon les conditions et modalités prévues par les articles 695-11 et suivants du code de procédure pénale, introduits par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.
En France, la compétence a été donnée aux chambres de l'instruction pour statuer sur les demandes de remise présentées par les autorités judiciaires d'un autre Etat partie pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, sous le contrôle de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce contrôle est plus important que celui exercé en matière d'extradition puisqu'il s'agit pour celle-ci de vérifier non seulement l'absence de vices de forme "de nature à priver la décision de la chambre de l'instruction des conditions essentielles de son existence légale", mais aussi l'existence des conditions légales d'exécution du mandat d'arrêt européen.
Cette nouvelle institution a pris un rapide essor, d'autant plus que la chambre criminelle a admis qu'alors qu'une procédure d'extradition avait été engagée mais non menée à son terme, aucune disposition n'interdisait d'accepter, pour les mêmes faits, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen (Crim., 15 mars 2005, Bull. crim. 2005, n° 88, p. 315, pourvoi n° 05-81.107).
Sans reprendre l'ensemble du dispositif juridique, il importe de faire le recensement des principales règles à suivre pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.
L'innovation de principe la plus marquante introduite à l'occasion de la création du mandat d'arrêt européen est celle qui permet la remise, à un autre Etat de l'Union européenne, de personnes de nationalité française. Cette disposition, qui entre dans le cadre de l'article 112-2 2° du code pénal, est d'application immédiate, même si elle aggrave le sort de la personne réclamée (Crim., 5 août 2004, Bull. crim. 2004, n° 186, p. 679, pourvoi n° 04-84.529 ; Crim., 23 novembre 2004, Bull. crim. 2004, n° 293, pourvoi n° 04-86.131).
Seront successivement étudiées les règles de procédure à suivre en matière d'exécution du mandat d'arrêt européen, les règles que doit appliquer la chambre de l'instruction puis la nature de la décision rendue par celle-ci.
I - Règles de procédure
A - Délais à respecter
La loi a prévu des délais à différents stades de la procédure.
C'est ainsi que la personne appréhendée en vertu d'un mandat d'arrêt européen doit être conduite devant le procureur général dans un délai de quarante-huit heures (article 695-27 du code de procédure pénale). Il n'a pas été statué par la chambre criminelle sur les conséquences du non-respect de ce délai, mais il semble que si la retenue de la personne pendant ce délai n'est pas fondée sur une autre cause que la mise à exécution du mandat d'arrêt européen, elle devra être libérée à l'issue du délai, sa privation de liberté ne reposant plus sur un fondement légal.
On peut aussi retenir que le délai de six jours ouvrables après l'arrestation, prévu par l'article 695-26 du code de procédure pénale pour la réception de l'original ou de la copie conforme du mandat d'arrêt européen, n'est pas prescrit à peine de nullité (Crim., 28 juin 2005, pourvoi n° 05-83.393).
La personne recherchée doit ensuite comparaître devant la chambre de l'instruction dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de sa présentation au procureur général (article 695-29 du code de procédure pénale).
Le délai de cinq jours minimum entre la date de convocation des parties et celle de l'audience devant la chambre de l'instruction, prévu par l'article 197 du code de procédure pénale, n'est pas applicable en la matière (Crim., 14 septembre 2005, Bull. crim. 2005, n° 228, p. 811, pourvoi n° 05-84.551). La seule obligation à respecter est que l'avocat de la personne réclamée ait été prévenu de la date d'audience suffisamment tôt pour permettre l'exercice des droits de la défense.
Avant de statuer sur le fond, la chambre de l'instruction peut demander des informations complémentaires, qui doivent lui être adressées dans le délai maximumde dix jours (article 695-33 du code de procédure pénale). Ce délai n'est toutefois pas prévu à peine de nullité (Crim., 21 juillet 2005, pourvoi n° 05-84.058).
Lorsque la chambre de l'instruction a tenu son audience, à laquelle la personne réclamée a comparu, elle statue dans un délai de sept jours à compter de cette comparution si la personne consent à sa remise et dans un délai de vingt jours dans le cas contraire (article 695-31 du code de procédure pénale). Le non-respect de ce délai paraît devoir entraîner la mise en liberté de la personne réclamée.
L'arrêt de la chambre de l'instruction est susceptible d'un pourvoi en cassation dans un délai de trois jours francs (article 568-1 du code de procédure pénale).
Enfin, l'article 695-37 prévoit que la personne est remise à l'autorité requérante dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle la décision est devenue définitive, ce délai étant prolongé de dix jours en cas de force majeure et l'intéressé détenu étant libéré en cas de dépassement de ces délais.
B - Procédure devant la chambre de l'instruction
L'audience sur le fond à l'issue de laquelle la chambre de l'instruction doit statuer sur l'exécution d'unmandat d'arrêt européen est publique sauf si elle a, par une décision prise dans les conditions prévues par l'article 695-30, estimé que la publicité était de nature à nuire au bon déroulement de la procédure, aux droits des tiers ou à la dignité de la personne (Crim., 18 décembre 2006, Bull. crim. 2006, n° 319, p. 1184, pourvoi n° 06-88.419).
Les débats sur une demande de mise en liberté de la personne recherchée se déroulent dans les mêmes conditions que dans le cadre de l'instruction préparatoire, en application del'article 199 du code de procédure pénale tel qu'il résulte de la loi du 5 mars 2007, auquel renvoie l'article 695-34. Ainsi, le principe est que le débat est public et que l'arrêt est rendu en audience publique. Toutefois, les débats se déroulent en chambre du conseil et l'arrêt est rendu dans les mêmes conditions si la chambre de l'instruction fait droit à une demande en ce sens du ministère public, de la personne mise en examen ou de la partie civile dans le cas où elle estime que la publicité porterait atteinte à l'un des intérêts protégés, énumérés à l'article 199. Ces règles s'appliquent également aux audiences concernant la mainlevée ou la modification du contrôle judiciaire (article 695-35).
Les droits de la défense doivent être pleinement sauvegardés au cours de la procédure devant la chambre de l'instruction. C'est ainsi que l'arrêt doit contenir les éléments de réponse aux conclusions des parties. Il doit, notamment, être répondu à la demande d'exécution de la peine en France de la personne recherchée, de nationalité française. De même, lorsqu'un mandat d'arrêt européen est délivré à la suite du prononcé d'une condamnation, l'arrêt doit énoncer les éléments permettant à la chambre criminelle de savoir si la condamnation est définitive ou non (Crim., 26 octobre 2005, Bull. crim. 2005, n° 270, p. 940, pourvoi n° 05-85.847).
La chambre de l'instruction peut autoriser une personne habilitée par l'Etat d'émission du mandat à intervenir à l'audience, mais cette intervention ne donne pas à l'Etat d'émission la qualité de partie à la procédure.
Il convient maintenant d'examiner les vérifications formelles et de fond que doit opérer la chambre de l'instruction saisie d'une demande de mise à exécution d'un mandat d'arrêt européen puis la nature de la décision à prendre.
II - Vérifications formelles
La chambre de l'instruction vérifie tout d'abord que le mandat émane d'un pays de l'Union européenne ayant transposé dans son droit interne la Décision-cadre du 13 juin 2002. Remplissent actuellement cette condition tous les pays de l'Union européenne. Après une difficulté d'ordre constitutionnel, le législateur allemand a en effet pris, le 20 juillet 2006, une nouvelle loi, entrée en vigueur le 2 août, qui transpose la Décision-cadre du 13 juin 2002.
La chambre de l'instruction doit ensuite avoir l'assurance de l'authenticité du mandat établi ou traduit en français au vu du dossier qui lui est soumis, après transmission dans les conditions suivantes :
- lorsqu'elle connaît le lieu du territoire français où se trouve la personne recherchée, l'autorité requérante adresse directement le mandat, en original ou en copie certifiée conforme, au procureur général territorialement compétent ;
- dans le cas où le lieu où se trouve la personne recherchée n'est pas connu, la transmission du mandat d'arrêt européen se fait soit par l'intermédiaire du système d'information Schengen, soit par celle du système de télécommunication sécurisé du réseau judiciaire européen, soit par la voie de l'organisation internationale de police criminelle, ces modes de transmission valant authentification du mandat. Peuvent aussi être utilisés tous autres moyens laissant une trace écrite.
Il faut noter que le signalement dans le système d'information Schengen vaut mandat d'arrêt européen, dès lors qu'il est accompagné des informations nécessaires au titre de l'article 695-13 du code de procédure pénale. Un mandat d'arrêt européen ne doit pas nécessairement être établi avant l'inscription du signalement (Crim., 5 octobre 2004, Bull. crim. 2004, n° 232, p. 833, pourvoi n° 04-85.385 ; Crim., 1er février 2005, Bull. crim. 2005, n° 36, p. 106, pourvoi n°04-87.787).
Le mandat d'arrêt européen doit comporter un certain nombre de renseignements prévus par l'article 695-13 relatifs à l'identité de la personne recherchée, au titre judiciaire en vertu duquel elle est recherchée, à la peine encourue ou prononcée ainsi qu'à la date et au lieu de commission des faits.
A cet égard, la chambre criminelle a d'ores et déjà eu une interprétation non formaliste de ces exigences.
Elle a ainsi admis que les renseignements relatifs aux date et lieu de commission de l'infraction reprochée pouvaient figurer dans le signalement sans être repris dans le mandat lui-même (Crim., 19 avril 2005, Bull. crim. 2005, n° 136, p. 489, pourvoi n° 05-81.677). Elle a également jugé que les précisions exigées par la loi pouvaient résulter des indications figurant dans un document rédigé par le juge mandant postérieurement au mandat d'arrêt lui-même et joint au dossier, ainsi que des éléments que la chambre de l'instruction pouvait tirer de la procédure (Crim., 8 juin 2005, Bull. crim. 2005, n° 176, p. 626, pourvoi n° 05-82.800).
En ce qui concerne la date des faits, il convient de rappeler que la France a déclaré, en annexe de la Décision-cadre, qu'elle continuerait à traiter selon les règles de l'extradition les demandes relatives aux faits commis avant le 1er novembre 1993. Toutefois, la chambre criminelle a considéré qu'un mandat d'arrêt européen émis en vue d'exécuter une peine pouvait recevoir exécution, dès lors que l'un au moins des faits concernés avait été commis après cette date (Crim., 21 septembre 2004, Bull. crim. 2004, n° 217, p. 775, pourvoi n° 04-84.575).
III - Vérifications de fond
Une fois vérifiée la régularité du mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction fait application des dispositions des articles 695-22 et suivants du code de procédure pénale.
A - Conditions liées à l'infraction
La chambre de l'instruction doit tout d'abord vérifier que le mandat d'arrêt européen est effectivement applicable aux faits de l'espèce. Le mandat d'arrêt européen n'est applicable qu'aux procédures revêtant une certaine gravité.
