Une manifestation a réuni 250 personnes en Belgique le 19 juillet en solidarité avec Bertrand Sassoye. Dans un entretien, il démontre la légèreté du dossier à partir duquel on le retient prisonnier. Il s'exprime aussi sur l'expérience des CCC
Bertrand Sassoye, votre arrestation et celles de vos camarades résulteraient de la découverte de vos photos d’identité, annotées de votre main, dans une cache du Parti communiste politico-militaire (PCPM) italien. A qui furent transmises ces photos et dans quel but ?
Si nous n’avons pas renseigné la police en ses locaux, ce n’est pas pour qu’elle apprenne ce qui l’intéresse en lisant le journal. Nous n’avons qu’une chose à dire à propos de ces photos : elles n’ont pas été faites et/ou données pour être remises au PCPM. Si j’avais donné ou fait parvenir ma photo au PCPM, croyez-vous qu’après leurs arrestations et la découverte de leur cache, j’aurais été en Italie assister à leur procès ? Autant se jeter dans la gueule du loup ! Merde alors ! J’ai même signé le registre d’entrée du palais de justice de Milan ! Tout ce que nous pourrions éventuellement dire ou suggérer en plus sur ces photos n’a d’intérêt que pour la police, n’aura d’effet que d’étendre les enquêtes et la répression contre des militants politiques.
Même si ces informations pourraient vous disculper ?
Même dans ce cas. C’est un principe que suivent les communistes depuis les années 20 pour traverser toutes les répressions : ne donner aucune information dans une enquête qui vise des forces progressistes ! Même pas à l’heure qu’il est ! Même à un policier qui trimbale une horloge sur le dos !
Etes-vous conscient que cette position peur nourrir des soupçons ?
C’est bien la logique de la section antiterroriste et de la juge d’instruction : soit on donne à la police toutes les informations qu’elle souhaite, soit on est coupable et on vole en prison. Nous sommes inculpés de « participation à activité terroriste » et la juge est incapable de dire à quelle activité nous aurions participé et quelle aurait été la nature de cette participation. Cela ne l’empêche pas d’envoyer les commandos antiterroristes défoncer à 5 heures du matin les portes des « suspects » et de leur entourage, de mettre tout le monde en prison, etc. Voilà ce que permet la nouvelle loi antiterroriste, importée des USA en Europe, et votée par le Parlement belge par 187 voix contre 4…
Il est aussi question d’une réunion observée par la DST à Paris, en 2005, où vous et Andréa Stauffacher, du Secours rouge international (SRI), avez rencontré un militant italien qui sera accusé d’avoir falsifié des papiers pour des membres du (nouveau) Parti communiste d’Italie…
La DST ayant effectivement écouté toute cette conversation, je peux en parler librement. Des militants du (n)PCI, une organisation clandestine mais non combattante, avaient été arrêtés en France. Les proches de ceux-ci demandaient au SRI de faire campagne pour ces prisonniers. Bref : la routine pour le secrétariat du SRI, dont le rôle est de fédérer et d’assurer la liaison internationale des forces qui luttent contre la répression et soutiennent les prisonniers communistes, anarchistes, syndicalistes et antifascistes. Ce qui est intéressant, c’est que la section antiterroriste connaît le contenu de cette réunion, qu’elle sait qu’il n’y avait rien de « conspiratif », mais qu’elle en fait partout mention pour nourrir le soupçon et lester un dossier qu’elle sait léger.
Quel bilan tirez-vous de l’époque des CCC ?
Voilà des décennies que les luttes ouvrières et populaires sont impuissantes, parce qu’enfermées par les réformistes dans le cul-de-sac d’une légalité protégeant les intérêts capitalistes. Il y a eu des erreurs et la défaite mais cela reste une expérience précieuse dont il faut tirer les leçons. C’est dans le cadre du Bloc marxiste-léniniste que j’essaie de contribuer à ce bilan critique, tant avec des camarades qui, à l’époque, défendaient les thèses des CCC qu’avec des camarades qui, issus d’autres courants du mouvement communiste, jugeaient leur lutte aventureuse. Dans le cadre des arrestations du 5 juin, à chaque audience, le représentant du parquet a demandé mon maintien en détention en invoquant « ma » théorie de la violence. Il m’importe de faire comprendre que ce n’est pas « ma théorie » mais l’abc du marxisme. En 1878, un journaliste du Chicago Tribune s’était rendu à Londres pour interviewer Marx à ce sujet…
Le tribunal d’application des peines (TAP) a confirmé votre libération conditionnelle, malgré la demande de révocation du parquet. Il semble que cette demande s’appuyait sur des informations erronées.
« Erronées » est une interprétation charitable… Vous auriez pu risquer « mensongères ». Le rapport de la section antiterroriste affirmait par exemple que je n’avais pas signalé deux voyages à l’étranger. Or la simple lecture des rapports de mes agents de conditionnelle prouve le contraire. Tout y est noir sur blanc. Le TAP en a tiré les conclusions. La question est de savoir si la juge Bernardo-Mendez est la dupe ou la complice des coups fourrés de la section antiterroriste. Je serai curieux de l’entendre le 23 à la prochaine chambre du conseil.
MARC METDEPENNINGEN
vendredi 18 juillet 2008, 07:09