Il faut distinguer deux hypothèses :
1) Cas dans lequel l'infraction fondant le mandat d'arrêt européen appartient à l'une des trente-deux catégories d'infractions prévues par l'article 695-23 du code de procédure pénale :
La chambre de l'instruction n'a pas à contrôler l'existence de la double incrimination, dès lors qu'elle constate que les agissements en cause sont punis par la loi de l'Etat requérant d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans et rentrent dans l'une des trente-deux catégories d'infractions énumérées par l'article 695-23 du code de procédure pénale ;
2) Cas dans lequel l'infraction fondant le mandat d'arrêt européen n'appartient pas à l'une des trente-deux catégories d'infractions prévues par l'article 695-23 du code de procédure pénale :
La chambre de l'instruction doit s'assurer que les faits ayant donné lieu à l'émission du mandat d'arrêt européen sont punis d'une peine ou d'une mesure privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à un an ou, si la peine ou la mesure a déjà été prononcée, que le quantum retenu est égal ou supérieur à quatre mois (article 695-12 du code de procédure pénale).
Lorsque la remise est demandée pour l'exécution d'une mesure de sûreté, celle-ci peut ne pas exister en droit français. C'est ainsi que la chambre criminelle a admis la remise aux autorités suédoises d'une personne contre laquelle une juridiction de ce pays avait prononcé une mesure d'internement psychiatrique d'une durée limitée (Crim., 25 mai 2005, Bull. crim. 2005, n° 162, p. 575, pourvoi n° 05-82.525).
La chambre de l'instruction doit également contrôler que l'infraction pour laquelle l'exécution du mandat est demandée est aussi incriminée en droit français. Au cas où la personne est réclamée pour plusieurs infractions, chacune de celles-ci doit faire l'objet d'un tel examen. Toutefois, la chambre criminelle considère que la remise d'une personne recherchée en vertu d'un mandat d'arrêt européen peut être accordée lorsque la condamnation à une peine unique a été prononcée pour l'une au moins des infractions répondant aux conditions prévues par les articles 695-12 et 695-23 du code de procédure pénale et qu'elle n'excède pas le maximum de la peine encourue pour les infractions pouvant donner lieu à la remise (Crim., 29 novembre 2006, Bull. crim. 2006, n° 302, p. 1087, pourvoi n° 06-87.993).
B - Cas de refus obligatoire d'exécution du mandat d'arrêt européen
La chambre de l'instruction vérifie ensuite qu'il n'existe aucun des motifs de refus obligatoire d'exécution du mandat d'arrêt européen prévus par l'article 695-22 du code de procédure pénale.
Ces cas sont les suivants :
1) Les faits auraient pu être poursuivis et jugés en France et sont amnistiés par la loi française ;
2) Les faits concernés par le mandat ont déjà fait l'objet d'une décision définitive prononcée par une juridiction française ou étrangère et la peine a été exécutée ou est en cours d'exécution ou ne peut plus l'être selon la loi de l'Etat d'exécution ;
3) La personne recherchée avait moins de 13 ans au moment des faits ;
4) Les faits auraient pu être poursuivis et jugés en France et sont prescrits au regard de la loi française ;
5) Le mandat d'arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle.
C - Cas de refus facultatif d'exécution du mandat d'arrêt européen
La chambre de l'instruction a ensuite à se pencher sur l'existence ou non de causes facultatives de non-exécution.
L'article 695-24 prévoit quatre cas :
1) Les faits ont déjà fait l'objet de poursuites devant les juridictions françaises ou s'il a été décidé de ne pas engager de poursuites en France ou d'y mettre fin ;
2) Le mandat d'arrêt a été délivré en vue de la mise à exécution d'une peine à l'encontre d'un Français et les autorités françaises s'engagent à la faire exécuter ;
3) Les faits à l'origine de l'émission du mandat ont été commis en tout ou en partie en France. Ce motif de refus est en soi suffisant, sans qu'il soit nécessaire de prendre en compte la nature des faits ou la nationalité des personnes concernées (Crim., 8 juillet 2004, Bull. crim. 2004, n° 181, p. 662, pourvoi n° 04-83.662) ;
4) L'infraction a été commise hors du territoire du pays d'émission et la loi française ne prévoit pas dans un tel cas que les poursuites puissent être exercées en France.
La chambre de l'instruction estime ensuite, au cas où il existe une cause facultative de refus de l'exécution du mandat d'arrêt européen, s'il convient ou non d'exécuter celui-ci (article 695-24 du code de procédure pénale).
La confiance réciproque entre les Etats membres de l'Union a fait que les conditions d'exclusion de la remise sont limitativement énumérées par la loi. C'est ainsi que la chambre de l'instruction n'a pas à examiner le grief selon lequel la personne réclamée a été torturée dans l'Etat d'émission du mandat (Crim., 5 avril 2006, Bull. crim. 2006, n° 106, p. 405, pourvoi n° 06-81.835). Il en est de même pour le grief selon lequel la personne recherchée craint pour sa vie en cas de remise (Crim., 27 juin 2006, pourvoi n° 06-84.188).
IV - Décision de la chambre de l'instruction
En application des distinctions prévues par l'article 695-31 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction prend une décision de nature différente selon que la personne réclamée déclare ou non consentir à sa remise, après que la question lui a été posée lors de sa comparution et qu'elle a été informée du caractère irrévocable de son consentement.
Si la personne accepte sa remise, il lui est aussi demandé si elle renonce ou non au principe de spécialité, puis il est vérifié par la chambre de l'instruction que les conditions légales d'exécution du mandat sont remplies. Si ces conditions légales sont remplies, la chambre rend un arrêt par lequel elle donne acte à l'intéressé de son consentement à sa remise et, le cas échéant, de sa renonciation au principe de la spécialité.
Si la personne réclamée refuse sa remise, la chambre de l'instruction statue sur la mise à exécution. La décision est susceptible d'un pourvoi en cassation.
La chambre de l'instruction, après avoir statué sur l'exécution du mandat d'arrêt européen, peut surseoir temporairement à la remise pour des raisons humanitaires sérieuses, en particulier si la remise de la personne recherchée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences graves en raison notamment de son âge ou de son état de santé (article 695-38 du code de procédure pénale). Dans ce cas, elle a seule compétence pour fixer le délai dans lequel le mandat ne pourra être exécuté, le procureur général ne pouvant, à l'issue du délai ainsi fixé, que convenir d'une date de remise avec l'autorité judiciaire d'émission dans les conditions prévues par l'alinéa 2 de l'article 695-38 du code de procédure pénale (Crim., 29 novembre 2006, Bull. crim. 2006, n° 303, p. 1091, pourvoi n° 06-88.142).
La chambre de l'instruction peut, après avoir statué sur l'exécution du mandat d'arrêt, différer la remise de l'intéressé, lorsque la personne recherchée est poursuivie en France ou y a déjà été condamnée et doit y purger une peine en raison d'un fait autre que celui visé par le mandat d'arrêt européen. Elle peut également décider la remise à titre simplement temporaire de la personne recherchée (article 695-39 du code de procédure pénale).
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
UN MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN RETARDE LA LIBÉRATION DE JUAN CARLOS ESTEVEZ PAZ La condamnation du prisonnier politique basque Juan Carlos Estevez Paz originaire de Donostia prenait fin hier, mais un mandat d’arrêt européen de dernière minute a entraîné son « arrestation » à l’intérieur de la prison de Muret-Seysses. Un premier mandat d’arrêt européen avait été demandé contre lui par l’Espagne en 2005, mais il avait été refusé par les juges français. L’Espagne a donc réitéré sa demande à la veille de la libération d’Estevez Paz. Sa détention préventive lui a été notifiée hier et il a été incarcéré à la Maison d’Arrêt de Seysses, en attente de l’audience d’examen du MAE qui aura lieu mardi prochain 18 décembre à 8h30 au Tribunal de Toulouse. Juan Carlos Estevez a déjà été prisonnier d’août 1995 à avril 1999 en France et d’avril 1999 à juin 2001 en Espagne. Arrêté à nouveau en octobre 2008 à Limoges, il a connu depuis différentes prisons françaises et de longues périodes isolé des autres prisonniers basques. Nous dénonçons, une fois encore, la cruauté de ce mandat de dernière minute. Nous exigeons sa libération immédiate et la fin des mandats d’arrêt européens, utilisés à tour de bras dans l’État français à des fins de répression politique.
Euskal Herria, le 13 décembre 2012
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
Ipar Euskal Herriko ETXERAT Pays Basque nord etxerat.iparEH@gmail.com 0033 621 925 748 LA VIE DU PRISONNIER POLITIQUE JON BIENZOBAS MISE EN DANGER PAR LA GRAVE NÉGLIGENCE D’UN SURVEILLANT À LA PRISON DE ST MAUR Témoignage écrit de Jon Bienzobas en pièce jointe. Témoignage vidéo de son frère : http://www.youtube.com/watch?v=T5CyKsoE0FI&feature=youtu.be Le prisonnier politique basque Jon Bienzobas, originaire de Galdakao, a été transféré le 12 novembre dernier vers un hôpital parisien pour y être opéré du nez. Tout s’est bien passé, et il a été ramené à la prison de St Maur de 15 novembre. Le 21 novembre, un médecin de l’hôpital est venu à la prison, pour lui enlever les protections qui avaient été mises dans son nez après l’opération. Il n’y a eu aucun problème jusqu’au 24 novembre. Ce jour-là, vers 19h, Jon a commencé à saigner du nez. Il a prévenu la prison par l’intermédiaire de deux surveillants qui se trouvaient à l’étage, à qui il a expliqué qu’il avait été opéré 10 jours auparavant. Ils lui ont répondu qu’ils avaient appelé le SAMU et de se boucher le nez. Jon leur a demandé d’avertir le chef que ce n’était pas anodin, mais personne n’est venu. L’hémorragie s’est arrêtée une demi-heure plus tard. À 1h45 du matin, le sang a recommencé à couler, et Jon a de nouveau réussi à arrêter l’hémorragie, mais elle a repris vers 2h30. Il a prévenu les surveillants par l’interphone. Vers 2h45, le chef de permanence est apparu en compagnie de trois ou quatre autres surveillants. Voyant la cellule pleine de sang, il n’a pas réagi et lui a redit de se boucher le nez et à nouveau qu’ils allaient appeler le SAMU. Une surveillante ayant montré son inquiétude, ce chef lui a répondu de se taire. À 2h50, la situation était déjà très grave. Jon, la bouche et la gorge pleins de caillots de sang, a demandé de l’aide aux autres prisonniers basques de l’étage, qui se sont mis également à appeler, pour demander au moins que quelqu’un reste en compagnie de Jon en attendant l’ambulance car il risquait de s’évanouir. Cette situation très inquiétante a duré plus d’une heure, jusqu’à devenir vraiment critique. Étouffé par les caillots de sang, Jon avait de plus en plus de mal à respirer. Les surveillants eux-mêmes étaient très inquiets, et se sont mis à critiquer entre eux le chef qui refusait d’ouvrir la porte (c’est le seul qui a la clé la nuit). Ils ont fini, sur la demande des prisonniers basques, par s’adresser à un autre chef en sautant un échelon de la hiérarchie de la prison. Vers 4h du matin, ils sont enfin venus lui ouvrir. Une surveillante qui est également pompier volontaire s’est chargée de Jon, qui était très affaibli, frigorifié et qui commençait à perdre la sensibilité dans les jambes. Ils l’ont emmené à l’infirmerie, et ont du se relayer pour tenter de stopper l’hémorragie. Suivant les consignes de la surveillante pompier, ils ont fait ce qu’ils pouvaient pour que la situation ne s’aggrave pas encore plus. À 5h30, la situation était cependant de plus en plus critique. Le nez et la bouche de plus en plus encombrés de caillots de sang, Jon pouvait à peine respirer et avait été plusieurs fois sur le point de s’évanouir. Les surveillants eux-mêmes étaient extrêmement inquiets, et se demandaient pourquoi l’ambulance mettait si longtemps à arriver. L’ambulance est arrivée à 6h10. Les surveillants ont emmené Jon à l’entrée, où est apparu à nouveau le chef qui n’avait pas voulu ouvrir la porte, avec des menottes et une chaîne pour lui attacher les jambes. Il est arrivé aux urgences de l’hôpital de Châteauroux à 6h30. L’ORL de l’hôpital, après lui avoir fait une anesthésie locale, a stoppé l’hémorragie et a extrait d’énormes caillots de sang. Il lui a expliqué qu’il s’agissait d’une conséquence de son opération précédente, lors de laquelle un petit morceau de glandule avait été coupé. Voyant la quantité de sang qu’il avait perdue et les difficultés pour arriver à l’hôpital, il a décidé de garder Jon 24h en observation. Il est finalement resté 36h à l’hôpital avant d’être ramené à la prison. Le témoignage de Jon Bienzobas, du récit des évènements à la description de sa chambre à l’hôpital, est vraiment effrayant. Il est passé d’une petite opération qui devait être anodine à une situation extrême simplement en raison de la négligence d’un chef surveillant! Jon a risqué sa vie à cause du manque d’assistance de la prison. L’un de nos proches a été sur le point de perdre connaissance à cause de la négligence de la prison. 11 heures sont passées entre son signalement aux surveillants et son transfert à l’hôpital, et pendant ces 11 heures la prison a laissé Jon Bienzobas se vider de son sang. Tout cela en sachant parfaitement qu’il avait été opéré 10 jours auparavant. ETXERAT juge cet évènement très grave, car en plus de la violation permanente de leurs droits, la santé de nos parents et amis prisonniers est gravement mise en danger. C’est honteux et très inquiétant. La prison de St Maur, et particulièrement le chef de garde cette nuit-là, ont montré une négligence scandaleuse. Nous exigeons qu’ils soient mis devant leurs responsabilités et que les mesures qui s’imposent soient prises. Et que serait-il advenu de Jon sans le soutien des autres prisonniers basques? Nous saisissons cette occasion pour exiger également, une fois encore, qu’aucun prisonnier basque ne soit isolé ou séparé de ses compagnons. Euskal Herria, le 13 décembre 2012 |
Pour consulter le blog : linter.over-blog.com
Dans ce monde "d'assistés" et du "vrai travail" (mais si, il l'a dit), ou plus exactement dans une France de 4 millions de chômeurs, où le travail devient une denrée aussi rare que précaire, risquer de perdre son travail devrait selon le Parquet, dans sa motivation d'appel, renvoyer Jean-Marc Rouillan pour la troisième fois derrière les barreaux.
Cet argument, aussi cynique que sinistre, est passé trop inaperçu. Le chômage, le licenciement économique supposé (souhaité par le pouvoir?), serait pour celui qui demande une libération conditionnelle une cause de réemprisonnement!
Le directeur d'Agone, Thierry Discepolo a fait paraître un ouvrage décrivant le monde de l'édition et les risques que courent les "petits" éditeurs: il y montre les concentrations, la toute puissance de l'argent.
Alors que la maison d'édition de Döblin, de Rosa Luxemburg, de Howard Zinn, se bat pour des publications engagées, faisant avancer la pensée, la réflexion.
Se bat pour exister. Se bat par là pour ses salariés, dont fait partie Jean-Marc Rouillan.
Le lien fait entre travail et libération conditionnelle, dans un monde où le chômage est structurel, atteint tous les prisonniers. Pour les prisonniers d'Action directe, libérés après plus de vingt ans de prison, obtenir ces conditions avait déjà été un combat, réussi grâce à des structures comme Agone (grâce aussi, il faut le souligner au travail acharné et opiniatre de Jean-Marc Rouillan et son combat pour l'écriture).
Apparemment, le combat pour l'emploi ne cesse pas pour le Parquet, qui remet jusqu'à plus soif, cet argument, intenable, sur le tapis.
Sur le blog
A lire, l'article de Paco:
http://bellaciao.org/fr/spip.php ?article127096
Jusqu’où ira l’acharnement contre Jean-Marc Rouillan ?
de : Paco
mardi 17 avril 2012 - 23h38
Le 16 avril, le tribunal d’application des peines de Paris accordait une libération conditionnelle à Jean-Marc Rouillan. Immédiatement, le Parquet de Paris a suspendu la décision en faisant appel. Selon une logique kafkaïenne, l’ex-militant d’Action Directe - aujourd’hui membre du NPA - qui aurait pu retrouver la liberté le 20 mai pourrait retourner en cellule après un an de semi-liberté.
Après un quart de siècle de prison, des embrouillaminis sans fin avec la justice, de graves ennuis de santé (Jean-Marc Rouillan a souffert du syndrome de Chester-Erdheim quand il était aux Baumettes), l’auteur d’une belle collection d’ouvrages passionnants sur l’univers carcéral et le militantisme clandestin pouvait espérer aller vers une existence moins turbulente à l’approche de ses soixante ans.
Sorti en mai 2011 de prison, Jean-Marc Rouillan goûte à un ersatz de liberté à Marseille. Malgré le maton électronique vissé à son corps, malgré des horaires serrés (sorties de 10h à 20h en semaine pour aller travailler, sorties de 14h à 19h le samedi et sorties interdites le dimanche), le relégué peut mener un semblant de vie sociale et professionnelle. Il a brillamment autopsié ces moments passés dans le Pays du Dehors au fil des pages d’un “carnet d’été” publiés aux éditions Al Dante en mars dernier.
Il faut se méfier des illusions. Ce n’est pas parce Jean-Marc Rouillan commençait à retrouver le sens de l’orientation, qu’il travaillait pour une maison d’édition réputée, qu’il dessinait de nouveaux horizons militants au sein du NPA, qu’il côtoyait artistes, poètes et écrivains... qu’il en avait fini avec les comptes de la justice. Son actuel régime de semi-liberté ayant commencé le 19 mai 2011, Rouillan a logiquement déposé une demande de libération conditionnelle pour le 19 mai prochain. Demande acceptée par le tribunal d’application des peines (TAP) de Paris le 16 avril. Le Parquet avait 24 heures pour faire appel. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour connaître sa décision.
L’avis favorable du TAP n’était pas une victoire, mais une issue normale pour un long, très long parcours carcéral. Ce qui risque d’être moins normal, c’est ce qui attend Jean-Marc Rouillan le 20 mai. “je reste (malgré tout) un numéro d’écrou”, écrivait-il dans Autopsie du dehors. Espérons qu’il n’en soit pas ainsi. La situation est kafkaïenne. L’écrivain maudit pourrait redevenir un maudit taulard jusqu’à ce que la cour d’appel se prononce. Cela peut prendre des mois...
On pourrait rire de cette farce. Il faut bien s’accrocher pour entendre les arguments du Parquet. Ce dernier reconnaît que Jean-Marc Rouillan est employé aux éditions Agone en CDI (statut dont rêvent pas mal de salariés). C’est bien. Le truc, c’est que le chiffre d’affaire d’Agone n’est pas celui d’une multinationale. L’emploi de Rouillan est donc ainsi déclaré précaire ! Lorsque l’on veut tuer un chien, on dit qu’il a la rage. La vérité, c’est que le Parquet n’a aucune envie de voir Rouillan ailleurs qu’à l’ombre. Rappelons que sa période de sûreté s’était terminée en 2005 et que nous en sommes toujours, en 2012, à nous demander – avec une fausse naïveté - si la loi est la même pour tout le monde.
Il y a peu de chance pour que la situation de Jean-Marc Rouillan émeuve les candidats à l’élection présidentielle.
Pour le moment, pas de vagues sur le site du NPA auquel Jean-Marc Rouillan a adhéré.
Le 16 avril, le blog Linter a publié un article amer. « De nouveau et comme pour Georges Cipriani, la fin de la semi-liberté pourrait signifier un retour en prison pour Jean-Marc Rouillan. Non contents de lui avoir infligé deux années supplémentaires de prison pour une interview, non contents aussi de demander une libération conditionnelle de six ans au lieu de cinq (eh oui, une petite variante versus Jean-Marc Rouillan), la justice et le pouvoir ont en effet inventé ce sinistre paradoxe que la fin de la semi-liberté (qui normalement en cas de réponse favorable devrait aller vers plus de liberté) se transforme en son contraire dans le cas de l’appel. La semi-liberté étant terminée, la liberté conditionnelle gelée par l’appel, ce n’est pas la liberté qui l’emporte jusqu’à la décision, mais le réemprisonnement. Pour un prisonnier politique, décidément les chemins vers la liberté sont interminables. »
En attendant de voir jusqu’où ira l’acharnement contre Jean-Marc Rouillan, on pourra lire les deux derniers excellents livres de son double littéraire Jann-Marc.
- Jann-Marc Rouillan, De Mémoire (3) – La courte saison des GARI / Toulouse 1974, éditions Agone.
|
La grande absente des analyses du rôle de l’industrie des relations publiques dans l’« éternel combat pour le contrôle des esprits » est sans doute l’édition. Pourtant, comme les autres médias, l’édition est depuis longtemps aux mains de grands groupes, souvent les mêmes. Et elle remplit la même fonction dans le maintien de l’ordre idéologique. Suivant la même logique de croissance par acquisition qui prépare la suivante, les grands éditeurs perpétuent l’existence d’un type d’acteur qui, du seul fait de sa taille et de son mode d’organisation, forge un monde social et économique face auquel les idées de changement ne pèsent pas grand-chose. La distinction artificielle entre « groupe de communication » et « groupe éditorial » dissimule le rôle de ces entreprises dans une société à caractère de masse : transformer les lecteurs en consommateurs et limiter la capacité d’agir du plus grand nombre.
Écrit par un éditeur, ce livre propose à la fois une anti-légende de l’édition et les bases d’une réflexion sur les responsabilités sociales et politiques de tout métier. Un questionnement qui prend une forme plus directe lorsqu’il touche la diffusion d’idées : de quelles manières et sous quelles bannières défendre quelles idées, quels types d’organisation du travail et quels projets de société.
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
Journée internationale des prisonniers politiques
17 avril 2012 sur http://frantzfanonfoundation-fondationfrantzfanon.com/
Il m’est demandé d’introduire les deux tables rondes, l’une portant sur «la prison, outil de répression: la résistance des prisonniers politiques face aux traitements inhumains, cruels et dégradants» et l’autre sur «le rôle des prisonniers politiques dans les processus politiques de sortie de crise».
Ces deux entrées posent quelques questions: d’une part, la difficulté à définir cette catégorie du fait de la diversité des formes de coercition et d’autre part, l’impossibilité de saisir son ampleur réelle. Après un recul de la répression politique dans le monde depuis les années 1980, un nouveau tournant répressif s’est amorcé vers la fin des années 1990, et surtout après le 11 septembre 2001.
Je me permets de faire un détour par le nombre exponentiel de prisonniers en France : depuis mars dernier, le taux d’occupation est de 116,13%, soit 66 445 personnes incarcérées, alors qu’elles étaient 65 699 en février dernier et 64 584 en mai 2011 !
S’il n’y a pas de changement de paradigme dans la politique de pénalisation avec pour conséquence, l’incarcération, alors le nombre de prisonniers ne cessera d’augmenter et lorsque les statistiques seront enfin autorisées, il est fort possible que les chiffres fassent frémir tous ceux qui affirment que la France est le pays des droits de l’homme dans lequel il n’y a ni racisme ni xénophobie. En cette journée internationale des prisonniers politiques, il est important de mentionner ce constat, car enfermer à tour de bras est le symptôme d’une société en guerre contre ses citoyens et se posent alors de nombreuses questions d’ordre politique.
Pour revenir à la question des prisonniers politiques, son approche est rendue compliquée car la plupart des Etats refusent de reconnaître l’existence d’une opposition politique ; ainsi des Mapuche, luttant contre l’accaparement et la vandalisation de leurs terres, qui se voient refuser le statut de prisonnier politique ; de Mumia Abu Jamal mais aussi de Leonard Peltier qui n’ont jamais pu obtenir ce statut aux Etats-Unis alors que le premier lutte sans fin pour dénoncer les violations des droits fondamentaux dont sont victimes les Afro-américains et que le second dénonce les conditions d’exploitation des Amérindiens. Sans oublier, bien sûr, les quelque 4 700prisonniers politiques palestiniens dont 300 sous détention administrative, les 200 enfants et les parlementaires qui bénéficient, de facto d’une immunité due à leur statut -il faut rappeler qu’il y a quelques semaines certains d’entre eux ont été enlevés directement dans les locaux de la Croix rouge internationale à Jérusalem ; tous sont retenus par l’Etat d’Israël, en violation totale de la 4me Convention de Genève. Il y a aussi Ameer Makhoul, citoyen arabe palestinien et des prisonniers politiques israéliens, Mordechaï Vanunu, des Refuznik et des militants du camp de la paix. Je pense aussi à Ocalan, aux prisonniers politiques en Russie, à ceux détenus dans de nombreux pays africains, en Chine, en Corée du nord et dans bien d’autres endroits, y compris ceux qui ont été détenus par les Etats-Unis à Guantanamo. Et bien sûr, Georges Ibrahim Abdallah et Jean-Marc Rouillan dont justice refuse la libération alors qu’elle est possible…
Tous ayant en commun d’être marginalisés et détruits par un système qui les oppresse alors qu’eux-mêmes l’ont dénoncé ou le dénoncent encore.
Tous ces prisonniers politiques, gérés par coercition, se voient refuser la qualité de «politique», simplement parce que cette reconnaissance est tributaire du rapport de force national et international et cela plus encore depuis l’apparition de la crise économique, sociale et politique qui exacerbe les conflits nationaux et ethniques, à laquelle s’ajoutent la corruption et la criminalité organisée. Tout cela permet l’application d’un volet sécuritaire nécessaire aux politiques néo-libérales qui limite les droits et les libertés politiques dans tous les pays et qui prend pour cible particulièrement dans les pays occidentaux le migrant et « l’Islam ».
Si ces questions se posent à propos des prisonniers politiques, une autre est aussi essentielle pour identifier une typologie qui devrait permettre de construire des campagnes de mobilisation pour soutenir le combat des prisonniers politiques qui ne peut être dissociée de la lutte qui veulent un autre monde.
Il s’agit des méthodes de subornation de témoins et de prévarication utilisées dans de nombreux procès politiques aussi bien aux Etats-Unis -entre autres lors des procès de Mumia Abu Jamal et de Leonard Peltier-, qu’en Israël qui utilise fréquemment la subornation de témoins pour faire condamner des dirigeants politiques palestiniens -par exemple Marwan Barghouti – mais aussi de simples citoyens palestiniens -ainsi de Salah Hamouri, qu’au Chili où lors des procès contre les Mapuche, certains témoins, lors de leur interrogatoire par la partie civile, affirmaient à la barre que leur témoignage leur avait valu de ne pas être poursuivis dans d’autres affaires de droit pénal, qu’en Turquie et dans combien d’autres pays.
Se trouvent ici questionnées les instrumentalisations et les manipulations de ce qui constitue le droit, et plus généralement des droits, au profit d’une idéologie qui veut légaliser des pratiques liberticides contraires à toutes les normes internationales de protection des droits humains et avec tout état démocratique ou qui s’affirme tel.
Et pour cela, cette idéologie impose l’idée que le terrorisme menace absolument toutes les sphères de la société, particulièrement lorsque des hommes et des femmes revendiquent leurs droits fondamentaux, dont celui à leur souveraineté et à leur terre.
En définitive, cette lutte contre le terrorisme, quelle que soit sa forme et sa gravité, vise à obstruer, à limiter, à empêcher, voire à éliminer l’exercice des droits fondamentaux et plus précisément à criminaliser tout type d’activité, y compris celles qui ont pour base la motivation politique.
Avec cette lutte contre le soit disant terrorisme, le droit national ou international apparaît nettement avec la fonction, non de changer les régimes juridiques ou de les améliorer, mais d’être utilisé, de plus en plus, comme un instrument de répression politico-idéologique et de remise en cause des droits politiques et civils.
Ne doivent pas être aussi omises les conditions d’arrestation, d’interrogation et de détention qui touchent les prisonniers politiques ; elles s’apparentent le plus souvent à de mauvais traitements, inhumains et dégradants dénoncés par les prisonniers eux-mêmes mais aussi par de nombreuses organisations. Cela est malheureusement vrai pour l’ensemble des prisonniers politiques.
Je voudrais revenir rapidement sur la question des prisonniers politiques palestiniens qui constitue un enjeu important et revêt un aspect politique essentiel car elle s’inscrit dans la lutte du peuple palestinien pour sa libération nationale et son indépendance.
Rappelons juste que depuis l’occupation israélienne de 1967, 650 000 Palestiniens – 20% de la population– ont connu les arrestations et depuis le début de la seconde Intifada, près de 35 000 Palestiniens de tous âges sont passés par les prisons ou les camps militaires israéliens.
Ces arrestations et les enfermements se pratiquent sans que la communauté internationale manifeste ouvertement son opposition à ce qui constitue -au regard de la 4ème Convention de Genève- une violation grave, alors qu’elle a émis des résolutions, dans le cadre des Nations Unies, dénonçant aussi bien les arrestations que les emprisonnements.
Le manque d’autonomie de nombreux pays, qui -que ce soit pour des raisons économiques ou politiques- font allégeance aux pays dits de l’axe du bien, dont les Etats-Unis, pas plus que la lutte contre le terrorisme soit disant international ne peuvent justifier le choix de politiques défensives, offensives et «préventives» qui violent les normes impératives du droit international et du droit humanitaire international, pas plus que cela ne peut justifier l’impunité dont jouissent les responsables de ces crimes alors que la Cour pénale internationale précise, dans le Préambule de ses statuts, vouloir la combattre et «y mettre un terme afin de concourir à la prévention de nouveaux crimes (…) parce que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde»…
Certes, il y a plusieurs arguments pour dénoncer le silence complice de la communauté internationale, mais elle est aidée en cela par ce que la Cour suprême israélienne s’autorise. Ainsi lors de chaque appel introduit par les Palestiniens contre l’Etat occupant, la Cour suprême ne cesse de répéter que l’Etat, « une démocratie particulière », vit dans un état de guerre depuis 1948, dès lors les juges ont introduit « ce paradigme de guerre » dans leurs jugements. Ces juges cherchent à protéger leur Etat et donc à exclure les « ennemis » du régime démocratique.
Signalons au passage que cet argument n’est pas spécifique à l’Etat d’Israël, cela se pratique aussi en Allemagne…
Ce paradigme autorise ainsi à inventer une loi spécifique qui fixe ses propres armes qui attaquent, par exemple dans la basic law israélienne, la liberté d’expression, les droits politiques, la liberté de circulation, l’acquisition de la nationalité, qui tous peuvent être suspendus en situation d‘urgence…et qui autorise l’Etat, avec l’aide la justice, à violer allégrement le droit humanitaire international et le droit international…
Mais là encore ce n’est pas spécifique à l’Etat d’Israël, certains Etats aussi limitent fortement les droits humains au nom de l’objectif de sécurité. Cela a été le cas dans l’affaire Ocalan….
A cela s’ajoute et se justifie l’utilisation de la torture ou des mauvais traitements, cette «manipulation» concernant les droits humains autorise leur usage au nom de la sécurité de l’Etat…
En fait, ce qu’a réussi l’Etat d’Israël c’est de mettre en balance et de l’introduire dans son droit interne la liberté et la sécurité, et cela depuis 1948…. Année de la Déclaration universelle des droits de l’homme !
Cet arrangement avec les droits humains, et particulièrement au regard de la dignité humaine, se trouve encore plus justifié depuis le 11 septembre 2001, où l’on peut dire que la doctrine juridique israélienne est devenue le modèle à suivre par les démocraties occidentales et leurs alliés….Pensons aux prisonniers de Guantanamo mais aussi à ceux détenus par les soldats américains en Irak…
Dès lors, il est aisé de comprendre que les prisonniers politiques, où que ce soit, sont une des données de la répression et un des moyens trouvés par les dominants pour imposer un nouvel ordre mondial qui lutte contre l’ensemble des peuples afin d’assurer la financiarisation et la marchandisation du monde. C’est bien pour cela que les démocraties répressives cherchent à pénaliser toute forme de solidarité, et cette rapide réflexion ne serait pas complète sans préciser que les militants de la solidarité seront certainement les nouveaux prisonniers politiques….
Ce qui est commun à l’ensemble des prisonniers politiques est le fait que leurs droits humains leur sont refusés, niés. Il est de notre obligation de demander l’effectivité et l’applicabilité de l’ensemble des droits civils et politiques pour l’ensemble des prisonniers politiques à travers le monde.
C’est bien sur cette base que doit se construire une mobilisation pour les prisonniers politiques de convergence pour la solidarité internationale. Ainsi, il faut s’associer à la campagne lancée par les soutiens internationaux pour demander que les droits civils et politiques de Mumia Abu Jamal soient respectés ; il faut rejoindre les soutiens de Leonard Peltier, de Jean-Marc Rouillan et de Georges Ibrahim Abdallah pour obtenir leur libération ; il faut soutenir l’ensemble des prisonniers politiques palestiniens, dont les 1 400 qui ont entamé une grève de la faim pour obtenir la réalisation de leurs droits et la fin de l’occupation illégale –avec la complicité de la communauté inetrnationale- dont l’ensemble du peuple palestinien est victime ; il faut être auprès des Mapuche, mais aussi de tous les hommes et les femmes, qui sont emprisonnés pour avoir dénoncé la spoliation et la vente illégale de leurs terres ou de leurs ressources naturelles.
En ce sens, cette journée internationale des prisonniers est importante, la lutte des prisonniers politiques est notre lutte, car le droit à la liberté d’expression de toutes celles et de tous ceux qui, enfermés, revendiquent le respect et l’effectivité des droits humains pour l’ensemble des peuples du monde et par-dessus tout le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes fait partie de la norme de base qui doit s’imposer à toutes et tous.
Retenons une phrase, trop rare en France:
"il faut rejoindre les soutiens de Leonard Peltier, de Jean-Marc Rouillan et de Georges Ibrahim Abdallah pour obtenir leur libération"
Reçu ce commentaire tout à fait juste. L'ostracisme qui a si longtempsmarqué les militants d'Action directe a pu nous faire oublier, à tort, les oublis du soutien aux prisonniers politiques d'aujourd'hui:
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
Et toujours l'appel!
Nous n'avions pas repris l'information sur l'accord de la libération conditionnelle pour Jean-Marc Rouillan: l'expérience ayant montré que l'Etat par la voix du Parquet n'acceptait jamais cette décision des juges. Cela n'avait pas été le cas pour Georges Cipriani, cela n'avait pas été le cas pour Nathalie Ménigon.
Et ce n'est pas, de nouveau, le cas pourJean-Marc Rouillan. L'Etat, le pouvoir, le Parquet refuse la libération conditionnelle. Rien de neuf sous le "soleil" du pouvoir. L'acharnement est toujours aussi présent.
Six années au lieu de cinq. Et hop une petite année de plus
Mais, de nouveau et comme pour Georges Cipriani, la fin de la semi-liberté pourrait signifier un retour en prison pour Jean-Marc Rouillan. En effet:
Non contents de lui avoir infligé deux années supplémentaires de prison pour une interview!
Non contents aussi de demander une libération conditionnelle de six ans au lieu de cinq (eh oui, une petite variante versus Jean-Marc Rouillan!),
Sinistre paradoxe
la justice et le pouvoir ont en effet inventé ce sinistre paradoxe que la fin de la semi-liberté qui normalement en cas de réponse favorable, devrait aller vers plus de liberté, se transforme en son contraire dans le cas de l'appel.
La semi-liberté étant terminée, la liberté conditionnelle gelée par l'appel, ce n'est pas la liberté qui l'emporte jusqu'à la décision, mais le réemprisonnement.
Autopsie du dehors
Pour un prisonnier politique, décidément les chemins vers la liberté sont interminables.
Rappelons cependant la résistance par l'écriture qu'oppose Jean-Marc Rouillan. A lire ainsi, comment par l'écriture il s'affranchit de cette tentative constante de prise du pouvoir sur sa vie dans "autopsie du dehors", chronique de sa semi-liberté sous surveillance électronique
quartier des carmes - Jean-Marc Rouillan, autopsie du dehors (2)
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
Mail de rappel d'un camarade
Pour mémoire il avait signé en 2007 (ainsi que Lucie son épouse décédée
en 2007) l'appel à la libération des prisonniers d'Action Directe.
En 2000, c'était pour Yves P. du groupe FTP à Marseille qu'il mettait son
nom en bas d'une pétition !!
n'oublions pas
Collage de Joëlle Aubron
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
Présentation de contre-attaque 2, perspective Jean-Marc Rouillan à Marseille
Contre-attaques. Perspective 2 : Jean-Marc ROUILLAN
05/09/2011 à 21h06 - mis à jour le 05/09/2011 à 21h07 | 669 vues | 2 réactions
Acte 1. L'espace Les Grands Terrains est un laboratoire d'un genre particulier qui favorise la production et la diffusion de projets pluridisciplinaires (ateliers, expérimentations, expositions, manifestations...). Les espaces de cette coopérative sont mutualisés. Les compétences de chacun sont mises à contribution pour assembler divers univers artistiques et culturels qui se ré-approprient dans la réciprocité les représentations sociales de l'être humain.
Acte 2. Avant l'été, la copieuse revue littéraire Contre-Attaques éditée par Al Dante, maison spécialisée dans les arts et les écritures indociles, publiait un numéro consacré à Jean-Marc Rouillan. Ce dernier « invitait » au sommaire Daniel Bensaïd, Henri Lefebvre et Pierre Goldman. On y croisait également des poètes, des photographes, des chercheurs, des philosophes, des artistes, des écrivains... qui donnaient un certain poids à la liberté de parole.
Acte 3. A l'occasion du Festival international des arts & des écritures contemporaines (actOral), poètes, plasticiens et agitateurs fusionneront pour des rendez-vous qui donneront du relief et du son aux passionnantes pages de la revue Contre-Attaques axée sur Jean-Marc Rouillan.
- Le jeudi 15 septembre, à 21h, une soirée poésie-action réunira Manuel Joseph, Stéphane Nowak Papantoniou et Charles Pennequin ainsi que des œuvres visuelles de Laurence Denimal. A suivre, en partenariat avec la librairie Le Lièvre de Mars, dans l'espace Les Grands Terrains, 8 rue Vian, 13006 Marseille. Tél : 09 54 20 15 85. Entrée libre.
- Le jeudi 22 septembre, à 19h, une soirée Contre-attaques présentée par Alain Jugnon associera Bernard Aspe, Alexandre Costanzo et Rada Ivekovic autour du thème du passage à l'acte. Transformé en statue de commandeur, discret et muet par obligation, Jean-Marc Rouillan assistera à la rencontre. A suivre à la librairie L'odeur du temps, 35 rue Pavillon, 13001 Marseille. Tél : 04 91 54 81 56. Entrée libre.
Notons également cet autre rendez-vous, le samedi 17 septembre, à 16h30. Il aura pour thème : Les écrits de la philosophie : Alain Brossat (Violence et politique / lecture suivie d'une lecture avec Alexandre Costanzo). A suivre au Théâtre de la Criée, 30 Quai Rive Neuve, 13007 Marseille. Tél : 04 96 17 80 00. Entrée libre.
Plus d'informations sur le numéro de Contre-Attaques Perpective 2 Jean-Marc Rouillan : Jean-Marc Rouillan est un drôle de type.
Le site du festival actOral
Le site des éditions Al-Dante
Pour consulter le blog: linter.over-blog.com
Nous avions souhaité reprendre le dossier d'Ekaitza, hebdomadaire basque sur le mandat d'arrêt européen Nos camarades de Libérez-les! l'ont fait. Nous reprenons ici leur travail et invitions à visiter leur site.
http://www.liberez-les.info/communique.html
A lire aussi sur le blog notre article:
comprendre-le-mandat-d-arret-europeen-communication-de-la-cour-de-cassation
Ce dossier sur le mandat d'arrêt européen (MAE) à l'encontre de Daniel Derguy, a été réalisé avec des articles du numéro spécial de l'hebdomadaire Ekaitza n°1251 du 04/08/2011.
le 6 juillet 2011 Daniel Derguy est arrêté à Cahors, alors qu’il construit depuis plus de trois ans une nouvelle vie, dans le cadre de la liberté conditionnelle. Les autorités madrilènes ont délivré un MAE à son encontre, au prétexte d’une affaire datant de dix sept années : une lettre piégée où ses empreintes auraient été relevées, postée à Paris en mars 1994 ! Pour la justice française, il y a pourtant prescription. Daniel Derguy a cependant été arrêté, puis relâché sous contrôle judiciaire ; il est passé en procès le 27 juillet 2011 à Agen.
Un parcours de militant
Originaire d'Hazparne, et longtemps résidant à Hiriburu, Daniel Derguy, 51 ans, qui a été technico-commercial à Bayonne, est un militant basque connu pour son implication dans les associations de son canton. Arrêté à Paris le 23 juillet 1996, il sera violemment battu par les forces de police à cette occasion.
Trois procès plus tard, il est condamné à 20 ans d'incarcération pour association de malfaiteurs. Comme 695 citoyens basques, Daniel Derguy était membre du Collectif des prisonniers politiques basques. Pendant ses 12 années d'incarcération, il mena toutes les luttes du Collectif, pour la reconnaissance de leur statut de prisonnier politique, le respect de leurs droits, et surtout contre leur éloignement.
En janvier 2000, il devint l'un des porte-paroles des prisonniers politiques basques, et ce, alors qu'il se trouvait en grève de la faim illimitée depuis le 27 décembre 1999. Cette lutte collective des prisonniers politiques basques détenus en Espagne et en France avait pour but de dénoncer la politique pénitentiaire menée à leur encontre tout en revendiquant le respect de leurs droits.
Daniel Derguy fera 63 jours de grève de la faim : il en ressortira très affaibli, et avec de nombreuses séquelles physiques, dont il subit encore les conséquences aujourd'hui.
Des milliers de personnes, des militants, des syndicats, des élus, des partis politiques, s'étaient alors mobilisés pour le soutenir et dénoncer la situation dans laquelle il se trouvait. La presse locale et nationale, en France, avait relayé cette grève de la faim et les soutiens qu'elle avait suscités.
Incarcéré dans de nombreux centres pénitentiaires français, dont les prisons de Fresnes et de Fleury-Mérogis, il achèvera sa condamnation à Clairvaux : il est en libération conditionnelle depuis le 14 mars 2008 après 12 années passées en détention.
Sa libération a été acceptée sous des conditions très contraignantes, dont la réalisation d'une formation professionnelle de reconversion à Saint-Dizier (dans la région Champagne-Ardenne, à 965 kilomètres de Bayonne), une interdiction de séjour au Pays Basque, en Bretagne et à Paris, d'une durée de 10 ans, et la présentation tous les mois d'attestations de présence à la formation ou d'activité professionnelle, et ce pendant 5 ans.
Daniel Derguy réalisera cette formation en ébénisterie à Saint-Dizier, à près de 1 000 km de sa famille et de sa compagne.
A la fin de sa formation professionnelle, il obtient l'autorisation de s'installer à Cahors, où il trouve un emploi dans un magasin de mobilier. Ayant, depuis quelques mois, la possibilité de prendre ce magasin en gérance, il devait s'en porter acquéreur et signer l'acte de vente le 6 juillet dernier, le jour de son arrestation.
Depuis sa libération conditionnelle, Daniel Derguy s'est totalement investi dans son projet professionnel, respectant toutes les mesures de contrôle qui lui avaient été imposées et se projetant dans une reconversion à Cahors en prenant la gérance d'un magasin.
Son arrestation le 6 juillet pour la notification d'un mandat d'arrêt européen émis par les autorités espagnoles, pour des faits qui auraient été commis en 1994, soit il y a 17 ans, vient mettre à mal tout ce projet. L'activité même de son magasin en subit un grave préjudice, car même en cas de non-application de ce mandat d'arrêt, il sera difficile d'effacer les effets négatifs de cette arrestation très médiatique.
Ce mandat d'arrêt européen porterait sur un scellé vieux de 17 années, une lettre piégée désamorcée de mars 1994, où une empreinte digitale aurait été retrouvée sur une carte de visite qui se trouvait dans l'enveloppe.
Suite à son arrestation à Cahors le 6 juillet 2011, il a été présenté à la Cour d'appel d'Agen (Lot-et-Garonne), de nouveau incarcéré en attente de procédure, le juge considérant qu'il n'avait pas de garantie de représentation (alors qu'il travaille et doit signer l'acte d'achat de la gérance d'un magasin !...). Incarcéré d'abord à Agen, puis à Gradignan, Daniel Derguy réagit à cette injustice flagrante en entamant dès son arrestation une grève de la faim illimitée.
Après 8 jours de grève de la faim, 7 kg perdus et en raison de sa détermination dans son action, il est remis en liberté le 13 juillet. Un délai supplémentaire pour préparer sa défense ayant été accordé, il reste libre, sous contrôle judiciaire, jusqu'au 27 juillet, où son MAE a été examiné à Agen. La justice indiquera le 17 août prochain si elle accepte ou non ce MAE.
Rappelons que le 15 mars 2011, Thomas Hammarberg, le commissaire aux Droits de l'homme du Conseil de l'Europe, a dénoncé le recours excessif au mandat d'arrêt européen en ces termes : " Les problèmes (en rapport avec le MAE) semblent s'être aggravés avec l'augmentation du nombre des MAE : on en compte en moyenne plus d'un millier par mois. (...) L'application de ces procédures a entraîné des violations des droits de l'homme. " Le recul des libertés fondamentales qui en découle en Europe est manifeste, et l'acharnement des autorités françaises et espagnoles à faire en sorte qu'un citoyen basque de nationalité française soit livré à l'Espagne a de quoi inquiéter. Après une tentative pour l'instant avortée avec Aurore Martin, les deux États reviennent à la charge avec Daniel Derguy, pour des faits remontant à 1994 et qui sont en relation avec d'autres faits pour lesquels ce militant basque a déjà accompli 12 ans de prison, suivis de restrictions très strictes dans le cadre de la libération conditionnelle dont il bénéficie depuis trois ans. Et cela alors qu'un processus de paix est en cours au Pays Basque. Une forte mobilisation s'est rapidement mise en place contre ce nouveau MAE, de nombreux élus du Pays Basque, conseillers régionaux, Conseillers Généraux, Maires, conseillers municipaux, ayant signé une pétition par laquelle ils demandent au Gouvernement français l'abandon des poursuites à l'encontre de Daniel Derguy, l'arrêt de l'utilisation du MAE à des fins politiques, et enfin son implication dans la recherche d'une solution au conflit politique au Pays Basque.
Les troubles qu'avait connus le Pays Basque Nord il y a 11 ans à l'occasion de diverses manifestations de soutien à Daniel Derguy en grève de la faim durant 63 jours dans des conditions rendues inhumaines par l'administration pénitentiaire n'ont-ils pas servi de leçon ? Y a-t-il encore quelqu'un qui doute de la détermination de Daniel à se servir de la dernière arme qui lui reste, son corps, pour imposer son droit à la dignité et à la liberté ? N'a-t-il pas suffisamment payé pour mériter de votre part respect et considération ?
" Je ne peux pas accepter "
Compte tenu des événements, nous avions demandé à Daniel Derguy s'il était possible de nous entretenir avec lui après le procès d'Agen dont le contenu devait en partie déterminer son attitude. Nous nous sommes donc rencontrés le soir du procès à Cahors. Les circonstances ont fait que plutôt que de mener une interview, nous sommes entrés dans une discussion à bâtons rompus qui nous a permis de percevoir plus précisément l'état d'esprit et l'engagement de Daniel. Cet article n'est donc pas présenté comme une interview mais sera ponctué par les déclarations et les réflexions de Daniel, au-delà de sa propre personne.
C'est autour d'une table garnie que s'est déroulée la discussion, en abordant les sujets sans véritable chronologie. Pour la commodité des lecteurs nous avons donc essayé de remettre un peu d'ordre dans tout ça et, chronologiquement, de faire comprendre les motivations de Daniel et les enjeux de son combat, un combat qui ne s'arrête pas à sa seule personne et que nous devons tous engager de manière non équivoque.
La case prison
Ce nouvel épisode a commencé le mardi 6 juillet lorsque des policiers en civil sont venus arrêter Daniel pour le conduire en prison avant de l'emmener devant le tribunal d'Agen chargé de prendre la décision d'accorder ou non le mandat d'arrêt européen émis par l'Etat espagnol.
" J'ai vu des hommes arriver, j'ai tenté de mettre la clef dans la serrure du magasin pour entrer, mais je n'en ai même pas eu le temps. Tout s'est passé très vite. Ils m'ont embarqué dans une voiture et m'ont ensuite montré leur brassard, ce qui n'avait pas été fait avant. Même les voisins ont cru qu'il s'agissait d'un enlèvement. " Les policiers étaient des costauds, selon Daniel, les mêmes qui avaient tenté d'arrêter Aurore Martin ? Peut-être, en tout cas, ils appartenaient à la BRI (Brigade de recherche et d'intervention) de Baiona.
Tout va alors très vite, l'acheminement vers Agen où doit lui être signifiée l'émission d'un mandat d'arrêt européen par l'État espagnol. Retour à la case départ. Et un premier passage devant les juges, à Agen. Où l'on signifie à Daniel qu'il est l'objet d'un mandat d'arrêt européen selon de nouveaux faits apparus. Et l'embrouillamini qui s'en suit. Que faire ? Il fallait prendre sa décision et rester en cohérence avec la démarche actuelle de la gauche abertzale.
Pendant ce temps, Daniel était incarcéré à Gradignan. " Ça fait bizarre [doux euphémisme] de se retrouver en prison. J'ai revécu de drôles de choses. " On y retrouve les mêmes lieux mais surtout, les mêmes liens. " Les détenus viennent te voir, comme pour les nouveaux. " Mais il y a aussi l'attitude de la direction, qui demande que Daniel soit avec une autre personne dans la cellule, on ne sait jamais. Même avec un autre détenu basque. Il n'ignore pas que Daniel est en danger.
Quelle possibilité d'action ?
Daniel comprend très vite que sa marge d'action est limitée. Étant seul concerné, il faut choisir une méthode d'action qui soit efficace. Il a déjà, lors d'une campagne menée collectivement, effectué une grève de la faim de plus de 60 jours. Et ce, avec des conséquences irréversibles pour son corps. A ce moment se confirme le choix d'un engagement, un choix on ne peut plus logique : " Il y a trente ans que je lutte et que je me suis engagé, ce n'est pas pour accepter ça ! " Daniel, dès le premier passage devant le juge, a refusé d'être remis aux mains aux autorités espagnoles. Et il affirme que si cela doit être fait, " ce sera entre quatre planches. " Lorsqu'il exprime ce choix, Daniel est très clair, et il pense aussi aux autres. Ce mandat a été accepté pour Aurore, mais il n'a pu être appliqué. Après cet échec du gouvernement français, il fallait une autre victime. Tout simplement pour créer un précédent. " S'il y en a un qui passe, c'est la porte ouverte ", autrement dit, à une extension de la pratique. Il s'agit de résister pour lui-même mais aussi contre une mesure juridique d'exception qui pourrait conduire un certain nombre de militants à une détention définitive.
Une première étape
Daniel se déclare en grève de la faim et dans un premier temps, la représentante de l'État s'oppose à une remise en liberté de Daniel. Mais, lorsque Daniel est présenté devant le tribunal d'Agen, sa liberté conditionnelle ne pose pas de problème. Avec une première échéance, celle du 27 juillet, date de l'examen du MAE par la cour d'appel d'Agen.
Etat d'esprit
Ces événements se sont succédé en peu de temps. La situation était, pour Daniel, tout à fait inattendue : " J'ai pris un pet. " Rien ne laissait supposer qu'il puisse être de nouveau dans le collimateur de la justice française. Remis en liberté conditionnelle, il avait entamé une autre vie, dans les clous délimités par la loi. Et lorsque la nouvelle arrive, tout s'écroule. Et c'est le militant qui réagit, revenant inexorablement sur son parcours, l'engagement, la clandestinité, la prison. Quelle décision fallait-il prendre " après trente ans passés là-dedans ? " Et il a pris sa décision : " Chaque fois qu'ils passeraient quelqu'un, ils auraient devant les yeux le cadavre de Daniel Derguy. " Et ce n'est pas une réaction désespérée : " J'aime la vie ! "
Il ne fallait pas attendre et Daniel avait décidé que si l'avocate générale demandait l'application du MAE, il se mettait immédiatement en grève de la faim. Cette décision a été soumise à critique de la part de ses proches qui se sont évertués à lui dire qu'il risquait sa vie s'il entamait ce mouvement. Les conséquences de sa précédente grève de la faim pèsent lourd dans la balance : " On m'a dit que j'ai les reins d'un type de 80 ans. " Mais du point de vue politique, il s'agit d'une décision qui a ses conséquences sur l'ensemble du mouvement abertzale et peut-être au-delà : " Je ne pouvais pas accepter ! " Et lorsque ces mots sont prononcés, on sent bien que les années de lutte et les sacrifices effectués pèsent énormément dans la balance. Pas seulement les siennes mais aussi celles de ceux et celles qui se sont engagés de la même manière et qui sont susceptibles d'être, demain, les victimes d'un nouvel MAE.
La pression matérielle
L'arrestation de Daniel a eu lieu alors qu'il devait recevoir une livraison de meubles qui devait lui permettre de démarrer du bon pied sa nouvelle activité commerciale. Coïncidence ou savant calcul du bureau des Affaires basques, on peut tout supposer ? Mais les ennuis ne s'arrêtent pas là puisqu'il reste en attente d'un verdict le 17 août. En attendant, l'emprunt négocié reste en suspens. Comment faire sans trésorerie alors que le commerce vient d'être déclaré et que les frais courent, loyer, fournisseurs et autres ? " Il va falloir assurer, de toute façon, on n'a pas le choix ", et Chantal, sa compagne, de confirmer qu'il faudra faire avec les moyens du bord.
Serein mais vigilant
Lors du procès d'Agen, l'avocate générale a prononcé un réquisitoire expliquant que le mandat d'arrêt européen émis contre Daniel avait de bonnes raisons de n'être pas accepté. Mais, car il y a toujours un mais, elle a bien précisé que la décision ne lui appartenait pas et que le tribunal était seul chargé d'argumenter le verdict définitif. Dans d'autres circonstances, au vu du réquisitoire, on serait d'un optimisme débordant. Mais ce réquisitoire a été prononcé avec les formes et ne demande pas clairement l'abandon du MAE. Certes Daniel se déclare serein, mais comme il le dit lui même : " Il ne faut jamais baisser la garde, dès qu'on le fait, tu vois ce qui arrive. " Il s'agit donc de rester vigilant sur ce qui ressemble de plus en plus à un sabotage en règle du processus en cours. Un processus que défend Daniel qui prône une véritable unité de la gauche abertzale, surtout dans les actes. Comment ne pas évoquer les années passées sur des stratégies parallèles ? " Á l'époque, nous nous sommes fait très très mal. " Il se tient toujours au courant de ce qui se passe ici et il se rend bien compte que sa position militante peut avoir des conséquences.
Comment cela se passerait-il si un militant venait à laisser la vie dans ce combat ? Cela pourrait entraîner des réactions qui fragiliseraient les bases d'un processus qui de la part des interlocuteurs espagnols et français tarde à démarrer. " Lorsque nous avons parlé de ma décision avec des militants, cet aspect a été inévitablement évoqué. " Et comme il l'a rappelé lui-même devant le tribunal, cette décision de prononcer un MAE contre lui et d'autres constitue une attaque à ce processus. Il s'agit de répondre collectivement à de telles provocations. Mais du travail a été effectué, à partir de l'affaire Jon Anza puis celle d'Aurore Martin. Pour Daniel, ce travail porte ses fruits. Il constate que les élus ont massivement signé en sa faveur, comme pour Aurore Martin alors que lui n'était pas accusé de délits répertoriés comme politiques mais d'une tentative d'attentat. " On voit que depuis Aurore Martin, il s'est passé quelque chose. Le collectif contre le MAE regroupe au-delà des abertzale " (voir la liste des signataires). Et Daniel salue le travail de fourmi réalisé sur le terrain qui a débouché sur une prise de conscience beaucoup plus large sur le sujet.
Tourné vers l'avenir
Si le verdict du 17 août confirme les impressions laissées au procès d'Agen, Daniel devrait raisonnablement pouvoir reprendre ses activités professionnelles. En pensant au moment où il pourra enfin vivre chez lui : " Je ne peux pas retourner vivre en Iparralde avant 2018 ", mais lorsqu'il dit ça, il souhaite évidemment que ce délai de dix années au départ soit raccourci. Il reste beaucoup à construire et après tant d'années de clandestinité et d'incarcération, il veut y participer. Mais il ne s'attarde pas sur le sujet, cet éloignement est assumé et comme l'a mentionné l'avocate générale, Daniel respecte la règle et sa " traçabilité " ne pose pas de problèmes. Pour l'instant, il va se consacrer à la préparation de son avenir, ou plutôt de leur avenir, il n'est pas seul, avec l'énergie et la détermination qu'on lui connaît. En espérant que l'on tienne compte de son appel à la vigilance. En tout cas, il dit et il le répète : " Il ne faut pas baisser la garde. " C'est l'une des principales leçons pour les militants à tirer de cet épisode qui n'est pas encore clos, loin s'en faut.
Mais pourquoi donc Daniel Derguy passe-t-il en procès ?
(Procès du 27/07/2011)
L'audience débute par l'arrivée de l'avocat général, qui représente le ministère public, Madame Heyte, déjà présente lors de la précédente audience. D'entrée de jeu, elle rappelle au public nombreux (une cinquantaine de personnes) qu'elle ne tolèrera aucune expression vocale.
En revanche, la cour, à la surprise de la défense, est composée de magistrats différents de ceux du 13 juillet.
Le président, M. Sorrau, après l'interrogatoire d'identité, présente une synthèse du dossier, et en particulier l'historique du mandat d'arrêt européen qui vise Daniel Derguy. Ce MAE, émis par le juge Meredes, du Tribunal national espagnol (Audiencia nacional) est arrivé le 8 mars 2011 sur le bureau des autorités françaises.
L'ordre est donné d'arrêter Daniel Derguy. Le 6 juillet au matin, des hommes cagoulés, les mêmes que ceux qui ont tenté d'arrêter Aurore Martin l'après-midi du 21 juin à Bayonne, semble-t-il d'après la description qui nous en a été faite, se sont emparés de Daniel, devant son domicile. Le 7 juillet, il était présenté au tribunal d'Agen. Le 13 juillet, Daniel Derguy était remis en liberté et un supplément d'information était demandé aux autorités espagnoles ; en effet, se posait un problème de traduction en français non conforme à l'original et d'extinction des poursuites par prescription (les faits incriminés, à savoir une lettre piégée dans laquelle aurait été relevée l'empreinte du pouce de la main gauche de Daniel, datant du 4 mars 1994 – date de réception de la lettre – ou du 21 février 1994 – cachet de la poste de Paris du courrier).
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la question soulevée par le tribunal relative à la traduction relève du fait que par rapport à l'original en castillan, un paragraphe entier a été rajouté dans la traduction en français fournie par les autorités espagnoles. Ce paragraphe attribue à Daniel Derguy, après une " tentative d'assassinat en tant qu'auteur ", un second chef d'inculpation : " Détention d'explosif en collaboration avec une entreprise terroriste. "
Bien évidemment, les autorités espagnoles ont adressé une nouvelle version de cette traduction dans laquelle ce passage n'existant pas en castillan a disparu, avançant l'excuse d'une " erreur matérielle " dans la traduction...
Pour la tentative d'assassinat, Daniel risque 30 ans de prison. En droit espagnol, le délit est prescrit après vingt ans, soit le 4 mars 2014. Quant à savoir ce qu'il en est réellement de la prescription de ce délit, les autorité espagnoles préfèrent ne pas répondre.
Application du droit
Après cet exposé de la procédure, la parole est donnée au ministère public qui va curieusement nous faire un cours de droit appliqué au MAE.
L'avocate générale, qui dans son réquisitoire écrit aurait précisé que le tribunal ne " doit pas " accepter ce MAE (d'après nos sources), va s'employer à expliquer la position du ministère de la Justice sur ce problème (elle précisera au moins deux fois que c'est sur ordre qu'elle présente cette position). Elle constate que la première traduction en français n'était pas identique au texte original et que les autorités ont bien transmis une nouvelle copie française " certifiée conforme " de ce mandat.
Viendra ensuite une longue explication des raisons pour lesquelles en droit français, la prescription pour le délit retenu pouvait être acquise, en se reportant à l'art. 695 al. 22 du Code pénal. En 1994, la prescription pour le délit reproché à Daniel Derguy était de 10 ans. En 1995, une nouvelle loi rallonge le délai de prescription mais ne s'applique pas aux faits commis si cela aggrave les peines des personnes emprisonnées. Le 9 mars 2004, une nouvelle loi vient annuler l'alinéa de 1995 relatif à la suspension de l'allongement de la prescription pour cause d'aggravation de la situation des prévenus. Le 11 mars 2004, cette loi est publiée au Journal officiel.
Or, pour les faits imputés à Daniel datant du 4 mars 1994, la prescription était acquise le 4 mars 2004 et donc la loi du 11 mars de cette même année ne peut lui être appliquée.
Soulevant un autre point de droit, l'avocate générale va s'appuyer sur l'article 695.24 de cette loi pour dire que " les faits ont été commis sur tout ou partie du territoire français " et qu'à ce titre, ils ne peuvent tomber sous le coup d'une juridiction étrangère. Autre motif de refus de ce mandat d'arrêt. Elle s'appuie pour cela sur une décision de la chambre d'instruction de Pau, qui fait jurisprudence. Toutefois, précise-t-elle, toute décision de refus doit être motivée (art. 695.25).
Abordant la notion d'" ordre public international ", elle remarque que Daniel Derguy a été condamné lourdement (en fait trois condamnations de 10 ans, le maximum de la peine, confusionnées à 20 ans) et que l'on peut légitimement penser que les faits reprochés sont " connexes ou concomitants " à ceux pour lesquels il a été condamné (" association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ") et donc qu'il a déjà été jugé pour ces faits... Cependant elle fait remarquer à la cour qu'une " convention sur le terrorisme lie l'État français " et lui donne " l'obligation d'examiner les faits ", questionnant directement les juges sur l'éventualité d'ouvrir une instruction sur ces faits (par ailleurs prescrits et déjà jugés – Ndlr)...
Voilà la teneur de ce réquisitoire qui a pris des allures de conférence de droit pour juristes chevronnés. Toujours est-il que l'avocate générale a bien précisé aux juges que c'était à eux de prendre la décision et de la motiver.
Refus
La plaidoirie de Yolanda Molina, l'avocate de Daniel, a porté sur deux parties. D'une part, elle a affirmé que la cour se trouvait devant un cas de refus obligatoire dû au principe de territorialité (les faits on eu lieu en partie sur l'État français et sont prescrits en droit français), et un cas de refus facultatif qu'elle trouve particulièrement adapté, puisque cela relève du pouvoir que la loi donne aux juges de refuser un mandat d'arrêt européen, en se basant dans le cas présent sur l'ancienneté des faits, l'impossibilité de se défendre qui en découle et sa situation personnelle.
Me Molina cherche pourquoi on vient en 2011 chercher Daniel Derguy pour des faits commis en 1994 : " Il y a une raison qui n'est pas juridique. Elle est ailleurs. C'est une raison politique ", affirme-t-elle. De plus les faits reprochés (une empreinte sur une carte de visite dans une enveloppe) " ne constituent pas en droit français une tentative d'assassinat ". Elle remarque que les empreintes digitales de Daniel Derguy, arrêté en 1996, ont été diffusées depuis 1998, et " ne croit pas à un manque de diligence de l'autorité espagnole ". " A Madrid, des dossiers comme celui-là, il y en a plein les tiroirs ! " affirme-t-elle.
Elle demande donc à la cour de rejeter ce mandat au titre du " refus obligatoire " et du " refus facultatif ".
Le président donne alors la parole à Daniel Derguy en lui précisant de ne pas sortir du cadre de cette affaire.
Les mots de Daniel sont brefs, calmes et déterminés : " Vous avez devant vous un homme qui n'est pas rempli de haine mais un homme en colère... Quelle que soit la décision que vous allez prendre, ce sera un cadavre qui prendra le chemin de l'Espagne ". " Quand l'État français va-t-il s'inscrire dans le processus démocratique politique et non-violent qui doit aboutir à une véritable paix ? "
Les Affaires basques
Les faits se résument donc à une arrestation sur la foi d'un mandat d'arrêt international connu par les autorités françaises depuis 4 mois, et qui de l'aveu même de ces autorités ne peut être que refusé.
Cependant, ces autorités montent une arrestation commando, avec les risques de bavure que cela comporte. Elles mettront Daniel Derguy en prison, s'opposeront à sa libération, puis le lendemain, à l'audience du 13, n'y feront plus obstacle.
Le lecteur, se demandera peut-être pourquoi nous nous sommes étendus longuement sur les arguments juridiques de cette audience qui fut exclusivement " technique ". Il nous a semblé important d'essayer d'éclairer la complexité des arguments de droit mis en avant, afin de mieux mettre en évidence le fait que des juristes seuls ont pu poser les bases d'un tel mandat d'arrêt, en Espagne bien sûr, mais aussi en France, où les juristes du bureau des Affaires basques ont eu 4 longs mois pour étudier ce mandat, s'apercevoir qu'il n'était pas applicable et néanmoins déclencher son début d'exécution. Ces juristes qui, n'en doutons pas, sont titulaires des meilleurs diplômes, n'hésitent cependant pas à fournir à la police et à la justice un document biaisé (" erreur matérielle " de traduction) et inexécutable en droit. Il faudra attendre l'audience du 13 juillet pour commencer à s'en rendre compte. Imagine-t-on les conséquences si la défense n'avait pas mis à jour ce " vrai-faux " mandat d'arrêt...
Batasuna fait le point sur la situation
Le 6 juillet 2011, une nouvelle étape dans la politique de répression de l'État français est franchie. Comme Aurore Martin, Daniel Derguy, militant basque de " nationalité française " se voit notifier un Mandat d'Arrêt Européen. L'État français confirme que sa décision est prise : éliminer de la carte une expression politique basque qui le dérange, et ce, grâce à un outil politique émis par une juridiction d'exception. Le recours au MAE par l'État français porte ce message : réduire à néant, ici aussi, la gauche abertzale et son projet politique. Une loi dite " antiterroriste " devient bien une loi " anti projet Euskal Herria ". L'heure est extrêmement grave : après Aurore, après Daniel, on peut supposer, sans trop se tromper, que d'autres militants du Pays Basque Nord subiront le même sort : des années d'incarcération à Madrid pour leur engagement en faveur d'un Pays Basque réunifié, libre et démocratique. Ces militants rejoindront ainsi la longue liste de ceux d'Hegoalde renvoyés par des tribunaux français dans les prisons espagnoles, à la demande de l'Audiencia nacional, juridiction d'exception qui base ses décisions sur des déclarations issues d'actes de torture.
Face à cette situation, l'attitude de Daniel est sans équivoque. Il se battra jusqu'au bout, et par tous les moyens, quel que soit le prix à payer. Il n'acceptera pas d'être renvoyé en prison en Espagne, pour des faits remontant à 17 ans, et qui sont donc prescrits en droit français. Ceux et celles qui connaissent Daniel savent que ce geste n'est pas anodin, n'est pas lancé au hasard. A une attaque frontale lancée par l'État français, Daniel répond par la résistance, l'engagement total, la dignité, la hauteur politique. Nous ne pouvons qu'être à ses côtés et mettre toute notre énergie à la mobilisation afin que l'issue ne soit pas fatale.
Il ne s'agit pas ici de discuter son choix. Daniel est un militant de longue date, très engagé, avec une lecture très précise du moment politique dans lequel se trouve Euskal Herria. Et c'est bien de cela dont il s'agit : du moment politique.
Voici plus d'un an que la gauche abertzale a fait connaître sa proposition " Zutik Euskal Herria " qui vise le dépassement du statu quo ou blocage dans lequel se trouve le Pays Basque, pour aller vers l'application du droit à l'autodétermination, via uniquement des voies démocratiques, en priorisant le travail en commun, l'accumulation des forces, les accords politiques en Euskal Herria et l'implication de la communauté internationale. Voici près de 6 mois que l'organisation ETA a déclaré un cessez le feu " permanent, général et vérifiable par la communauté internationale ", qu'elle vient encore de confirmer il y a quelques jours. Voici quelques semaines que la coalition abertzale de gauche Bildu est à la tête de plusieurs institutions en Hegoalde. Voici quelques semaines qu'en Pays Basque Nord, la coalition électorale EHBai se trouve confirmée comme étant la 3e force politique. Voici venu le moment des choix stratégiques pour tout le mouvement abertzale où la priorité doit être donnée à la concrétisation du processus démocratique.
Face à cette ambiance, l'État espagnol continue via ses juridictions d'exception à emprisonner des leaders politiques, des jeunes qui constituent la relève de ce pays, à maintenir incarcérés des centaines de prisonniers politiques basques. L'État français, quant à lui, franchit un pas encore jamais atteint : éliminer de fait Batasuna et la gauche abertzale de " son territoire " via l'application du MAE. Face à la stratégie de confrontation que poursuivent ces deux Etats envers Euskal Herria, notre devoir est clair : poursuivre l'accumulation des forces, le travail en commun, et les accords stratégiques. Les États voudraient nous " diviser pour mieux régner ". Ne tombons pas dans le piège.
La mobilisation, la méthode de travail collective est exemplaire autour du cas Aurore Martin. Au-delà de toutes nos différences, abertzale ou non abertzale, nous avons ensemble bien su cerner le moment politique. Car il s'agit bien de cela : le moment politique choisi par la France pour s'engager dans la voie des MAE ; ce moment si important, si décisif pour le Pays Basque qui dérange les États français et espagnol. Ces derniers mois, un rempart populaire a été mis en marche. Continuons dans ce sens afin de créer depuis le Pays Basque une interlocution politique face à Paris, dont l'un des objectifs à moyen et long terme est d'exprimer et de résoudre les problèmes de fond, qui sont la source du " conflit basque ".
À court terme, si le 17 août 2011, le tribunal d'Agen décide d'appliquer à Daniel Derguy ce mandat d'arrêt européen, un compte à rebours va s'enclencher. Daniel entrera en grève de la faim illimitée et ira au bout de cette action. L'État français, ses responsables locaux seront face à une responsabilité sans précédent. Souhaitent-ils avoir à gérer un " Bobby Sands " ? Si oui, ils ne sont pas dignes d'être des responsables politiques, qu'ils en assument les conséquences. Si non, qu'ils interpellent de manière très efficace leurs homologues parisiens pour trouver une solution. La seule solution étant la non-application du MAE ! Une responsabilité sans précédent attend aussi tout le mouvement abertzale, soyons à la hauteur ! Bien qu'en plein été, la mobilisation doit être plus forte que jamais. Soyons nombreux et nombreuses à la manifestation de Donibane Garazi le 15 août à 17 heures.
Utz Daniel bakean ! Non au mandat d'arrêt européen ! Résolution démocratique et politique du conflit en Pays Basque !
Gabi Mouesca :
" Ces poursuites sont une provocation "
L'actualité autour du mandat d'arrêt européen (MAE) a provoqué de nombreuses prises de positions ces derniers mois. Nous avons souhaité en parler avec Gabi Mouesca, militant de la gauche abertzale, candidat aux sénatoriales de septembre prochain.
Ekaitza : Dans le cas d'Aurore Martin, nous avons assisté à une mobilisation surprenante de forces et de personnalités très hétéroclites. Qu'est-ce que cela t'inspire ?
Gabi Mouesca : Il faut tout d'abord dire que ces diverses mobilisations, d'individus et de structures politiques ou syndicales, ont été le fruit d'un formidable travail militant d'explication et de persuasion. Il faut le souligner car dans ce cas précis, comme ce fut le cas pour l'affaire Jon Anza, les résultats sont la conséquence d'un travail sérieux, qui a mobilisé des personnes qui pour beaucoup se sont données jusqu'à la limite de leurs forces. Il faut saluer ces militant(e)s pour leur investissement exemplaire.
Par ces fameux résultats, je veux parler de la mobilisation de certaines personnalités politiques et de partis ou organismes peu coutumiers de porter un intérêt à la répression subie par la gauche abertzale. Néanmoins, je dirais que l'hirondelle ne fait pas le printemps. Nous sommes entrés en période pré-électorale (sénatoriales à venir, présidentielles...), et nous savons qu'en pareille période, la tentation est grande pour beaucoup d'opter pour des attitudes qui peuvent être en totale contradiction avec ce qui est leur posture habituelle. De plus, il y a des microclimats locaux (suivez mon regard qui se tourne vers le Rocher de la Vierge...) qui peuvent aussi nous valoir des postures surprenantes. Enfin, le phénomène de dominos engendre des réactions qui n'ont comme logique que celle de suivre le mouvement lancé. C'est un classique de la politique politicienne.
Notre mémoire collective nous invite à la plus grande prudence, et à ne pas céder aux appels des sirènes et à nous méfier des leurres.
D'ailleurs, nous n'avons pas tardé à nous rendre compte de la relativité de la motivation de certaines personnes et structures politiques ou syndicales. En effet, lorsqu'il s'est agi de dénoncer le MAE appliqué à Daniel Derguy, même si le facteur temps n'a pas joué en faveur d'une re-mobilisation conséquente, il faut bien reconnaître que certains ont manqué à l'appel. Du point de vue des mécanismes et logiques répressives utilisées, le cas de Daniel est pourtant bien identique à celui d'Aurore. Sauf... sauf que Daniel est " estampillé " ETA.
Ainsi, à la première aspérité, c'est " courage, fuyons ! "
Pourtant, le mandat d'arrêt européen est un outil répressif que la quasi-totalité des spécialistes en matière de défense des droits de l'homme a dénoncé. Dénonciation faite également par un nombre conséquent de partis politiques, syndicats et autres structures situées dans l'opposition au pouvoir actuel ou simplement jouant le rôle de contrepouvoir dans le fonctionnement démocratique de notre société.
Les poursuites engagées contre Aurore Martin, via le MAE, ont aussi été massivement dénoncées comme une provocation, une atteinte aux conditions nécessaires pour instaurer un climat favorisant l'avancée d'un processus de paix en Euskal Herri.
Puis, advient le cas Daniel Derguy. Et là, surgit le passé militant de Daniel. Son engagement dans les rangs d'ETA.
Premier élément de réflexion : lutter contre le MAE et défendre Aurore et Daniel ne sont pas en Euskal Herri des éléments de simples batailles politiques ou idéologiques. Il s'agit là d'un combat mené au nom d'un objectif suprême, celui de créer les conditions d'une paix juste et durable.
Le mercredi 18 août, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Agen a refusé l'exécution du mandat d'arrêt européen (MAE) émis par l'Espagne à l'encontre du camarade Basque Daniel Derguy
Nathalie Ménigon
Georges Cipriani
en libération conditionnelle
Jean-Marc Rouillan
en semi-liberté
(août 2009)
PROCES CONTRE C. GAUGER ET S. SUDER
Pour suivre le procès : lire
LIBERATION DE SONJA SUDER
EMPRISONNEE DEPUIS SEPTEMBRE 2011 POUR DES FAITS REMONTANT A PLUS DE TRENTE ANS ET SUR LES SEULES ACCUSATIONS D'UN TEMOIN REPENTI HANS-JOACHIM KLEIN.
ARRET DES POUSUITES CONTRE CHRISTIAN GAUGER ET SONJA SUDER
ENGAGEES AU MEPRIS DE TOUTE PRESCRIPTION
SUR LES SEULES BASES DE DECLARATIONS OBTENUES SOUS LA TORTURE D'UNE PART ET D'UN REPENTI D'AUTRE PART
NON A LA TORTURE - NON A LA CITATION COMME TEMOIN D'HERMANN F.
Militant grièvement blessé en 1978, interrogé dès le lendemain d'une opération où il a perdu ses deux yeux et a été amputé des deux jambes, séquestré durant quatre mois sans mandat d'arrêt par la police, maintenu à l'iolement, et dont le tribunal prétend aujourd'hui utiliser les déclarations, qu'il a remis en cause dès qu'il a qu'il a pu être libéré des griffes des policiers.
LIBERATION DE SIBYLLE S., ARRETEE LE 9 AVRIL EN PLEIN PROCES POUR REFUS DE TEMOIGNER :
condamnée il y a plus de trente ans sur la base des déclarations de son ex-compagnon Hermann F., elle est restée proche de lui toutes ses années et refuse qu'on utilise ces déclarations qui lui ont été extorquées au prix de traitements inhumains.